Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 29/06/2023

M. Jean Hingray attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation désastreuse de certaines juridictions françaises et particulièrement celle du tribunal judiciaire d'Épinal.
Le 3 mai 2023, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a été déposé au Sénat. Celui-ci se targue d'entériner le recrutement de 10 000 emplois supplémentaires à horizon 2027, parmi lesquels 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Il est effectivement possible d'observer que les promotions d'auditeurs de justice au sein de l'École nationale de la magistrature (ENM) sont de plus en plus importantes. Cependant, leur affectation ne résout qu'une infime partie des problèmes liés, notamment, au manque de magistrats et greffiers dans les différents tribunaux. En effet, la majeure partie de ces effectifs prendra ses fonctions en région parisienne afin de préparer les jeux Olympiques de l'été 2024. A titre d'exemple, la promotion 2021 qui prendra ses fonctions en septembre prochain, compte 333 magistrats, dont 125 sont affectés aux cours d'appel de Paris et de Versailles. Par comparaison, la promotion 2019 comptait 332 magistrats, dont 75 furent affectés à ces cours. Ainsi, les renforts de l'Île-de-France en vue des jeux Olympiques ont pour conséquence négative de pénaliser les autres juridictions. Car les petits tribunaux sont généralement moins attractifs que ceux des grandes villes (moins de possibilité d'emploi pour le conjoint du magistrat, de logements, de facilités diverses et variées).
Ils bénéficient donc rarement des demandes de mutations, ce qui les rend particulièrement tributaires des affectations à la sortie de l'ENM. Dans le département des Vosges, la situation est particulièrement alarmante. Au mois de septembre, le tribunal judiciaire d'Épinal va passer de 23 juges à 19. Cela représente 5,2 magistrats pour 100 000 habitants. La moyenne nationale, une des plus faibles d'Europe, se situe à 11 magistrats pour 100 000 habitants. 7 procureurs de la République doivent eux, gérer 24 000 dossiers...

La démocratie ne peut exister que si elle se dote d'une justice capable de répondre aux légitimes attentes d'efficacité et de célérité des citoyens. Celle-ci est trop tributaire de l'implication sans faille des professionnels de justice dont les sacrifices personnels destinés à compenser les manques de moyens ne sauraient perdurer. Face à cette situation, il lui demande quelles mesures seront mises en place pour permettre aux juridictions d'éviter une embolie.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/09/2023

Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice a bénéficié en 2023 d'une nouvelle augmentation de +8 % de son budget suivant les deux précédentes hausses de +8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions d'euros supplémentaires qui sont venus abonder en 2023 le service public de la Justice. Ce sont en effet 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires qui ont été accordés sur trois budgets consécutifs, passant ainsi de 7,6 milliards d'euros en 2021 à 9,6 milliards d'euros en 2023, soit une hausse inédite de +26 % du budget de la justice en trois ans et de plus de 40% depuis 2017. Dans la continuité des conclusions des Etats généraux de la Justice, ces moyens permettront de renforcer les effectifs, les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, mais également de poursuivre les chantiers déjà amorcés, notamment les programmes immobiliers judiciaires et pénitentiaires initiés par le Président de la République et le développement des projets numériques. La justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes oeuvrant quotidiennement à son service, si le Parlement l'accepte, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11 % en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère de la Justice bénéficiera de la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers. Concernant la Cour d'appel de Nancy, cela représente pas moins de 75 postes supplémentaires dont 26 magistrats, 30 greffiers et 19 attachés de justice. Chaque année, la circulaire de localisation des emplois constitue le cadre annuel opérationnel pour les effectifs des juridictions. Les travaux sur la localisation des emplois 2022 ont eu pour objectif de répondre aux besoins les plus prioritaires des juridictions en maintenant l'accent sur l'accompagnement des juridictions JIRS et des juridictions identifiées comme particulièrement en tension en métropole et en outre-mer. Outre ces éléments, l'élaboration de la circulaire de localisation des emplois prend en compte les spécificités démographiques des territoires dans le ressort desquelles se situent les cours d'appel, ainsi que leurs évolutions. Ainsi, il est tenu compte des éléments propres à chaque territoire qui se reflètent sur l'activité judiciaire des juridictions concernées tels que la densité économique, l'évolution démographique et les éléments de criminalité. Chaque année, la circulaire de localisation des emplois de chaque ressort est élaborée à la suite d'un dialogue de gestion dit de « performance » entre la direction des services judiciaires et les chefs de cours, après mise en évidence des besoins locaux par les éléments statistiques de la cellule de contexte et de gestion de la direction des services judiciaires. Pour l'année 2023, ces dialogues de gestion « performance » se sont tenus à l'hiver 2022, la circulaire de localisation des emplois pour cette nouvelle année étant actuellement en cours d'élaboration. S'agissant plus particulièrement des effectifs de magistrats du tribunal judiciaire d'Epinal, la circulaire de localisation des emplois (CLE) fixe à 23 le nombre d'effectifs de magistrats du siège nécessaire au fonctionnement du tribunal judiciaire et à 7 le nombre de magistrats nécessaire au parquet, soit au total 30 effectifs dans la juridiction. S'agissant des effectifs réels en juridiction, au 11 juillet 2023, les effectifs du siège comptent une vacance de juge des contentieux de la protection, ainsi qu'une vacance de vice-procureur de la République concernant les effectifs du parquet. La politique volontariste de réduction de la vacance au sein des juridictions que conduit la direction des services judiciaires s'est illustrée dans le cadre des travaux d'élaboration de la transparence annuelle 2023 publiée le 17 février 2023, ainsi que de la transparence intermédiaire de juin publiée le 9 juin 2023, combinés à la liste des postes offerts aux auditeurs de justice de la promotion 2021. C'est ainsi qu'au 1er septembre 2023, les effectifs du siège seront maintenus à une vacance de juge des contentieux de la protection. Il convient de noter qu'un poste de juge de l'application des peines a été offert aux auditeurs de justice de la promotion 2021. Les effectifs du parquet seront au complet. Par ailleurs, les services de la Chancellerie portent une attention particulière à la situation globale de la cour d'appel de Nancy. Ainsi, Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nancy et Monsieur le procureur général près ladite cour disposent de 7 magistrats placés au siège et de 3 magistrats placés au parquet afin de renforcer les effectifs des tribunaux judiciaires du ressort et notamment ceux du tribunal judiciaire d'Epinal. Les effectifs de magistrats placés au siège seront maintenus au 1er septembre 2023. Concernant les effectifs de magistrats du parquet, deux postes ayant été offerts aux auditeurs de justice de la promotion 2021, les effectifs passeront ainsi de 3 à 4 magistrats placés, conformément à la circulaire de localisation des emplois. Les travaux sur la localisation des emplois 2023 seront l'occasion de réévaluer les besoins en effectifs du tribunal judiciaire d'Epinal. S'agissant des effectifs de greffe, dans le cadre de la circulaire de localisation des emplois au titre de l'année 2022 et au regard de l'évaluation de la charge de travail, l'effectif de fonctionnaires du tribunal judiciaire d'Epinal est fixé à 73 agents. Au 1er septembre 2023, un poste de greffier et cinq postes d'adjoints administratifs seront vacants. Dans le cadre du plan de soutien à la justice de proximité, le tribunal judiciaire d'Epinal a reçu le renfort de sept contractuels dont deux contractuels de catégorie A chargés de mission, un contractuel de catégorie A recruté dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales, deux contractuels de catégorie B et deux contractuels de catégorie C. Les postes demeurés vacants seront pris en compte dans le cadre des prochaines campagnes de mobilité et de recrutement. Enfin, les chefs de la cour d'appel de Nancy ont la possibilité d'affecter des personnels placés du ressort pour résorber, le cas échéant, un stock jugé trop important et peuvent également utiliser la dotation de crédits dédiés au recrutement de contractuels vacataires. Les effectifs de la cour d'appel de Nancy et particulièrement ceux du tribunal judiciaire d'Epinal, continueront de faire l'objet d'une attention particulière de la direction des services judiciaires.

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