Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 20/07/2023

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires concernant la responsabilité des collaborateurs de cabinet employés par les exécutifs locaux.
En mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a condamné au versement d'amendes l'ancien président du conseil départemental du Val-de-Marne et son directeur de cabinet au motif du détournement d'emplois administratifs à des fins politiques.
En l'espèce, il s'agissait de mettre en cause la pratique consistant à placer sous l'autorité fonctionnelle du directeur de cabinet certains services de la collectivité en considérant que le président du conseil départemental avait détourné la réglementation relative au nombre maximum de collaborateurs de cabinet.
Or, il est de pratique courante dans les collectivités locales de placer sous l'autorité fonctionnelle de l'exécutif et de son cabinet certains services, à l'image de la communication, des assistants d'élus ou encore du protocole, en raison de la naturelle et nécessaire proximité de ces services avec les maires ou présidents d'intercommunalités. En outre, cette relation directe permet une plus grande réactivité dans la chaîne de décision.
Si l'objet n'est pas de remettre en question l'autorité hiérarchique du directeur général des services sur les agents concernés, il semble opportun au terme de ce jugement de questionner notre droit pour l'adapter aux réalités territoriales et prévenir des contentieux similaires qui n'ont pas lieu d'être en normalisant les relations entre les services et les collaborateurs de cabinet qui sont les relais de l'autorité territoriale.
Refuser cette évolution reviendrait à dénier toute autorité de l'exécutif sur les services de sa collectivité, à lui ôter toute responsabilité sur l'administration de sa collectivité et à le condamner à être simple spectateur de celle-ci. En outre, conserver le statu quo exposerait de nombreux élus à des risques pénaux et conduirait à d'autres questions très pratiques aberrantes nécessitant des clarifications rapides : un exécutif local est-il en droit d'exercer une autorité sur son secrétariat ? Un directeur de cabinet peut-il disposer d'une secrétaire qui n'aurait pas elle-même le statut de collaborateur de cabinet ? Les adjoints au maire ayant reçu délégation peuvent-ils bénéficier d'un secrétariat et exercer une autorité fonctionnelle sur ce dernier ?
Il convient de rappeler que la notion d'autorité fonctionnelle est déjà présente dans les administrations publiques, s'agissant par exemple de l'État, avec en particulier les relations qui s'établissent entre préfets de région et de département ou recteurs de région académique et d'académie.
Il souhaite donc connaître sa position concernant une évolution rapide du code général des collectivités territoriales afin d'introduire clairement et sans ambigüité la notion d'autorité fonctionnelle qui doit être fixée par arrêté du maire ou du président de l'intercommunalité.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 04/01/2024

Le régime juridique des emplois de collaborateurs de cabinet est fixé par les articles L. 333-1 à L. 333-11 du code général de la fonction publique, le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales et le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Il ressort en particulier du décret du 16 décembre 1987 que le nombre d'emplois de collaborateur de cabinet est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité, et que la qualité de collaborateur de cabinet est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent. L'article L. 333-10 du code général de la fonction publique rappelle pour sa part que les collaborateurs de cabinet ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés. Si le décret du 16 décembre 1987 précise que la décision par laquelle un collaborateur de cabinet est recruté détermine les fonctions exercées par l'intéressé, aucune disposition ne définit la nature des fonctions de collaborateur de cabinet. Toutefois, la jurisprudence a établi que celles-ci requièrent nécessairement d'une part, un engagement personnel et déclaré au service des principes et objectifs guidant l'action politique de l'autorité territoriale, auquel le principe de neutralité des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions fait normalement obstacle et d'autre part, une relation de confiance personnelle d'une nature différente de celle résultant de la subordination hiérarchique de l'agent à l'égard de son supérieur (Conseil d'État, 26 janvier 2011, n° 329237). Aussi, les emplois de collaborateurs de cabinet se distinguent-ils des fonctions purement administratives. Alors que c'est la décision par laquelle un collaborateur de cabinet est recruté qui détermine, selon l'article 5 du décret du 16 décembre 1987, les fonctions exercées par l'intéressé et le montant de sa rémunération ainsi que les éléments qui servent à le déterminer, les autres emplois de la collectivité reposent sur des emplois permanents et se définissent comme étant des emplois répondant à des besoins permanents de la collectivité. Le juge contrôle strictement le respect de cette frontière (Conseil d'État, 26 mai 2008, n° 288104). Il s'est ainsi prononcé sur la nécessaire distinction entre un emploi relevant de la hiérarchie de l'administration et un emploi de cabinet (Cour administrative d'appel de Lyon, 29 juin 2004, n° 98LY01726). Un directeur de cabinet n'a pas vocation à gérer lui-même les services administratifs d'une collectivité locale, ce rôle étant dévolu au directeur général des services aux termes de l'article 2 du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 portant dispositions statutaires particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés (cf. réponse à la question écrite n° 20328 apportée en séance publique au Sénat le 17 mars 2021). En l'état du droit, rien n'interdit néanmoins par principe la mise en place d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur les services de la collectivité qui concourent, malgré leur caractère de services administratifs, à l'exercice des missions de l'élu. Il en va ainsi des services de communication, en tant qu'ils peuvent concourir à la fois à la communication institutionnelle de la collectivité ainsi qu'à celle, de nature plus politique, propre à l'action de l'autorité territoriale, ou encore sur le secrétariat de l'autorité territoriale ou les services du protocole, en tant qu'ils concourent à satisfaire la double nature, administrative et politique, des missions d'une autorité territoriale. Toutefois, quand bien même une autorité fonctionnelle serait accordée au directeur de cabinet sur certains emplois permanents de la collectivité, cela n'écarterait pas le contrôle du juge financier ou du juge pénal sur la réalité et l'étendue des fonctions exercées par chacun dans le respect des règles légales et statutaires qui encadrent la répartition des rôles entre le cabinet et la direction générale des services. Ce contrôle pourrait donc en tout état de cause conduire à une requalification de tout ou partie des emplois concernés, au regard de la nature et de l'étendue des missions qui leur auraient été confiés, et aboutir à un dépassement du nombre de collaborateurs de cabinet autorisé Dans la décision du tribunal judiciaire de Paris du 29 mars 2023 évoquée par la question, le juge a considéré que des emplois permanents de la collectivité étaient en réalité affectés à des fonctions politiques et non administratives et les a requalifiés en conséquence en emplois de collaborateur de cabinet. Cette requalification a conduit le juge à conclure que le plafond d'emplois de cabinet auquel pouvait prétendre la collectivité concernée était dépassé, en violation des dispositions du décret du 16 décembre 1987 précité. Il convient de relever qu'en l'espèce, les missions des agents appartenant au service concerné allaient clairement au-delà, par leur nature, de celles qui peuvent être exercées par des services de la collectivité sous l'autorité fonctionnelle du directeur de cabinet. Ces missions renvoyaient donc ainsi matériellement à la définition des emplois de cabinet. Cette décision vient donc sanctionner une situation spécifique insusceptible d'être couverte par l'existence d'une autorité fonctionnelle. Sous réserve de l'appréciation des juges, elle ne semble donc pas devoir être lue comme excluant en principe l'exercice d'une autorité fonctionnelle sur certains services de la collectivité dans les conditions et limites mentionnées précédemment.

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