Question de M. RIETMANN Olivier (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 13/07/2023

M. Olivier Rietmann interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la différence de traitement pénalisant les entreprises françaises dans le domaine des auxiliaires technologiques alimentaires, « substances, non consommées comme ingrédients alimentaires en soi, mais utilisées lors du traitement ou de la transformation de matières premières, de denrées alimentaires ou de leurs ingrédients afin de répondre à un objectif technologique donné » selon l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

Si tout auxiliaire est soumis à une procédure d'autorisation, basée sur la démonstration de leur innocuité et évaluée par l'ANSES, cette réglementation ne s'applique qu'aux auxiliaires technologiques utilisés pour la production de denrées alimentaires produites en France. Celles produites ailleurs dans l'Union européenne ou dans le monde entrent sans contrôle sur notre territoire, engendrant de facto une différence de traitement pénalisante pour les entreprises nationales.

Cette réglementation est également préjudiciable pour l'exportation. En effet, dès lors que l'auxiliaire ne figure pas sur la liste française des produits autorisés, les pays tiers refusent aux opérateurs français la vente sur leur territoire. Cette restriction ne s'applique pas aux entreprises localisées dans des pays dépourvus de procédure d'autorisation.

On constate par ailleurs une durée anormalement longue de la procédure d'autorisation. Ainsi, en juillet 2023, des produits évalués favorablement par l'ANSES en 2018 attendent toujours d'être autorisés sur le marché.

En juin 2015, dans le cadre du « choc de simplification », le Gouvernement s'est engagé à alléger cette réglementation.
Premièrement, il avait promis « d'alléger la réglementation relative aux auxiliaires technologiques utilisés pour la fabrication des denrées alimentaires » (mesure n°4), avec le basculement vers la procédure de déclaration pour certains auxiliaires technologiques vers une procédure d'autorisation. En dépit d'un accord interministériel en juin 2018 sur un projet de décret simplifiant la réglementation, puis une notification de ce projet de décret à la Commission européenne et aux autres États-membres, lesquels n'ont exprimé aucune opposition, il n'est toujours pas publié.

Il le remercie de lui expliciter les raisons pouvant justifier ce retard.

Deuxièmement, il était proposé de « supprimer la double consultation de l'ANSES avant l'autorisation des auxiliaires technologiques » (mesure n°5), dans la mesure où l'ANSES est saisie sur le projet d'arrêté autorisant l'auxiliaire technologique qu'elle avait déjà favorablement évalué. Malgré l'article 6 du décret n° 2016-1531 du 15 novembre 2016 relatif à la composition et à l'étiquetage des produits brassicoles, qui a supprimé l'avis de l'ANSES, en modifiant l'article 5 du décret n° 2011-509 du 10 mai 2011, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a saisi le 15 mars 2021 l'ANSES sur un projet d'arrêté d'auxiliaires technologiques, quand bien même cette demande d'avis avait été supprimée.

Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui expliquer le fondement de cette démarche.

D'une manière générale, il souhaiterait recueillir son analyse sur cette procédure d'autorisation des auxiliaires technologiques et connaître ses intentions pour la simplifier, dans le mesure où il reconnait sa trop grande complexité.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 07/09/2023

La législation européenne en matière d'auxiliaires technologiques est « d'harmonisation partielle » : il n'y a pas de texte européen spécifique pour l'ensemble de ces substances. Seules certaines catégories d'auxiliaires technologiques sont encadrées par des textes européens. La règlementation nationale complète ce dispositif pour les catégories non harmonisées en conformité avec le droit de l'Union européenne (UE). Depuis 1973, la France a adopté un système d'autorisation préalable pour les auxiliaires technologiques, qui a par ailleurs fait l'objet d'un allègement dès 2011, consécutivement à un arrêt de la Cour de justice de l'UE pour limiter sa portée de manière proportionnée à ce qui est effectivement nécessaire pour assurer la sauvegarde de la santé publique. Ce dispositif national se trouve désormais en parfaite conformité avec le principe de proportionnalité du traité de l'UE. En deuxième lieu, le cadre réglementaire national relatif aux auxiliaires technologiques est proportionné au niveau de risque sanitaire. Il prévoit que seuls les auxiliaires technologiques pour lesquels un risque spécifique a été identifié par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), notamment parce que des résidus de ces substances peuvent subsister dans les denrées finies, font l'objet d'une procédure d'autorisation préalable. Pour les autres auxiliaires technologiques, une procédure de simple déclaration a été mise en place permettant aux opérateurs du secteur alimentaire d'utiliser sous leur responsabilité les substances ne présentant pas de risque spécifique. Pour les auxiliaires technologiques présentant un risque spécifique identifié par l'Anses, les opérateurs français peuvent utiliser uniquement les auxiliaires autorisés dans la fabrication de leurs denrées alimentaires. Ces auxiliaires sont soumis à un régime d'autorisation après évaluation préalable des risques pour les consommateurs. Cette évaluation est réalisée par l'Anses qui préconise en outre des conditions d'utilisation. Une fois l'avis de l'Anses publié, l'autorité compétente notifie, sous un mois, sa décision (d'autorisation ou de refus) à l'opérateur. L'opérateur qui a reçu une notification d'autorisation est dès lors autorisé à utiliser la substance, sans attendre la mise à jour, par arrêté modificateur, de la liste des auxiliaires technologiques autorisés dans l'arrêté du 19 octobre 2006. En troisième lieu, le cadre national prévoit un maximum de souplesse lorsque des auxiliaires technologiques sont déjà autorisés par d'autres État membres de l'UE. Les textes prévoient en outre, pour les auxiliaires technologiques « à risque » qui ont déjà été autorisés, sur la base d'une évaluation de l'innocuité dans un autre État membre de l'UE, que le dossier de demande d'autorisation soit remplacé par une attestation de l'autorité compétente de l'État membre accompagnée de l'avis de l'instance ayant procédé à l'évaluation précisant l'identité à la fois de la substance évaluée ainsi que les conditions d'applications autorisées dans les denrées. Cette procédure allégée s'applique notamment aux demandes de reconnaissances mutuelles des enzymes alimentaires utilisées comme auxiliaires technologiques évaluées et autorisées au Danemark. Ces dossiers ne sont alors pas évalués individuellement par l'Anses, contrairement aux demandes classiques d'autorisation, mais de façon groupée au moment de leur ajout dans le projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 19 octobre 2006, ce qui justifie que l'Anses soit à nouveau consultée. Enfin, les travaux relatifs au projet de décret qui devait prévoir le basculement vers la procédure de déclaration pour certains auxiliaires technologiques aujourd'hui soumis à une procédure d'autorisation ont été suspendus à la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat (CCC). À la suite d'une demande portée par les représentants des industries agroalimentaires et chimiques, un projet de décret ayant pour finalité de limiter la portée du dispositif réglementaire actuel, en réduisant de manière importante le nombre de substances soumises à évaluation obligatoire, était en cours de finalisation en 2018. Cependant les travaux sur ce texte ont été suspendus à la suite de la publication du rapport de la CCC. L'une de ses propositions visait notamment à « interdire progressivement l'usage des auxiliaires de production et des additifs alimentaires sous 5 ans ». Le projet de décret est alors apparu contradictoire avec la proposition de la CCC.

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