Question de Mme MULLER-BRONN Laurence (Bas-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 03/08/2023

Mme Laurence Muller-Bronn interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur le projet gouvernemental de suppression des chaudières à gaz au profit de pompes à chaleur dans l'objectif de réduire les émissions carbone au plan national.

Si aucune date n'a encore été communiquée publiquement, la Première ministre a fait part, auprès d'organisations patronales, d'une échéance possible en 2026. Or, la décarbonation des bâtiments ne peut se réaliser sans l'adhésion des parties prenantes et implique l'acceptabilité économique et sociale d'une telle décision, au-delà de la courte consultation qui a eu lieu du 5 juin au 28 juillet.
A ce stade, la suppression unilatérale des chaudières à gaz ne constitue pas un objectif viable compte-tenu de la configuration des logements, du pouvoir d'achat limité d'une partie de la population et du prix estimé entre 16 000 et 30 000 euros pour l'acquisition d'une pompe à chaleur, selon la technologie choisie. Supprimer les chaudières à gaz ou au fioul ne peut, en réalité, qu'aggraver la précarité énergétique de nombreux Français.
Le cumul dans une même période des exigences de rénovation énergétique et de changement du système de chauffage s'avère très coûteux et ce malgré les aides existantes et prévues. En effet, selon une étude du ministère de la transition écologique, sur les douze millions de logements chauffés au gaz, 70 % présentent un diagnostic de performance énergétique allant de D à G, dont 12 % sont de véritables passoires énergétiques (classes F et G). De plus, les prix de l'électricité sont en nette augmentation. Par conséquent, la fin de la commercialisation des chaudières ne devrait s'appliquer que dans les habitations correctement isolées, où le changement est techniquement possible et accompagné d'une amplification des aides de l'État.
Sur le plan écologique, le report du chauffage vers l'électrique sur des logements qui n'ont pas fait l'objet d'une rénovation globale risque d'accroître fortement la demande en électricité. Cette tendance crée un risque réel de report de l'approvisionnement vers les centrales thermiques fonctionnant au gaz, au fioul et au charbon, elles aussi polluantes.
Sur le plan industriel, nos industries possèdent un savoir-faire et sont équipées pour la production de chaudières à gaz. Or, la majorité des composants des pompes à chaleur proviennent aujourd'hui d'Asie. À l'heure où la France et ses partenaires européens travaillent à une réindustrialisation durable sur nos territoires, il semble logique de laisser le temps aux industries européennes de trouver des solutions pour participer à cette transition.
De fait, il est à craindre qu'un nouvel effet d'annonce concernant une planification irréalisable, et qui verrait une nouvelle fois son échéancier reporté, ne produise qu'un effet négatif immédiat sur nos concitoyens et nos entreprises, alors que nous avons déjà suffisamment de données pour constater qu'une planification aussi contraignante n'est pas souhaitable.

Elle lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement sur ce sujet.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 10/08/2023

Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux de neutralité carbone, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Si des efforts ont été réalisés cette dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. À cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, nous devons interroger tous les leviers disponibles : accentuation de la dynamique d'isolation, accélération du rythme de sortie des énergies fossiles ou encore pérennisation des efforts de sobriété. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières gaz dans les logements existants. Toutefois, la Ministre tient à rappeler que cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons a déjà été posé. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. L'objectif poursuivi par cette réglementation est l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en d diminuant leur impact carbone. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz. Comme toutes les actions engagées en vue d'accélérer la transition énergétique dans notre pays, des évolutions sont nécessaires pour proposer aux Français des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires thermiques ou biomasse). Ces solutions sont compétitives et permettent de diminuer la facture des ménages à l'usage. Les rapports « Futurs énergétiques 2050 » de RTE et les « Eléments de prospective du réseau public de distribution d'électricité à l'horizon 2050 » d'Enedis prennent déjà en compte une fin du gaz progressive, notamment dans les bâtiments neufs, tout en assurant la viabilité du réseau. La résilience du réseau électrique est un point d'attention fort, et de nombreuses solutions non électriques comme celles évoquées plus haut ou des solutions d'hybridation, associées à la rénovation des bâtiments et à la sobriété, nous permettront d'y répondre. C'est aussi un enjeu de souveraineté dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. Ces changements structurels s'engagent progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, je suis convaincue que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l'État y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur, qui font l'objet d'échanges avec les filières, y contribuent également. Le rapport de l'Agence Internationale de l'Énergie sur les technologies clés pour la décarbonation met d'ailleurs en évidence que la très grande majorité des pompes à chaleur vendues en Europe est d'ores et déjà fabriquée en Europe. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront très prochainement le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. Enfin, s'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son utilisation doit être encouragée. Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480TWh de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, soit près de 50 fois inférieure à notre consommation, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Les tarifs d'achat du biogaz injecté dans les réseaux ont tout récemment été revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation (inflation deux fois par an du tarif, possibilité de cumul avec une aide à l'investissement, incitation à l'autoconsommation…). Le dispositif des Certificats de Production de Biométhane introduit par la loi Climat & Résilience de 2021 pour obliger progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporé sera également prochainement mis en oeuvre. Ces dispositions permettront d'accélérer le développement de la filière et d'assurer la poursuite de notre trajectoire définie dans la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles. Enfin, concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large, documentée avec les parties prenantes en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés. C'est pourquoi la Ministre de la Transition énergétique Agnés PANNIER-RUNACHER a lancé, avec M. Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, une concertation publique sur la décarbonation du secteur du bâtiment et notamment l'accélération de la décarbonation des moyens de chauffages.

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