Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 20/07/2023

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations de la filière viticole concernant la réforme de la réglementation des indications géographiques (IG).
La Commission européenne a publié le 31 mars 2022 une proposition de règlement visant à réviser le système d'IG en Union européenne (UE). Cette révision se fonde notamment sur une volonté de réduire la charge administrative de la Commission européenne en s'appuyant sur l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) pour l'examen des demandes d'enregistrement, la modification des spécifications des produits, et les procédures d'opposition.
Le secteur viticole, qui profitait pourtant d'un cadre réglementaire favorable à son développement, s'inquiète de cette externalisation vers l'EUIPO. Leur inquiétude concerne la spécificité des vins d'appellation d'origine en termes de règles de production, de conditionnement, d'étiquetage et de durabilité, pour laquelle l'EUIPO n'a pas l'expertise suffisante. Le Comité économique et social européen avait, d'ailleurs, mis en garde la Commission européenne sur les effets de cette externalisation, en demandant une évaluation des compétences déléguées et en soutenant que la gestion des indications géographiques incombait en premier lieu à la direction générale de l'agriculture et du développement rural (DG AGRI).
La filière viticole considère que les demandes d'enregistrement, la modification des spécifications des produits, ainsi que les procédures d'opposition doivent relever, dans le cadre d'une subsidiarité renforcée, d'une compétence des États-membres et de la Commission européenne .
Les appellations d'origine redoutent la place grandissante de l'EUIPO dans l'encadrement des IG, celle-ci ayant aujourd'hui un rôle de gestion en matière de marques. Elles craignent que de la délégation des compétences résulte un glissement des IG vers des marques commerciales. Elles demandent d'une part, que l'équipe de l'EUIPO soit spécialisée et formée à la spécificité des IG, qui sont un droit de propriété intellectuelle spécial car les IG sont non délocalisables contrairement aux marques commerciales, d'autre part, que la Commission européenne garde la main sur la décision et arbitre les cas difficiles et enfin, que les délégations soient clairement explicitées dans le règlement et non dans les actes délégués.
Elle demande au Ministre de répondre aux inquiétudes de la filière viticole et de détailler ce que le Gouvernement prévoit afin de la protéger.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 24/08/2023

La Commission européenne a publié le 31 mars 2022 une proposition de règlement relatif aux indications géographiques (IG) de l'Union européenne (UE) pour les vins, les boissons spiritueuses et les produits agricoles, et aux systèmes de qualité pour les produits agricoles. Concernant le rôle attribué par cette proposition à l'office de l'UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO), les autorités françaises ne sont pas favorables à une telle délégation dans le cadre des procédures d'instruction des demandes relatives aux IG (reconnaissance ou modification), car il est essentiel que le système des IG soit bien différencié du traitement des marques qui n'a pas pour but de valoriser et de préserver les produits et méthodes de production traditionnelles ainsi que de participer aux objectifs de la politique de développement rural. Les autorités françaises ont fortement oeuvré, lors de l'examen au Conseil de l'UE, pour que cette délégation soit retirée du texte. Le Conseil de l'UE, sur la base du compromis proposé par la présidence suédoise, a arrêté sa position en mai 2023, qui supprime toute référence à l'EUIPO dans la proposition de règlement. Les autorités françaises soutiennent ainsi cette position, considérant qu'elle répond de manière satisfaisante aux interrogations et critiques que pouvait soulever la proposition de la Commission européenne. Une position très proche a été retenue par le Parlement européen. Concernant les modifications relatives aux vins, les autorités françaises sont très attachées à la stabilité des règles relatives aux IG viticoles, et aux acquis des dernières réformes. Ainsi, elles sont favorables au maintien de la définition des IG protégées viticoles prévue dans le règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. Cette position est celle adoptée par le Parlement européen. Toutefois, elles restent ouvertes à ne pas priver le secteur viticole des avancées qui seraient obtenues dans la proposition de règlement, notamment en matière de protection. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui est particulièrement investi dans les négociations relatives à cette proposition de règlement, suit avec une très grande attention ce sujet, et fera de nouveau valoir ces positions dans le cadre des trilogues entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission, qui ont débuté au mois de juin 2023 et doivent permettre de déboucher sur un accord et l'entrée en vigueur d'un réglement.

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