Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 22/06/2023

M. Daniel Gremillet interroge Mme la Première ministre sur la prise en charge du mal être et des difficultés psychiques des enfants et des adolescents.
Un rapport du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), rattaché à la Première ministre, a tiré, en mars 2023, la sonnette d'alarme sur la prise en charge du mal être et des difficultés psychiques des enfants.
Manque de structures, d'aides psychothérapeutiques, sociales et éducatives, de moyens ; augmentation des hospitalisations d'urgence ; recours à une prise en charge médicamenteuse accentuée, en France, alors qu'en diminution dans d'autres pays... : la liste est longue alors que la santé mentale est considérée comme la première problématique de santé publique chez l'enfant en France et au niveau international. Une situation qui s'est aggravée depuis la crise de la covid 19 et dont nous ne mesurons que peu l'ampleur.
Les questions de souffrance psychique impliquent la mise en oeuvre de politiques et de pratiques de soin, d'éducation, de prévention et d'intervention sociale adaptées. À titre d'exemple, la fermeture du centre médico-psychologique de Bruyères, en 2019, sans qu'aucune perspective de réouverture n'ait été jusqu'à présent avancée est, sur le territoire vosgien, symptomatique de l'écart considérable entre l'augmentation de la demande de soin et les capacités d'accueil et de traitement de l'enfant et de l'adolescent. Le recul de l'offre pédiatrique, pédo- psychiatrique et médico-sociale allonge les délais d'accueil (la moyenne serait de 6 à 18 mois sur l'ensemble du territoire français). Ce sont les médecins généralistes qui, faute de spécialistes, sont amenés à effectuer le suivi des jeunes patients. La situation de la médecine scolaire et de la protection maternelle infantile est inquiétante.
Notre jeunesse attend la mise en place de pratiques psychothérapeutiques, de pratiques éducatives, de pratiques de prévention et d'intervention sociale. En outre, l'enfant, l'adolescent et sa famille ont besoin d'un accompagnement psychologique, éducatif et social.
Comment peut on accepter ce déficit de prise en charge de la jeune patientèle ; l'aggravation de leur état de santé ; l'augmentation des hospitalisations en urgence, des passages à l'acte suicidaires et de suicides ; le recours, faute de soins adaptés, à la seule prescription de médicaments psychotropes ?
La litanie des difficultés que traverse le monde international : guerre en Ukraine, dérèglement climatique, drame des migrants et la société française : crise alimentaire, énergétique et du logement couplé à des événements personnels : conflits familiaux, perte d'identité, interrogation sur l'orientation et sur l'avenir... autant de sentiment d'impuissance et de désespérance pour les plus fragiles d'entre eux.
Il demande au Gouvernement de bien vouloir lui indiquer d'une part, quels sont les moyens qui pourraient être adaptés pour, par exemple, répondre aux besoins croissants de formation de pédopsychiatres et d'autre part, quels sont les moyens structurels dédiés à la santé mentale de l'enfant pouvant être déployés.

