Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 01/06/2023

Question posée en séance publique le 31/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Mme Nathalie Goulet. C'est une question difficile, en effet.

Monsieur le ministre chargé des comptes publics, vous avez présenté hier votre plan de lutte contre la fraude sociale. Je souhaite d'abord vous remercier de reconnaître qu'il s'agit d'une fraude aux finances publiques, qu'il convient de traiter comme telle. Je fais ce rappel d'autant plus volontiers que j'ai été traitée dans cet hémicycle de menteuse (Exclamations amusées sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) et de suppôt du Rassemblement national par un ministre de votre majorité lorsque j'avais osé évoquer ce sujet voilà quelques années.

Quatre ans plus tard, les graves dysfonctionnements demeurent, et les fraudes sont évaluées entre 6 milliards et 8 milliards d'euros, fourchette basse.

La Cour des comptes relève le taux important de fraude documentaire et demande la sécurisation de l'immatriculation des bénéficiaires, faute de quoi vous construirez sur du sable.

Vous présentez des mesures ponctuelles utiles, mais vous abandonnez la voie de la biométrie, votée deux fois ici, au Sénat, pour un système de fusion entre la carte nationale d'identité (CNI) et la carte Vitale. Il y aurait, entend-on, des voix discordantes au sein du Gouvernement au sujet de cet outil, dont la mise en chantier prendra des années.

Pouvez-vous nous indiquer le calendrier de mise en place de cette mesure et justifier ainsi votre choix, compte tenu du temps qu'il faut aujourd'hui en France pour avoir une CNI ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 01/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 31/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nathalie Goulet, la lutte contre la fraude sociale, comme la lutte contre la fraude fiscale, est fondamentale. Quand on parle de lutter contre la fraude sociale, on parle tout simplement de garder le contrôle sur notre modèle social, en retrouvant la maîtrise de ce que l'on donne et de la qualité de bénéficiaire.

Madame la sénatrice, je voudrais commencer ma réponse en vous remerciant, vous qui travaillez depuis de nombreuses années sur ce sujet. Vous avez ainsi rédigé un rapport très important en 2019 avec ma collègue Carole Grandjean, qui était députée à l'époque. Vous avez également participé au groupe de travail que j'ai mis en place pour l'élaboration de ce plan, dont plusieurs mesures viennent directement de propositions que vous aviez faites. Je n'en citerai qu'une : à partir du 1er juillet prochain, nous ne verserons plus d'allocations sociales sur des comptes bancaires étrangers. C'est vous qui aviez fait cette proposition et nous l'avons reprise.

Vous m'interrogez sur la carte Vitale biométrique. En effet, c'est une proposition qui a été faite à plusieurs reprises ici même. Nous avons confié à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'inspection générale des finances (IGF) une mission sur le sujet. Le rapport, qui a été remis voilà quelques jours, est à votre disposition. Que dit ce rapport ? D'abord, une telle mesure coûterait très cher, à savoir 250 millions d'euros par an. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Ensuite, il y a de vrais freins juridiques, tant et si bien que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) s'y oppose. (Mêmes mouvements.) Enfin, il y a des obstacles pratiques : les syndicats de médecins disent eux-mêmes dans le rapport qu'ils s'y opposent. Par ailleurs, si vous êtes cloué au lit, ce sera compliqué d'envoyer un proche chercher vos médicaments à la pharmacie, car il faudra donner vos empreintes. (Ce n'est pas le sujet ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

La mission Igas-IGF recommande une autre voie de sécurisation de la carte Vitale en faisant migrer celle-ci sur la carte nationale d'identité. C'est cette voie que nous avons décidé de suivre. Cela permettra de lutter davantage contre la fraude à l'identité pour l'accès aux soins dans notre pays, par exemple à travers du tourisme médical illégal.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Gérald Darmanin, François Braun et moi-même venons de lancer une mission de préfiguration pour déterminer le calendrier et les modalités de cette réforme.

M. Jean-François Husson. Il serait temps !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L'objectif, c'est d'aller vite sans qu'il y ait de rupture dans l'accès aux soins et aux droits pour les Français.

Nous savons qu'il y a des difficultés aujourd'hui pour renouveler ses titres d'identité et une telle bascule ne peut s'envisager tant que nous ne sommes pas revenus à la normale, même si la Première ministre a annoncé des moyens très importants pour mettre fin à cette situation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La mission de préfiguration sera lancée d'ici à l'été et des propositions nous seront remises. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, il y a des mesures urgentes à prendre. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'y a absolument pas de lien, par exemple, entre le titre de séjour en France et les droits sociaux. Ainsi, une personne dont le titre de séjour est expiré voit sa carte Vitale continuer à fonctionner.

Dans son rapport du 24 mai dernier, la Cour des comptes indique qu'on recense 58 millions de cartes actives, soit un excédent de 2,6 millions, ce qui est tout de même un peu étonnant. Par ailleurs, l'administration a refusé de lui fournir le nombre de cartes Vitale actives par année de naissance, ce qui permettrait de contrôler l'exactitude de ces cartes.

Il y a également 44 000 numéros d'inscription au répertoire (NIR) frauduleux, et l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) a été remplacée par Administration numérique des étrangers en France, qui ne fonctionne toujours pas, selon la Cour des comptes.

Vous le voyez, il y a un certain nombre de dysfonctionnements majeurs à régler, faute de quoi votre plan ne servira à rien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

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