Question de Mme BORCHIO FONTIMP Alexandra (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 22/06/2023

Mme Alexandra Borchio Fontimp alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, quant au manque d'effectivité des peines prononcées en cas d'accidents de la route notamment commis sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants.

10 % des auteurs impliqués dans des accidents sous l'emprise de drogue ou d'alcool, avec blessures, sont condamnés à une peine de prison ferme.

40 % des auteurs impliqués dans des accidents mortels ne sont même pas condamnés à une peine de prison ferme.

Voici la triste réalité que doivent affronter les victimes, lorsqu'elles sont encore en vie, et leurs proches, en plus des nombreuses conséquences liées au drame de l'accident.

Ces peines, outre leur inadéquation avec la gravité des actes commis, sont en moyenne courtes et surtout aménageables, cristallisant ainsi la colère et l'incompréhension de tous.

À chaque drame, nos concitoyens sont blessés jusque dans leur chair mais les faits démontrent que la plupart des auteurs échappent presque systématiquement à la prison.

Injuste et intolérable, il est désormais crucial que les peines prononcées soient celles effectivement purgées par les coupables.

Elle attire de fait son attention sur la nécessité d'inscrire à l'ordre du jour un texte ayant vocation à répondre à cette problématique.

Par conséquent et en premier lieu, elle souhaite que le ministère de la justice communique les statistiques existantes sur les peines effectivement purgées par les auteurs d'accidents graves.

- page 3833


Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances publiée le 05/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 04/07/2023

Mme le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, auteure de la question n° 769, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la ministre, ma question porte sur les violences routières, plus précisément sur l'absence d'effectivité des peines censées mettre un terme à ce fléau.

Voilà quelques jours, Noé aurait dû fêter ses 18 ans et préparer les prochains jeux Olympiques, puisqu'il venait de rejoindre l'équipe de France de tir sportif. Mais, le 25 juin 2022, au volant de sa voiture sans permis, il a été mortellement fauché à Antibes, dans mon département des Alpes-Maritimes, par un conducteur sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants, en excès de vitesse et, qui plus est, en récidive.

Le chauffard, qui ne lui a même pas porté secours, est ressorti libre soixante-dix jours plus tard, après avoir déposé une caution de 5 000 euros.

Il s'agit d'une double peine insupportable, particulièrement pour les victimes - vous vous en doutez.

En pareil cas, le régime de sanctions en vigueur permet au juge de prononcer une peine d'emprisonnement de dix ans, mais la réalité est tout autre : seuls 10 % des auteurs sont condamnés à une peine de prison ferme. Plus de 40 % des personnes impliquées dans des accidents mortels ne sont même pas condamnées à une peine de prison ferme.

Les familles doivent donc se taire, tandis que leur bourreau demeure libre de ses mouvements.

Quel message envoie notre pays ? Que les délinquants jouissent légalement de leur liberté de circulation alors qu'ils ont soustrait la vie d'un enfant à toute une famille et cumulé les circonstances aggravantes.

Les familles des victimes, les associations, nos concitoyens ou encore les élus, comme moi, en sont réduits à implorer le Gouvernement de faire appliquer les lois que nous avons votées.

Outre les difficultés rencontrées par les familles lors de leur demande d'indemnisation, point sur lequel j'ai d'ailleurs alerté le garde des sceaux, il est urgent de faire appliquer la loi.

Avec mes collègues Laurent Somon et Stéphane Demilly, nous avons déposé une proposition de loi en octobre dernier, notamment afin d'interdire, sous certaines conditions, de prononcer des aménagements de peine. J'attire votre attention sur ce texte pour que puissent émerger des engagements plus réalistes que communicationnels.

Madame la ministre, pouvez-vous nous donner les chiffres de l'année 2022 et ceux du début d'année 2023 concernant les peines effectivement purgées ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Madame la sénatrice, mes pensées vont, tout d'abord, vers Noé et sa famille.

Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière.

Une attention particulière est portée au traitement des infractions entraînant des accidents de la route. Leurs conséquences peuvent se révéler particulièrement dramatiques pour nos concitoyens ; ces accidents sont trop souvent liés à une consommation d'alcool ou de produits stupéfiants par l'un des conducteurs mis en cause.

Les peines prévues par notre code pénal tiennent d'ores et déjà compte de la dangerosité induite par de telles consommations en cas d'accident. Elles peuvent aller jusqu'au maximum légal de dix années d'emprisonnement en matière délictuelle.

Les peines prononcées par nos juridictions s'inscrivent nécessairement dans le cadre du droit de la peine fixé par le législateur. Dès lors, l'incarcération ne peut qu'être un ultime recours, afin de concilier les impératifs légaux de sanction et de réinsertion des personnes condamnées.

Cela étant, il convient de souligner qu'en 2021 l'intégralité des personnes déclarées coupables d'homicide involontaire par conducteur, aggravé par une conduite en état d'ivresse ou après usage de stupéfiants, ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, dont 67 % à une peine d'emprisonnement ferme avec un quantum moyen de seize mois.

La proportion des peines d'emprisonnement ferme prononcées est la plus forte constatée depuis 2015. Au 1er janvier 2023, on comptait ainsi une centaine de personnes condamnées et détenues pour de tels faits.

Enfin, des réflexions sont en cours dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière pour élaborer, en la matière, un nouveau plan d'action global très prochainement.

- page 6282

Page mise à jour le