Question de Mme MULLER-BRONN Laurence (Bas-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 13/07/2023

Mme Laurence Muller-Bronn interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur les difficultés pratiques relativement importantes que connaissent les plateformes de mise en relation entre soignants indépendants et établissements de santé.

Face aux tensions que connaît le secteur, ces plateformes sont nées pour proposer une nouvelle réponse aux besoins de renforts ponctuels et d'urgence des établissements de santé tout en valorisant davantage les soignants.
Ces réseaux sont utilisés par des profils variés de soignants (étudiant, parent ne pouvant occuper pleinement un emploi, salarié sur son temps libre pour gagner davantage, etc.) qui, pour diverses raisons, ont besoin de flexibilité accrue durant une certaine période et sont désireux d'obtenir davantage d'autonomie à travers le statut de travailleur indépendant. Cette alternative au statut salarié en contrat à durée indéterminée (CDI), en contrat à durée déterminée (CDD) direct ou par l'intermédiaire d'agence d'intérim, n'a pas vocation à remplacer ces autres formes d'exercice des professions concernées. Par exemple, un soignant reste en moyenne quatre mois et demi sur la plateforme Mediflash.

Légalement, rien n'interdit à un aide-soignant d'exercer sa profession en tant qu'indépendant puisque l'article R. 4311-4 du code de la santé publique souligne que l'aide-soignant exerce son activité « sous la responsabilité » de l'infirmier. Or, cela n'implique en aucun cas un lien automatique de subordination. Élément caractéristique de la qualification de travail salarié, l'existence d'un lien de subordination répond à des critères cumulatifs distincts de la notion de responsabilité.

Néanmoins, un flou juridique s'est installé autour de la possibilité d'exercer la profession d'aide-soignant de façon indépendante à la suite d'une lettre conjointe de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et du ministre des solidarités et de la santé adressée aux directeurs d'établissements de santé le 30 décembre 2021.

En 2023, plus de cinquante établissements ayant recours à ces plateformes ont été contrôlés le même jour dans quatre départements français dont le Bas-Rhin. Ces contrôles massifs et simultanés sont de nature à intimider les utilisateurs et freiner le recours à ces plateformes. L'incertitude engendrée par cette situation inconfortable fait peser une grande pression sur les établissements de santé et les soignants. Ces plateformes, dont Mediflash, ont tenté en vain d'instaurer un échange avec les ministères concernés pour parvenir à une solution.

Par conséquent, elle souhaite lui demander ce que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre pour clarifier la situation.

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Transmise au Ministère de la santé et de la prévention


Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 14/12/2023

Les conditions d'exercice de certaines professions règlementées du secteur de la santé font obstacle à l'exercice même de ces activités sous un statut d'indépendant. C'est en particulier le cas de la profession d'aide-soignant. L'article R. 4311-4 du code de la santé publique dispose ainsi que « lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'accompagnants éducatifs et sociaux qu'il encadre et dans les limites respectives de la qualification reconnue à chacun du fait de sa formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-3. […] ». L'article 1er de l'arrêté du 10 juin 2021 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant et portant diverses dispositions relatives aux modalités de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux précise que « le diplôme d'Etat d'aide-soignant atteste de l'acquisition des compétences requises pour exercer la profession d'aide-soignant sous la responsabilité d'un infirmier dans le cadre de l'article R. 4311-4 du code de la santé publique ». Un aide-soignant ne peut exercer seul, sans contrôle ou responsabilité d'un infirmier diplômé d'Etat et ne peut exercer qu'en établissement ou en service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social. En l'état actuel de la règlementation, il n'est donc légalement pas possible pour un aide-soignant d'exercer en tant que travailleur indépendant et d'être mis à disposition auprès d'un établissement de santé ou médico-social sous ce statut comme le proposent ces plateformes de mise en relation. En deuxième lieu, malgré le fait qu'une profession médicale ou paramédicale puisse être exercée sous statut libéral, à l'instar des infirmiers diplômés d'Etat, l'exercice de ces professionnels en tant que travailleur indépendant au sein des établissements de santé ou médico-sociaux peut tomber sous le coup de la qualification de travail dissimulé. En effet, un travailleur indépendant doit disposer d'une marge d'autonomie dans l'exercice de ses fonctions, caractérisée notamment par la liberté de choix de ses horaires de travail, l'utilisation de son propre matériel, ou le fait de pouvoir développer une patientèle propre. Si ces professionnels exercent au contraire dans les mêmes conditions que les salariés ou agents de l'établissement, en étant notamment intégrés dans le même cadre hiérarchique et dans les mêmes plannings d'activité, sans pouvoir choisir leurs activités et leurs horaires, alors le contrat commercial peut sous réserve de l'interprétation souveraine du juge civil ou pénal, être requalifié en contrat de travail salarié. La responsabilité de l'établissement peut alors être engagée au titre du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, et donner lieu à des sanctions pénales, assorties du paiement des cotisations sociales dues aux URSSAF.

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