Question de M. BREUILLER Daniel (Val-de-Marne - GEST) publiée le 06/07/2023

Question posée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. - Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, Nahel a été abattu à bout portant. Il avait 17 ans et il est mort. C'est inacceptable.

Le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses a été attaqué, mettant en danger la vie de son épouse et de ses enfants. C'est inqualifiable.

Chaque jour, habitants et commerçants, élus et agents des services publics dressent le bilan des dégâts dans leurs villes, réparent ce qu'ils peuvent et disent leurs interrogations et leur refus de la violence. Les maires font face, comme toujours.

Monsieur le ministre, qui peut croire qu'il suffit d'appeler à l'autorité, à la répression et à la mise en cause des familles pour tourner la page ?

Nous devons comprendre les causes. Ne pas comprendre, c'est se rendre incapable de traiter les problèmes.

Ouvrons les yeux et regardons ces quartiers qui, malgré les milliards consacrés à la rénovation urbaine, restent souvent des quartiers de relégation. On a mis beaucoup d'argent dans le bâti, mais pas assez dans l'humain. Quelle faute ce fut d'enterrer le plan Borloo !

Dans les quartiers prioritaires, 57 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté ; 18 % des mamans élèvent leurs enfants en solo ; deux enfants sur trois ne partiront pas en vacances.

Dans notre République, les hommes naissent libres et égaux, mais c'est moins vrai quand on est pauvre, noir ou arabe. Ouvrons les yeux sur le racisme et les discriminations qui rongent notre société !

Comment accepter qu'une grande partie de la jeunesse et de la police se regardent en ennemies ? C'est ce qui a fait courir Zyed, Bouna et Muhittin vers un transformateur électrique en 2005. Le racisme et la peur sont toujours là - pas dans tous les esprits, bien sûr, mais toujours là quand même. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre, convoquons l'intelligence collective au chevet de notre République malade, l'intelligence de tous ceux qui croient que la promesse républicaine est là pour tous !

« La promesse républicaine a trop souvent quitté nos quartiers. Comment dire aux enfants des quartiers en difficultés qu'ils sont toutes et tous les filles et les fils de la République ? », disait le président Chirac en 2005.

Aussi, monsieur le ministre, prendrez-vous l'initiative et la responsabilité d'un travail collectif indispensable, ou reculerons-nous une fois de plus devant l'obstacle ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. - Mme Esther Benbassa applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 06/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Breuiller, ces émeutes-ci ne sont pas celles de 2005. Vous avez repris les mots du président Chirac, vous avez évoqué ce qui a été à l'origine d'une politique de la ville renouvelée, notamment par la création de l'Anru, et de choix qui ont été faits de manière unanime.

Cette fois-ci, 553 communes ont été victimes de dégradations, à un titre ou à un autre ; 169 d'entre elles ne relèvent pas de la politique de la ville. Dans 120 autres, on trouve moins de 3 000 habitants vivant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Résumer ces émeutes à ces quartiers, c'est déjà se tromper dans l'analyse.

Vous avez évoqué le bilan de ces émeutes et la nécessité d'ouvrir les yeux. Pour ma part, je nous invite à ouvrir aussi les yeux vis-à-vis des 838 policiers, gendarmes et pompiers blessés depuis le début des émeutes.

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

M. Christophe Béchu, ministre. Je nous invite à ouvrir les yeux sur les 2 500 bâtiments publics qui ont subi des incendies. Je nous invite à ouvrir les yeux sur les presque 4 000 personnes interpellées, dont la moyenne d'âge est de 17 ans.

Ouvrir les yeux, c'est se demander comment des enfants de 13 ans ou de 14 ans peuvent se retrouver, la nuit, avec des bidons d'essence dans les mains, à incendier des bâtiments publics.

Mme Jocelyne Guidez. Tout à fait !

M. Didier Marie. C'est se poser des questions, aussi !

M. Christophe Béchu, ministre. Ouvrir les yeux, c'est se demander comment des mortiers d'artifice peuvent être utilisés pour viser des policiers, comment, à Nîmes, on a pu tirer sur un policier avec un pistolet 9 millimètres. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Ouvrir les yeux, c'est aussi se demander comment certains, devant cette situation, refusent d'appeler, non pas à l'autorité, mais même au calme !

Une fois que l'on a ouvert les yeux sur ces points, on peut parler de la suite.

Pour passer à la suite, il faut prendre un minimum de temps, avant que chacun ne ressorte du placard la suggestion qu'il avait formulée lors de la dernière élection présidentielle, pour examiner la géographie actuelle. On ne peut réduire le sujet à un problème d'argent public, de milliards d'euros ; on ne peut pas non plus résumer ce débat à la question des allocations familiales !

Sur tous ces sujets, il est nécessaire de prendre le temps du diagnostic pour être capable d'agir ensuite.

Laissez-moi vous dire une chose, monsieur le sénateur : stigmatiser les quartiers, c'est laisser penser que leurs habitants y sont enfermés de manière immuable. Or bien des gens en sont sortis, d'autres y sont entrés. Il ne faut pas regarder que la photo ; nous devons plutôt nous inscrire dans une logique d'évolution.

Si on ne prend pas cela en compte, là encore, on se trompera sur le diagnostic. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

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