Question de Mme LASSARADE Florence (Gironde - Les Républicains) publiée le 27/07/2023

Mme Florence Lassarade appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le choix du vaccin contre l'influenza aviaire, produit par le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim, au détriment du vaccin de Ceva santé animale produit en France.
Le ministère de l'agriculture prévoit d'injecter à partir du mois d'octobre 80 millions de doses de vaccin contre l'influenza aviaire chez les canards de tous les élevages commerciaux du territoire métropolitain, à l'exception de la Corse. L'État prendra en charge 85 % du coût de la campagne de vaccination. Après l'appel d'offres lancé par l'État, trois entreprises s'étaient positionnées. Au mois de mai 2023, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) annonçait que les résultats du laboratoire girondin Ceva santé animale et de l'allemand Boehringer Ingelheim apportaient tous deux des garanties suffisantes. Pourtant, seul le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim a été retenu pour la production de ces 80 millions de doses de vaccin contre la grippe aviaire.
Ce choix est étonnant car la première dose du vaccin développé par Ceva santé animale garantit une meilleure couverture et impose le moins de contraintes logistiques aux éleveurs. Leur vaccin peut en effet être injecté par les vétérinaires dès le couvoir avant qu'ils ne rejoignent les élevages. Cette innovation technologique a d'ailleurs été saluée par la filière des éleveurs. La deuxième dose est administrée à quatre semaines, chez les éleveurs cette fois, au moment où un autre vaccin contre la pasteurellose est injecté aux canards. L'intervention en élevage se trouve donc limitée à une fois, ce qui est un plus pour la biosécurité et, comme cette deuxième injection est couplée à une autre vaccination, elle nécessite seulement une personne supplémentaire quand les deux attrapeurs sont déjà mobilisés.
Pourtant, l'administration a décidé d'attribuer ce marché au seul laboratoire allemand Boehringer Ingelheim. Ce choix ne permet même pas la répartition des doses à produire entre les deux laboratoires, afin de limiter les risques de défaillance d'un fournisseur. Cette répartition aurait permis une meilleure sécurité d'approvisionnement en doublant le nombre de fournisseurs
Cette décision est également incompréhensible en termes de souveraineté, de relocalisation industrielle telle que prônée par le Président de la République et d'innovation puisque ce vaccin a été soutenu par le plan France 2030. De plus, contrairement à son concurrent allemand, Ceva santé animal prévoit de fabriquer son vaccin en France.
Au regard de l'importance de la souveraineté stratégique pour la France dans le domaine de la vaccination des virus émergents chez l'animal et au moment où la relocalisation des activités pharmaceutiques est affichée comme une priorité, elle souhaiterait savoir pour quelles raisons le ministère de l'agriculture a choisi d'exclure le vaccin Ceva santé animale produit en France.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 06/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2023

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteure de la question n° 795, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Florence Lassarade. Ma question porte sur le choix du vaccin contre l'influenza aviaire produit par le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim, au détriment du vaccin que le laboratoire Ceva Santé animale produit en France.

Le ministère de l'agriculture a décidé d'injecter, dès le mois d'octobre dernier, 80 millions de doses de vaccin contre l'influenza aviaire chez les canards de tous les élevages commerciaux du territoire métropolitain. L'État prend en charge 85 % du coût de cette campagne de vaccination.

Après l'appel d'offres lancé par l'État, trois entreprises se sont positionnées. Au mois de mai 2023, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) annonçait que les résultats du laboratoire girondin Ceva Santé animale et ceux de l'allemand Boehringer Ingelheim apportaient tous deux des garanties suffisantes. Pourtant, seul le laboratoire allemand a été retenu pour la production de ces 80 millions de doses.

C'est un choix étonnant, car la première dose du vaccin développé par Ceva Santé animale garantit une meilleure couverture et impose le moins de contraintes logistiques aux éleveurs. Il peut en effet être injecté par les vétérinaires dès le couvoir, avant que les canards ne rejoignent les élevages. Cette innovation technologique a d'ailleurs été saluée par la filière des éleveurs.

