Question de M. GILLÉ Hervé (Gironde - SER) publiée le 15/06/2023

M. Hervé Gillé rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°01610 posée le 21/07/2022 sous le titre : " Prise illégale d'intérêt ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.

- page 3758

Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/09/2023

Le délit de prise illégale d'intérêts est défini à l'article 432-12 du code pénal. Cet article punit de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, « le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». La définition du délit de prise illégale d'intérêts a fait l'objet de deux modifications législatives récentes. D'une part, l'article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a précisé la notion d'intérêt. L'intérêt n'est plus défini comme « quelconque » mais comme un intérêt « de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité » du décideur public. Sous réserve de l'interprétation qu'en feront les juridictions, cette modification n'a pas pour effet d'étendre le champ du délit de prise illégale d'intérêts. Elle permet en revanche de mieux rendre compte des objectifs poursuivis par le délit de prise illégale d'intérêt, en particulier d'éviter de jeter la suspicion sur l'impartialité des décideurs publics dans l'exercice de leurs prérogatives. D'autre part, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique, a prévu expressément que les élus ne sont pas considérés, du seul fait de leur désignation au sein de l'organe décisionnel d'une autre personne morale en application de la loi, comme ayant un intérêt au sens de l'article 432-12 du code pénal lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant cette personne morale. Le législateur a maintenu certaines exceptions à ces dérogations lorsque le conflit d'intérêt apparaît trop fort, en particulier lorsqu'il s'agit de décisions de nature financière. C'est le cas de la participation aux commissions d'appel d'offre, aux décisions de la collectivité territoriale ou du groupement attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique, une garantie d'emprunt ou une subvention, ou encore aux délibérations portant sur la désignation ou la rémunération des élus. Afin de prévenir d'éventuels blocages des organes délibérants, le législateur a également adapté les règles de quorum applicables pour les conseils municipaux en cas de déport obligatoire (article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales). Le Gouvernement n'ignore pas les inquiétudes exprimées par les associations d'élus sur l'application du délit de prise illégale d'intérêt. Il a mis en place plusieurs actions afin d'y répondre. En premier lieu, un groupe de travail comprenant les associations d'élus, le ministère de la justice et le ministère délégué chargé des collectivités territoriales a été initié en septembre 2022. Il s'est déjà réuni à trois reprises. Ces réunions ont permis d'instaurer un cadre d'échanges entre les associations d'élus, le Gouvernement et l'administration afin de comprendre les difficultés rencontrées par les élus et d'y répondre de manière adaptée. En second lieu, le Gouvernement développe actuellement des outils (fiches pratiques, circulaires) destinées à préciser le champ et la portée du délit de prise illégale d'intérêts afin de sécuriser les élus dans leur travail quotidien et de leur permettre de mieux appréhender les risques pénaux.

- page 5550

Page mise à jour le