Question de Mme JOURDA Muriel (Morbihan - Les Républicains) publiée le 06/07/2023

Question posée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, il y a quelques semaines, vous avez adressé aux magistrats une circulaire qui faisait état de la conduite à tenir lorsque des infractions étaient commises au cours de manifestations. Immédiatement, le Syndicat de la magistrature, plus connu du grand public depuis une dizaine d'années grâce au tristement célèbre « mur des cons », adressait une contre-circulaire. Celle-ci expliquait en substance comment ne pas appliquer vos consignes.

Plus récemment, à la suite des événements qui ont animé toute cette séance de questions d'actualité au Gouvernement, le Syndicat de la magistrature a publié un communiqué de presse intitulé « Mort de Nahel : ce n'est pas à la justice d'éteindre une révolte ». Il y explique, dans ce qui peut s'apparenter à une diatribe, de quelle façon il s'oppose au Gouvernement et aux syndicats policiers, et il y évoque des « violences policières ».

Je tiens à rappeler le principe suivant : si la liberté syndicale est forte dans sa liberté d'expression, elle s'arrête là où le statut du magistrat l'arrête, c'est-à-dire à l'impossibilité de faire de la politique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, comment comptez-vous rappeler ce principe et le faire appliquer ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. - M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2023

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je vous remercie de me poser cette question.

Je vous dirai d'abord sans ambages et de façon très claire que je partage totalement vos inquiétudes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Le « mur des cons » contenait la photographie de M. Escarfail, qui a pour tort d'avoir une fille qui a été assassinée.

Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le Syndicat de la magistrature, a affirmé qu'il s'agissait d'un deuxième tour de cauchemar.

Par ailleurs, le Syndicat de la magistrature souhaite choisir son ministre. (M. Bernard Jomier s'exclame.)

Le Syndicat de la magistrature souhaite même qu'il n'y ait plus de ministère de la justice. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

J'aurais pu rappeler tout cela, mais je ne le ferai pas. (Exclamations amusées sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. - M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

Je m'arrêterai sur cette fausse circulaire - une circulaire Canada Dry, car elle ressemble à une circulaire que prend le garde des sceaux. Oui, elle incite même les magistrats à violer les textes de loi.

En ce qui me concerne, j'y vois une forme d'humour, madame la sénatrice, et je ne veux pas aller plus loin.

Pour ma part, je me bats au quotidien, non pour le Syndicat de la magistrature, mais pour les magistrats et pour améliorer leurs conditions de travail. À ce propos, je remercie le Sénat d'avoir voté le texte que j'ai défendu devant lui.

Une toute dernière chose : je suis le seul à pouvoir prendre une circulaire de politique pénale, parce que je suis le garde des sceaux et que, démocratiquement, je vous dois des comptes, mesdames, messieurs les sénateurs - ce qui n'est pas le cas du Syndicat de la magistrature ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, je crois que notre indignation commune doit sortir de cet hémicycle et se propager.

Je pense que, dans les temps troublés que nous connaissons, il faut que chaque institution qui a la charge de l'État de droit le rappelle et joue son rôle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le syndicat Alliance ?

Mme Muriel Jourda. Le pilier de l'État de droit qu'est la justice ne peut pas critiquer impunément un autre pilier que sont les forces de l'ordre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Et réciproquement !

Mme Muriel Jourda. L'autorité judiciaire ne peut pas se transformer en pouvoir politique.

Nous ne ramènerons pas l'ordre dans le pays si nous n'avons pas d'ordre dans nos institutions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

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