Question de M. SAURY Hugues (Loiret - Les Républicains) publiée le 06/07/2023

M. Hugues Saury rappelle à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie les termes de sa question n°06431 posée le 20/04/2023 sous le titre : " Inquiétudes des pêcheurs face à la prolifération des cormorans ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la biodiversité


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la biodiversité publiée le 12/10/2023

Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national, qui bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Son régime alimentaire est piscivore ; aussi sa prédation sur les espèces ichthyennes est un phénomène naturel. La sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et son aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce que l'espèce soit protégée dans les années 1970. Depuis lors, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre un niveau relativement stable depuis 2013, oscillant autour de 100 000 individus présents. Cependant, afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les poissons, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Le grand cormoran fait ainsi l'objet d'une politique nationale cohérente depuis les années 1990, où les opérations de destruction ont débuté. Actuellement, l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté triennal 2019/2022 étant arrivé à échéance l'été dernier, un nouvel arrêté, couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il est lui-même décliné en arrêtés départementaux annuels ou triennaux définissant les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. À ce jour, plus d'une quinzaine d'arrêtés ont été annulés et plusieurs contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne justifient pas de la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, de l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées, ni de la mise en oeuvre de solutions alternatives ; aussi les conditions de dérogation ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettent pas de justifier de l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction ; il peut ainsi être décliné par des arrêtés préfectoraux délivrant des dérogations dès lors que les conditions sont réunies, notamment le besoin de prévention des dommages à l'élevage piscicole. Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles, ont été signalées. Aussi, si des études étaient produites localement et démontraient l'impact de l'espèce sur l'état de conservation des espèces de poissons protégées ou menacées, l'arrêté 2022/2025 pourrait être complété ultérieurement, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. La justification de cet impact local permettrait en effet de remplir les conditions nécessaires à l'octroi des dérogations. Un protocole-cadre national robuste a été discuté avec la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) et quatre départements pilotes ont été retenus pour le mettre en oeuvre. Les premiers résultats de ces études sont attendus avant la fin de l'année. Enfin, le ministère rappelle que, au regard des menaces qui pèsent sur les milieux aquatiques, une vigilance est nécessaire pour que soit mis en oeuvre l'ensemble des moyens permettant de restaurer et maintenir leur équilibre. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux d'impact plus important, tels que la continuité écologique, la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, doivent faire l'objet d'une attention particulière.

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