Question de M. CHANTREL Yan (Français établis hors de France - SER) publiée le 07/09/2023

M. Yan Chantrel interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la mixité sociale dans les établissements français homologués du réseau de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

La publication de l'indice de position sociale (IPS) des établissements scolaires de l'hexagone et de l'outre-mer en octobre 2022 a permis au grand public de découvrir la ségrégation sociale toujours plus grande dont souffre l'école française. L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle d'ailleurs régulièrement que la France est l'un des pays où l'origine sociale des élèves pèse le plus sur leur réussite scolaire. Malgré les annonces décevantes du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en mai 2023, le débat national qui s'est ouvert grâce à la publication des IPS est particulièrement bienvenu.

Il est fort regrettable que les établissements français à l'étranger soient les seuls à échapper à ce débat national, du fait qu'aucune donnée n'ait été communiquée sur l'IPS de ces établissements.

Or, on sait très bien que certains établissements homologués par l'AEFE souffrent d'un très grand entre-soi. La hausse des frais d'écolage année après année et la stagnation de l'enveloppe des bourses ne font que renforcer le manque de mixité sociale et scolaire au sein de ces établissements et excluent de fait les enfants d'un grand nombre de nos compatriotes établis hors de France.

On notera d'ailleurs que l'article L452-2 du code de l'éducation ne mentionne pas la mixité sociale parmi les missions de l'AEFE, alors que celle-ci figure parmi les objectifs du service public de l'éducation à l'article L111-1 du même code, depuis la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de 2013.

Il lui demande donc pourquoi l'indice de position sociale des établissements français à l'étranger n'est pas mesuré ou pas communiqué.

Il lui demande aussi comment l'efficacité de l'aide à la scolarité peut être mesurée sans recours à cet indicateur de mixité sociale.

Enfin, lui rappelant que la loi n° 2022-272 du 28 février 2022 visant à faire évoluer la gouvernance de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation dispose en son article 9 que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d'un an, un rapport évaluant l'état actuel de la mixité sociale dans le réseau d'enseignement français à l'étranger et ses perspectives d'évolution dans le cadre du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, il lui demande quelles données elle compte utiliser pour rendre compte de la mixité sociale dans ce rapport.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 07/12/2023

La loi n° 2022-272 du 28 février 2022 visant à faire évoluer la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation, dans son article 9, prévoit l'élaboration d'un rapport évaluant l'état de la mixité sociale dans le réseau d'enseignement français à l'étranger et ses perspectives d'évolution dans le cadre du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Ce rapport établit aussi un bilan de l'accueil, dans les établissements du réseau, des enfants des fonctionnaires et militaires en poste à l'étranger, en examinant notamment l'adéquation des majorations et aides qu'ils perçoivent avec les montants de frais de scolarité. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), opérateur sous tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ne dispose pas, à ce stade, de l'ensemble des outils nécessaires pour élaborer ce rapport. Evaluer précisément la mixité sociale dans le réseau des 580 établissements d'enseignement français à l'étranger, répartis dans 139 pays, et dont plus de 88% ont un statut privé, supposerait en effet d'avoir accès à des données personnelles, notamment de nature fiscale, que ces établissements ne peuvent pas exiger. En France, ce travail de cartographie de la mixité sociale des établissements d'enseignement est possible par le recoupement des données détenues par les administrations. Nos établissements à l'étranger, qui ne sont pas des organismes administratifs des pays où ils sont implantés, n'ont pas accès à de telles données. L'AEFE envisage de répondre à ce besoin en diffusant des questionnaires aux familles des élèves scolarisés dans les établissements du réseau, sous réserve de la légalité de ce dispositif dans les pays concernés. Concernant les établissements homologués qui sont partenaires ou conventionnés, ils doivent, en tant qu'établissements privés, atteindre l'équilibre financier. L'AEFE ne peut pas encadrer les frais de scolarité de ces établissements, faute de base juridique. L'AEFE ne dispose pas non plus de moyen légal de leur imposer un niveau donné de mixité sociale, sauf à l'inscrire dans les critères de l'homologation. Le dispositif d'homologation, cependant, doit rester en priorité un outil au service de la qualité pédagogique. Un établissement dont la qualité pédagogique est excellente ne doit pas perdre la possibilité d'être homologué, au risque de voir baisser l'offre mondiale d'établissements homologués, ce qui limiterait l'accès de nos compatriotes au réseau de l'AEFE. L'AEFE fixe uniquement le montant des droits de scolarité des 68 établissements en gestion directe (EGD) du réseau d'enseignement français à l'étranger. Tous statuts d'établissements confondus, ces droits sont compris entre 118 euros par an à Jounieh (Liban) et 44 290 euros à New York (Etats-Unis), avec une moyenne mondiale de près de 5 900 euros. Cette moyenne s'établit à 3 870 euros en Afrique, 5 345 euros en Asie et Océanie, 6 029 euros en Europe, et 12 174 euros dans les Amériques. Les droits de scolarité varient également selon le statut des établissements. Leur montant moyen est de 5 167 euros dans les EGD, 5 942 euros dans les établissements partenaires, et 6 295 euros dans les établissements conventionnés. Ces frais dépendent de facteurs multiples. Ainsi, dans certains pays, le gouvernement octroie des subventions à l'établissement pour la scolarisation d'élèves nationaux, dans d'autres - la majorité - ce n'est pas le cas. Il faut noter que ces droits de scolarité restent en moyenne inférieurs aux frais pratiqués dans la plupart des écoles étrangères comparables. Il faut aussi souligner que nombre de ces établissements ont instauré des systèmes de solidarité pour leurs élèves locaux, et offrent des tarifs réduits à certaines familles en difficulté. Ce dispositif, qui repose sur les finances de l'établissement, est indépendant des aides à la scolarités dispensées aux élèves français et relevant du programme 151. Concernant l'accessibilité de nos établissements aux communautés françaises à l'étranger, le vote par le Parlement d'une subvention sur le programme 151 permet à l'AEFE de contribuer à la mixité sociale en finançant, sur critères sociaux, la scolarité d'élèves français dans l'ensemble des établissements du réseau. Avec une dotation de 114 millions d'euros en 2023, ce dispositif a démontré son efficacité, et près de 20% des élèves français bénéficient d'une réduction des frais de scolarité dans nos établissements, dont une exemption complète de frais pour près de la moitié d'entre eux (45%).

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