Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 06/07/2023

Question posée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Je souhaite partager avec mes collègues et les membres du Gouvernement le malaise que m'inspire, depuis quelques jours, le débat public.

Il y a une semaine, un jeune garçon a été tué par un policier, qui a ensuite été mis en examen pour homicide volontaire. Or, aujourd'hui, le procès qu'instruisent certains responsables politiques et les médias est celui des quartiers prioritaires et des parents qui y vivent. Nous assistons à une véritable manipulation fondée sur une part de mensonges et beaucoup d'ignorance, du moins je l'espère.

Non, les quartiers prioritaires ne sont pas inondés de subventions publiques payées par de bons Français méritants ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Ah bon ? sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les habitants des quartiers populaires reçoivent 6 100 euros d'aides par habitant et par an, contre 6 800 euros pour les autres. Dans certains immeubles des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 40 % des foyers sont monoparentaux. Les mères enchaînent deux ou trois boulots par jour, gardent les enfants des autres - les nôtres, souvent - et ne peuvent pas faire garder les leurs. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous voulez poursuivre les pères évaporés ? Je suis d'accord avec vous ! Utilisons ce qui existe, poursuivons-les pour abandon de famille, par exemple.

Dans les familles où les pères sont présents, vous intéressez-vous à la violence des enfants ? Intéressons-nous aussi aux violences que ces enfants ont subies chez eux, avec leur mère et leur père.

Madame la Première ministre, au lieu de laisser accuser les mères, je vous propose de les aider à survivre et à vivre. Soutenons leurs associations, écoutons-les, émancipons-les du clientélisme municipal. Misons sur les mères pour remettre les quartiers d'aplomb. Voilà le meilleur investissement que nous puissions faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. - Mme Valérie Létard et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Rossignol, nous ne voulons pas poursuivre les parents. C'est une caricature que de le dire ainsi. J'ai d'ailleurs moi-même déclaré qu'il n'était pas question de supprimer des allocations. Je pense en particulier aux femmes qui travaillent, qui sont seules pour élever leurs enfants et qui le font avec beaucoup de dignité, dans la difficulté.

Toutefois, je pense également à des parents qui pourraient faire quelque chose vis-à-vis de leurs enfants pour assurer l'autorité parentale, mais qui ne le font pas. Les nuits courtes que nous avons vécues, les uns et les autres, ont été émaillées de mauvaises nouvelles, mais aussi de vidéos.

Or l'une de ces vidéos m'a particulièrement plu : on y voit un père attraper son gamin par le colback et lui dire de rentrer à la maison. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. - Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.)

En effet, à 11 ans, on ne traîne pas dans les rues ! À cet égard, ceux d'entre nous qui se sont mariés ont le souvenir des dispositions de l'article 212 du code civil - « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » -, mais d'aucuns oublient parfois le reste : les parents ont une obligation morale à l'égard de leurs enfants. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Alors oui, ceux qui peuvent répondre à cette obligation, mais qui ne le font pas, méritent d'être sanctionnés !

Par ailleurs, la responsabilité civile est très simple : lorsque les enfants cassent, les parents payent. Cela existe depuis toujours, et il convient de le rappeler. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Enfin, une autre responsabilité pénale des parents consiste, lorsque leur enfant est convoqué, à l'accompagner devant la justice. S'ils ne le font pas, ils encourent une amende importante. J'ai rappelé ces dispositions et demandé aux procureurs de les mettre en application.

De plus, je viens de rédiger à l'attention des parents un flyer qui explique en termes simples leurs obligations à ceux qui, madame la sénatrice, les auraient oubliées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je prends acte du fait que, pour vous, la loi actuelle suffit à protéger les enfants et poursuivre les parents.

Mes chers collègues, j'observe depuis quelques années le monde politique, les hommes et les femmes qui le composent, y compris dans leur intimité et dans les difficultés qu'ils rencontrent en tant que parents. Certains de nos enfants sont également arrêtés, placés en garde à vue, mis en examen et condamnés. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nos enfants ne sont ni meilleurs ni pires que ceux des autres !

Aussi, je vous invite à regarder les autres parents avec un peu plus d'empathie et de bienveillance. Comme nous, ils font au mieux, c'est-à-dire comme ils peuvent ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. - Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

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