Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 13/07/2023

M. Patrick Kanner attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité à propos du retrait de la commune d'Emerchicourt de la communauté de communes du Coeur d'Ostrevent.
Le 23 juin 2023, la commission départementale de la coopération intercommunale du Nord, réunie en plénière, a donné un avis favorable pour le départ de la commune d'Emerchicourt de la communauté de communes du Coeur d'Ostrevent (CCCO) vers la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut (CAPH).
Ce transfert peut avoir des conséquences majeures pour les finances de la CCCO. Déjà en 2019, lors de la première sortie de la commune, censurée par le tribunal administratif en 2022, la nouvelle situation avait entrainé une dégradation financière de la CCCO. En effet lors de la période de retrait d'Emerchicourt, la CCCO avait perdu 267 573 euros de ressources en compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit d'un prélèvement de 576 305 euros.
En l'espèce, le retrait de la commune d'Emerchicourt entraînera une perte définitive de 1 million d'euros pour le budget principal de la CCCO. Ce montant est important au regard des masses financières du budget de la communauté car il représente cinq fois le total des ressources fiscales (économique + ménage) perçues chaque année par la communauté de communes.
Ainsi, il l'interroge sur la mise en place d'une compensation financière pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) fragilisés par une telle évolution. Il l'interroge aussi sur les intentions du Gouvernement visant à une approche législative sur les sorties des communes de leurs EPCI d'origine afin de prévenir leur multiplication qui pourrait affaiblir l'organisation territoriale à caractère intercommunal.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/04/2024

Une commune peut se retirer de sa communauté de communes de rattachement, afin d'adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, dans les conditions fixées aux articles L. 5211-19 (procédure dite de droit commun) ou L. 5214-26 (procédure dite dérogatoire) du code général des collectivités territoriales (CGCT). Une commune peut ainsi être autorisée par le préfet de département à changer de communauté de communes sur accord de l'organe délibérant de l'EPCI d'accueil, le cas échéant, après avis de l'organe délibérant de l'EPCI de départ et après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI). Si ces avis obligatoires ne lient pas le représentant de l'Etat, il lui appartient d'apprécier le respect des orientations du schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) énoncées à l'article L. 5210-1-1 du CGCT, parmi lesquelles figurent la cohérence spatiale des EPCI à fiscalité propre et la solidarité financière et territoriale, avant d'autoriser un tel retrait. En 2015, le conseil municipal de la commune d'Emerchicourt et le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut (CAPH) ont délibéré en faveur du projet de retrait de la commune d'Emerchicourt de la communauté de communes du coeur d'Ostrevent (CCCO) et de son adhésion simultanée à la CAPH. La CDCI ayant émis un avis favorable le 18 décembre 2018, le préfet de département a pris deux arrêtés portant retrait de la commune d'Emerchicourt de la CCCO et adhésion à la CAPH le 22 décembre 2018. Après que la CCCO a déposé une requête en annulation de l'arrêté portant retrait de la commune d'Emerchicourt, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté litigieux par un jugement n° 1901016 du 22 décembre 2021. Il a estimé que si « la CCCO [était] fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle conteste, cette annulation a été rendue possible pour les seuls motifs » que « le quorum n'était pas atteint lors de réunion de la formation restreinte » de la CDCI du 18 décembre 2018 et que les élus communaux et communautaires de la CAPH ne disposaient pas d'informations suffisantes quant à l'objet et aux impacts du projet de retrait-adhésion. En revanche, le tribunal administratif a estimé que, au regard de la physionomie du bassin de vie de la commune d'Emerchicourt, du soutien économique supérieur auquel pourraient prétendre les entreprises situées sur son territoire en cas d'adhésion à la CAPH et du fait que la dégradation de la situation financière de la CCCO, constatée dès 2011, résultait de choix d'investissements coûteux sans lien avec le retrait d'Emerchicourt, l'arrêté préfectoral n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation (points 13 à 15 du jugement). Par ailleurs, il revient à la commune sortante et à l'EPCI de départ de s'entendre sur la répartition des biens meubles et immeubles en cause, des produits de la réalisation de ces biens ainsi que sur la répartition du solde de l'encours de la dette (article L. 5211-25-1 du CGCT), afin de déterminer un partage équilibré de ces biens, dans le respect du principe d'équité. A défaut d'accord, le représentant de l'Etat dans le département procède à cette répartition selon des éléments objectifs et dans le respect des principes précédemment évoqués. Dès lors que le législateur a déjà prévu les modalités selon lesquelles le patrimoine doit être équitablement réparti en cas de scission, il n'y a donc pas lieu d'imposer par la loi des compensations financières. S'agissant des conséquences du retrait sur les compensations de la réforme de la taxe professionnelle, l'article 78 de la loi de finances pour 2010 a prévu un mécanisme pérenne destiné à assurer la stricte neutralité financière de la réforme de la taxe professionnelle pour chaque collectivité. Ainsi, la compensation de cette taxe a été assurée par l'affectation d'une nouvelle fiscalité professionnelle aux collectivités concernées, avec des dispositifs budgétaires en complément. Ces derniers se composent d'une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) financée par l'Etat et d'un fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qui est un mécanisme d'équilibrage des recettes fiscales des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le FNGIR permet à chaque collectivité territoriale de disposer d'un niveau de ressources identique avant et après la suppression de la taxe professionnelle. Les montants prélevés ou reversés au titre de ce dispositif sont fixes et reconduits chaque année pour un montant identique. Cette fixité offre une stabilité aux collectivités territoriales pour éviter que des ajustements réguliers ne pénalisent leurs ressources. Cependant, les caractéristiques administratives et fiscales des EPCI à fiscalité propre, ainsi que leur périmètre sont susceptibles d'évoluer chaque année. Ces évolutions ont des effets en matière de DCRTP et de FNGIR. Ainsi, en cas de retrait d'une commune, en application du E du IV du 1.1 de l'article 78 de la loi de finances pour 2010, la DCRTP est diminuée de la part revenant à la commune sortante. De même, conformément au E du IV de l'article 78 de la loi de finances pour 2010, le prélèvement ou le reversement de l'EPCI au titre du FNGIR est diminué de la part de la commune sortante. Une collectivité qui a bénéficié d'un reversement de fiscalité peut donc devenir contributrice du fait du retrait d'une commune. Toutefois, une révision des modalités de calcul du mécanisme de compensation de la taxe professionnelle entrainerait des transferts financiers conséquents entre les collectivités. Par ailleurs, dans le cas où les collectivités contributrices connaîtraient une baisse de dynamisme de leur fiscalité économique, l'Etat a mis en place un dispositif de compensation pour celles dont la contribution représente plus de 2% des recettes réelles de fonctionnement et qui ont perdu plus de 70% de bases de cotisation foncière des entreprises entre 2012 et l'année précédente la contribution au FNGIR. Enfin, lors de la modification du périmètre d'un EPCI, la perte financière due au retrait d'une commune dans le cadre du FNGIR peut s'accompagner d'un gain financier car ce retrait entraîne la suppression de l'attribution de compensation versée à la commune conformément à l'article 1609 nonies C du code général des impôts, cette attribution permettant de partager la fiscalité économique en fonction des transferts de charges.

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