La deuxième dose est administrée à quatre semaines, chez les éleveurs cette fois, au moment où un autre vaccin contre la pasteurellose est injecté aux canards. L'intervention en élevage se trouve donc limitée à une fois, ce qui est un plus pour la biosécurité. Et, comme cette deuxième injection est couplée à une autre vaccination, elle nécessite seulement une personne supplémentaire quand les deux attrapeurs sont déjà mobilisés.

Pourtant, l'administration a décidé d'attribuer ce marché au seul laboratoire allemand Boehringer Ingelheim. Cette décision est incompréhensible en termes de souveraineté, de relocalisation industrielle et d'innovation puisque ce vaccin a été soutenu par le plan France 2030. De plus, contrairement à son concurrent allemand, Ceva Santé animale prévoit de fabriquer son vaccin en France.

Au regard de l'importance de la souveraineté stratégique de la France dans le domaine de la vaccination des virus émergents chez l'animal,...

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Florence Lassarade. ... et au moment où la relocalisation des activités pharmaceutiques est affichée comme une priorité, je souhaiterais savoir pour quelles raisons le ministère de l'agriculture a choisi d'exclure le vaccin Ceva Santé animale produit en France.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je commencerai par rappeler que cette campagne de vaccination est inédite. Elle a deux objectifs : couvrir au maximum le risque de contamination par l'influenza aviaire, et le faire dans des délais raisonnables.

Par ailleurs, nous avons fait en sorte de mettre en place un protocole garantissant une traçabilité rigoureuse de cette vaccination, y compris pour maintenir nos capacités d'export.

Vous parlez de souveraineté. Le premier enjeu consiste pour nous à maintenir la souveraineté et la capacité de production de nos élevages aviaires en dépit de la grippe. Le 17 avril dernier, mon ministère a lancé un appel d'offres pour la commande de 80 millions de vaccins, afin de déployer cette vaccination. Trois firmes y ont répondu : Boehringer Ingelheim, Ceva Santé animale et Zoetis. Seules les offres de Boehringer Ingelheim ont été jugées recevables.

Notez d'abord qu'il ne restait plus que deux offres. Ensuite, rappelez-vous qu'il s'agit d'un marché public : les offres sont analysées tant du point de vue du prix proposé que de la qualité de la prestation. À l'issue des analyses, il se trouve que Boehringer Ingelheim était le mieux placé.

L'État prenant en charge 85 % du coût de la campagne de vaccination, il n'était pas illogique que cet élément soit un critère de choix.

Par ailleurs, il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité du vaccin produit par Ceva Santé animale. La question qui se posait était celle de la disponibilité. Conformément à l'engagement que j'avais pris, je souhaitais qu'un laboratoire puisse démarrer la vaccination dès le début du mois d'octobre. Reconnaissons que nous avons été au rendez-vous de la qualité et de l'échéance voulue ; c'est sur la base de ces éléments que la décision a été prise.

Par ailleurs, vous savez très bien que la plupart de ces laboratoires ne produisent pas en France, mais se contentent d'embouteiller les vaccins ; c'est le cas du laboratoire Ceva Santé animale. Il n'en demeure pas moins que je suis sensible, autant que vous, à la question de la présence de ce laboratoire sur le territoire, en particulier dans votre région.

Nous étions confrontés à une situation d'urgence au début du mois d'octobre. Désormais, la vaccination a pu se déployer. Je vous annonce d'ores et déjà qu'un nouvel appel d'offres sera lancé au cours du mois de décembre afin que l'ensemble des laboratoires concurrents puissent y participer - le laboratoire Ceva Santé animale y a, bien évidemment, toute sa place.

C'est bien dans cette logique-là que nous avons agi, dans l'intérêt des éleveurs et de notre souveraineté.

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