- page 3854

Transmise au Ministère de la santé et de la prévention


Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 09/11/2023

La promotion du bien-être mental et la prévention des troubles psychiques chez les enfants et les plus jeunes sont des enjeux majeurs de santé publique, et des priorités du Gouvernement. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une Feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour de trois axes : la prévention, le parcours de soins, l'insertion sociale. Forte déjà de 37 actions concrètes, elle a été encore enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, et en 2021 par les 30 mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec de nombreuses actions ciblant les enfants et les jeunes. Un rattrapage financier global sur l'offre de soins en psychiatrie, et spécifiquement en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, a par ailleurs été amorcé depuis 2019 et est poursuivi chaque année depuis : en opérant un rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : + 50 Meuros en 2018, + 80 Meuros en 2019, + 110 Meuros en 2020 et à nouveau + 110 Meuros en 2021. Ces crédits pérennes ont bénéficié à la pédopsychiatrie dans les territoires, selon les orientations stratégiques des Agences régionales de santé (ARS) ; en mobilisant dès 2022, suite aux annonces issues des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues fin septembre 2021, des crédits pérennes supplémentaires, dont une partie concerne spécifiquement la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie, au regard des effets de la crise sanitaire ; ou encore en renforçant les moyens dédiés à la prise en charge du psychotraumatisme, particulièrement pour la prise en charge des mineurs victimes de violences (+ 3,5 Meuros sur 2022-2023). Parmi les actions prioritaires du Gouvernement en faveur de la santé mentale des enfants et des jeunes figurent : la création du dispositif « MonSoutien Psy », qui permet un accès, dès l'âge de 3 ans, à une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, avec huit séances par an, réalisées par un psychologue en ville, prises en charge par la Sécurité sociale. Ce dispositif permet d'améliorer l'accès aux soins en santé mentale tout en permettant aux psychologues de ville de s'inscrire dans le parcours de soins des patients en souffrance psychique d'intensité légère à modérée. Il répond à un réel besoin de la population. Plus de 2 400 psychologues ont rejoint le dispositif et sont conventionnés. Depuis le lancement du dispositif en avril 2022, plus de 190 000 personnes ont pu bénéficier d'une prise en charge psychologique remboursée. Pour cela, les patients doivent disposer d'un courrier d'adressage attestant l'orientation vers le psychologue par un médecin. L'adressage se fait entre professionnels médicaux, entre professionnels paramédicaux et entre professionnels médicaux et paramédicaux afin d'améliorer le parcours du patient, dont la santé et le mieux-être sont les principales préoccupations. Il ne s'agit pas d'une prescription. Il est par ailleurs envisagé, dans le cadre des débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, de faciliter l'adressage vers ce dispositif par les professionnels de la médecine scolaire ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, dont les trois fonctions publiques, et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants. Cette formation permet de lutter contre la stigmatisation des troubles de santé mentale, renforce l'entraide dans une logique d'intervention par les pairs et facilite le repérage des troubles psychiques ou des signes précurseurs de crise. Fin octobre 2023, plus de 75 000 secouristes avaient déjà été formés, soit plus que la cible de 60 000 qui avait été fixée pour fin 2023 ; le renforcement du réseau des Maisons des adolescents (MDA), ces lieux ressources sur la santé et le bien être des jeunes, dont le rôle a été mis en exergue par la crise sanitaire. Ils bénéficient de crédits supplémentaires à hauteur de 10,5 Meuros sur 2022-2023, avec l'engagement de créer une MDA dans chaque département. Dans le même temps, une expérimentation « Maison de l'enfant et de la famille » a été mise en place dans trois départements volontaires et a débuté le 10 juin 2023. Elle permettra d'améliorer la coordination de la santé des enfants âgés de 3 à 11 ans. Cette structure participera notamment à l'amélioration de l'accès aux soins, à l'organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité, ainsi qu'à l'accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles ; le développement de l'accueil familial thérapeutique (AFT) : cette modalité offre une prise en charge adaptée dans un milieu familial accompagné d'un suivi par une équipe de psychiatrie. Ce sont 5 Meuros supplémentaires qui sont mobilisés sur 2022-2023 ; le renforcement des centres médico-psychologiques (CMP) adultes et des CMP de l'enfant et de l'adolescent (CMPEA) : principal acteur de la psychiatrie de secteur et de la prise en charge de proximité, ces structures font face depuis plusieurs années à une demande de soins croissante et à des délais d'attente qui s'allongent. Elles bénéficient d'un renfort de moyens à hauteur de 8 Meuros par an pour les adultes et 8 Meuros pour les enfants et les adolescents pendant 3 ans (2022 à 2024) afin de faciliter les premiers rendez-vous par un personnel non médical et ainsi réduire les délais d'attente ; des campagnes de communication sur la santé mentale ciblant spécifiquement les jeunes. Afin de libérer la parole en matière de santé mentale et de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques, Santé publique France a lancé en 2021 puis reconduit en 2022 une campagne de communication et d'information pour les jeunes de 11-17 ans : #JEnParleA. Une action d'affichage a également été organisée au printemps 2022 au sein des établissements d'enseignement ; le lancement de la stratégie multisectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes 2022-2037, publiée en août 2022 et signée par neuf départements ministériels. Cette stratégie fixe un objectif générationnel : que les enfants nés en 2037 soient la première génération à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des compétences psycho-sociales. Elle définit pour les 15 prochaines années un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, et prévoit une déclinaison opérationnelle au travers de feuilles de routes pour chaque secteur par période de 5 ans. Sur le volet des ressources humaines, le Gouvernement mesure les difficultés rencontrées dans certains territoires. Depuis 2019, un appel à projets national annuel portant spécifiquement sur la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour le renforcement de l'offre dans les territoires les plus sous dotés au regard des besoins a été mis en place : + 20 Meuros en 2019, + 20 Meuros en 2020, + 30 Meuros en 2021, + 20 Meuros en 2022. Devant le succès de cet appel à projets, une enveloppe de 25 Meuros a été identifiée pour 2023. Par ailleurs, la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017 a créé l'option PEA (psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, anciennement appelée pédopsychiatrie), conférant à l'étudiant l'exercice d'une surspécialité sans conduire à un exercice exclusif, dans le but de renforcer l'attractivité de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique. Depuis 2019, environ 75 % des postes ouverts sont pourvus. Plus généralement, les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former, pour la période 2021-2025, fixés par arrêté du 13 septembre 2021, doivent permettre de couvrir les besoins de santé des années à venir et répondre aux attentes légitimes de la société dans son ensemble. L'objectif national pluriannuel est de former entre 76 655 et 85 455 professionnels de santé, toutes filières médicales confondues, pour la période 2021-2025, soit + 14 % par rapport au numerus clausus total de la période quinquennale précédente. Cela concerne également la filière psychiatrique. En matière de formation et de recherche, l'ambition du Gouvernement est de constituer un vivier de futurs personnels hospitalo-universitaires titulaires en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent sur l'ensemble du territoire. Ce sont ainsi 31 postes et candidats qui ont été financés auprès de 22 universités et centres hospitaliers universitaires différents depuis 2018. Et cet appel à projets a été prorogé jusqu'en 2025. Par ailleurs, dans le cadre de ces Assises, il a été également annoncé la création de douze postes de personnels enseignants et hospitaliers titulaires (maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et professeurs des universités-praticiens hospitaliers) entre 2022 et 2025. Enfin, dans les prochains mois, le Conseil national de la refondation santé mentale, annoncé par le président de la République, sera plus largement le moment, dans un cadre pluripartite, de repérer les initiatives territoriales qui ont des résultats positifs et de travailler sur l'innovation en santé mentale.

- page 6377

Page mise à jour le