Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SER) publiée le 13/07/2023

Question posée en séance publique le 12/07/2023

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vents violents, orages destructeurs, etc.

Qui aurait pu prévoir ?

Depuis des années, les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et du Haut Conseil pour le climat nous alertent sur l'intensification des phénomènes climatiques extrêmes. Et ce n'est que le début...

Qui aurait pu prévoir ?

Élisée Reclus, en 1864, dans La Terre détruite par l'homme, écrivait : « Quelle que soit la liberté relative conquise par notre intelligence et notre volonté propres, nous n'en restons pas moins des produits de la planète : attachés à sa surface comme d'imperceptibles animalcules, nous sommes emportés dans tous ses mouvements et nous dépendons de toutes ses lois. »

Qui aurait pu prévoir ?

À l'heure d'un vote a minima sur la restauration de la nature au Parlement européen, la dure réalité, implacable, c'est l'effondrement des populations d'insectes.

Le 29 juin dernier, l'État a de nouveau été condamné. Le tribunal administratif de Paris, à la suite de requêtes de plusieurs associations, enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et à prévenir l'aggravation des dommages, en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires.

La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024 au plus tard.

Oui, il y a « préjudice écologique », résultant - je cite - de la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable » des eaux et des sols par les pesticides.

En 2021, la note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de notre collègue Annick Jacquemet, sur laquelle s'appuie notamment la décision du tribunal - fait inédit -, mentionne qu'un tiers des espèces d'insectes sont menacées d'extinction dans le monde, alors que ces derniers sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire, et conclut : « Les pesticides constituent une menace particulièrement importante pour les insectes en raison de leur utilisation intensive depuis des dizaines d'années et des réglementations inadaptées pour évaluer les risques qu'ils font encourir. »

Vous n'avez plus le temps de tergiverser. Tous les signaux sont au rouge. La situation appelle une action urgente, ambitieuse et forte. Que proposez-vous pour enrayer ce désastre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 13/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 12/07/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'autorise à adresser un salut particulier à une femme à laquelle vous avez rendu hommage. J'ai eu le plaisir de siéger, ici, à ses côtés et même de faire liste commune avec elle, ce qui montre à quel point les convergences sont parfois possibles dans ce monde... (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Et le mariage pour tous ?

M. Christophe Béchu, ministre. Madame la sénatrice Préville, vous avez évoqué le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin. Vous en avez cité certains aspects, mais j'aurais aimé que vous alliez jusqu'au bout.

Que dit le tribunal administratif de Paris ? Il dénonce le fait que, malgré les engagements pris en 2009, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, les pesticides n'ont pas diminué en quantité.

Entre 2009 et 2013, ce que l'on appelle le « nombre de doses unités », qui est la méthode de calcul du nombre d'hectares couverts par des pesticides, a augmenté de 13 %.

Dans la période comprise entre 2013 à 2018, il a de nouveau augmenté, de sorte que, depuis 2009, l'usage des pesticides est non pas en baisse, mais en hausse, de 20 % en moyenne.

Le tribunal dit également que la baisse enclenchée depuis 2018 et qui s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui n'a pas été suffisante pour corriger le préjudice écologique.

L'honnêteté aurait voulu que vous indiquiez que cette bascule a commencé. Elle a commencé en nombre, avec un recul de 10 % des pesticides vendus depuis 2018 ; elle a commencé en risque, puisque les CMR 1, qui sont les pesticides les plus cancérigènes, ont enregistré une baisse de 93 % depuis 2018.

Qu'allons-nous faire ? Nous allons poursuivre cette accélération. Nous n'allons pas nous contenter, en particulier dans le cadre du plan Écophyto, tel qu'il a été défini par la Première ministre, d'attendre des rapports d'experts. Nous allons regarder par anticipation les molécules susceptibles de basculer dans le champ de l'interdiction, pour lancer les programmes de recherche, à partir d'un triptyque simple : pas d'interdiction sans solution, pas de solution sans financement, sans efforts pour trouver ces solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

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