Question de M. VERZELEN Pierre-Jean (Aisne - Les Indépendants) publiée le 13/07/2023

M. Pierre-Jean Verzelen attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les décisions prises par les architectes des bâtiments de France (ABF).

Lorsque l'on se trouve dans le périmètre d'un monument classé, les travaux d'une habitation comprise dans ce périmètre doivent être soumis à une autorisation, elle-même subordonnée à l'avis conforme des architectes des bâtiments de France.

Pour mémoire, les services des ABF ont pour mission de conseiller les particuliers et les collectivités en matière d'architecture et d'urbanisme, notamment lorsque le projet se situe aux abords des monuments historiques dont ils assurent la préservation. Or, les décisions de l'architecte des bâtiments de France sont laissées pour une part non négligeable à son interprétation. Par conséquent, il n'y a pas de politique homogène sur l'ensemble du territoire. Il est fréquent que nombre de projets soient refusés par l'ABF en raison d'une co-visibilité relativement douteuse. Aussi, avoir la possibilité de former un recours contre leur décision est essentiel.

En cas d'avis défavorable de l'ABF, une voie de contestation est en effet prévue : le maire peut saisir le préfet de région. Cependant, il doit être saisi dans un délai très court de sept jours à compter de la réception de la décision de l'ABF. Il s'agit d'un délai vraiment court pour les communes qui n'ont pas forcément les services techniques nécessaires à leur disposition pour constituer le dossier d'appel ou pour les mairies qui ne sont ouvertes qu'une à deux fois par semaine avec des secrétaires de mairie mutualisées dans plusieurs communes.

Par ailleurs, le dossier est examiné par les services de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Se pose alors la question de l'indépendance de la décision qui sera rendue, décision dont on ne pourra ensuite plus faire appel puisqu'il n'existe pas de double recours.

Ce fonctionnement aboutit, d'une part, à la non-réalisation de beaucoup de projets locaux, que ce soit des particuliers ou des communes, d'autre part, à la réalisation de projets dans l'illégalité.

Aussi, il souhaite que le Gouvernement puisse envisager de réformer la procédure relative aux avis donnés par l'ABF en allongeant le délai d'appel et en prévoyant la possibilité d'un second recours.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 12/10/2023

Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine, les travaux susceptibles de modifier l'aspect des immeubles bâtis ou non bâtis situés en abords de monuments historiques font l'objet d'une autorisation préalable soumise à l'accord (« avis conforme ») de l'architecte des bâtiments de France (ABF), qui s'assure que le projet présenté s'insère harmonieusement dans l'environnement du monument. Dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux, l'ABF peut émettre des prescriptions, notamment en matière d'insertion du projet, au cas par cas, en fonction du dossier déposé et de son impact sur le site protégé concerné. Les refus d'autorisation de travaux, quand ils sont fondés sur un avis défavorable de l'ABF, doivent être motivés et sont souvent accompagnés de propositions, qui permettent de réexaminer plus positivement un futur projet. Au demeurant, ces refus d'autorisation sont limités, puisque, en moyenne annuelle, sur environ 515 000 dossiers instruits à divers titres, seuls 7 % font l'objet d'un avis défavorable de l'ABF. En cas de désaccord, deux types de modalités de recours existent. L'autorité compétente en matière d'urbanisme peut adresser au préfet de région un recours à l'encontre de l'avis de l'ABF dans un délai de sept jours. Cette durée s'inscrit dans les délais généraux en matière d'instruction des autorisations d'urbanisme et vise à ne pas rallonger outre mesure les délais pour le demandeur. Le préfet de région dispose ensuite de deux mois pour statuer, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA), organe collégial où siègent notamment des élus et des représentants d'associations. Le silence du préfet de région vaut décision implicite d'acceptation du recours. Le demandeur peut également former un recours auprès du préfet de région, à l'encontre d'un refus d'autorisation ou d'opposition à déclaration préalable, fondé sur un avis défavorable de l'ABF. Il dispose dans ce cas d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition à déclaration préalable ou du refus de permis. Dans cette procédure, le demandeur peut faire appel à un médiateur désigné par le président de la CRPA. Le préfet statue dans un délai de deux mois, en consultant si nécessaire la CRPA ; en cas d'absence de réponse, le recours est rejeté. Ces procédures de recours sont un préalable obligatoire avant toute saisine éventuelle du juge administratif. Ce droit, essentiel pour chaque citoyen et chaque collectivité territoriale, constitue un véritable contrôle de l'avis de l'ABF. S'agissant de la question proprement dite de la protection au titre des abords, l'article L. 621-30 du code du patrimoine dispose qu'en l'absence de périmètre délimité des abords, « la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci ». Si l'appréciation de cette co-visibilité relève de la seule compétence de l'ABF (Conseil d'État, 12 mars 2007, n° 275287), elle peut toutefois être contestée dans le cadre d'un recours. En 2022, parmi les 930 recours formés contre des avis émis par les ABF, 97 ont été examinés en CRPA et 45 ont été accueillis favorablement par les préfets de région. À l'échelle du département de l'Aisne, en 2022, sur un peu plus de 4 000 avis émis par les ABF, seuls une dizaine ont fait l'objet d'un recours. En pratique, en parallèle ou postérieurement à l'examen de leur recours auprès du préfet de région, certains demandeurs se rapprochent de l'ABF afin d'engager un dialogue, permettant bien souvent d'aboutir au dépôt d'un projet modifié et accepté in fine par l'ABF. Enfin, le ministère de la culture encourage l'ensemble des porteurs de projets, particuliers et collectivités territoriales, à prendre contact avec les ABF et leurs services, les unités départementales de l'architecture et du patrimoine, en amont du dépôt des demandes d'autorisation de travaux, afin de bénéficier de leurs conseils. Ainsi, à l'échelle nationale, plus de 200 000 conseils sont dispensés chaque année, permettant de mieux orienter les demandeurs dans la définition de leurs projets et de leur bonne insertion dans les espaces protégés pour leur intérêt patrimonial.

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