Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 21/09/2023

M. Pierre-Antoine Levi attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations grandissantes relatives aux retraités agricoles, et en particulier aux agricultrices.

Pendant de nombreuses années, une très grande majorité des agricultrices, en dépit de leur apport indispensable aux exploitations, n'ont pas été officiellement reconnues comme exploitantes agricoles. Cette omission a entraîné des carrières incomplètes pour ces femmes, du fait de leur non-déclaration pendant de nombreuses années.
Ce constat témoigne d'une période où les droits des femmes étaient restreints, et leur contribution cruciale à l'agriculture souvent négligée.

De plus, une inégalité préoccupante persiste concernant l'écrêtement des pensions, avec un plafond manifestement plus bas pour les femmes. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les pensions de réversion, destinées à pallier la perte de revenus suite au décès d'un conjoint, sont également soumises à cet écrêtement.

Il est également à noter que des exploitants, ayant surcotisé à une époque où les cotisations étaient basées sur le revenu cadastral, semblent aujourd'hui pénalisés par des changements dans les méthodes de calcul, malgré leurs cotisations initialement plus élevées.

En outre, une préoccupation majeure concerne les agriculteurs ayant, à un moment donné de leur carrière, cotisé à d'autres régimes de retraite. Il apparaît que leurs pensions, issues de ces régimes, sont écrêtées, rendant de facto leurs cotisations antérieures presque sans effet.

Face à ces constats, il souhaite obtenir des précisions sur les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre pour corriger ces injustices historiques et soutenir efficacement les retraités agricoles, en particulier les agricultrices.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 26/10/2023

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des agricultrices au regard de leurs droits à retraite, et notamment à la situation des femmes ayant exercé une activité professionnelle non-salariée agricole en qualité de conjoint participant aux travaux, de collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole ou d'aide familial, au regard de leurs droits très limités en retraite dans ces statuts. Cette situation tient notamment à la mise en place tardive de certains éléments fondamentaux de la couverture sociale en matière de retraite, comme la retraite proportionnelle, composante de la retraite de base, ouverte aux aides familiaux en 1994 et aux collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole à la création de ce statut en 1999, ou le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles étendu seulement en 2011 à ces deux statuts. L'amélioration de la protection sociale des conjointes de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole a évolué progressivement avec, dès la création du régime de base, le statut présumé de « conjoint participant aux travaux » prévu par l'article L. 732-34 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), statut fermé en 1999 pour les nouveaux affiliés et supprimé en 2009, qui n'ouvrait droit qu'à la retraite forfaitaire, puis avec le statut choisi de « collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole » prévu par les articles L. 321-5 et L. 732-35 du CRPM, créé en 1999 et limité à cinq ans depuis 2022, qui ouvre droit à la retraite forfaitaire et, sur la base d'une assiette forfaitaire de 400 SMIC (salaire minimum de croissance), à la retraite proportionnelle, ainsi qu'à la RCO, depuis 2011, sur la base d'une assiette forfaitaire de 1 200 SMIC. Depuis 2006, le conjoint du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, ou la personne qui est liée à lui par un pacte civil de solidarité ou qui vit maritalement avec lui, qui exerce une activité professionnelle régulière sur l'exploitation ou au sein de l'entreprise agricole doit opter obligatoirement pour l'un des trois statuts suivants : collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole, salarié de l'exploitation ou de l'entreprise agricole, chef d'exploitation ou d'entreprise agricole. La limitation à cinq ans du statut de collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole intervenue en 2022 doit permettre d'éviter la création de poches de pauvreté de retraités non-salariés agricoles. En effet, dans le régime des personnes non-salariées des professions agricoles, seul le statut de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole permet aux femmes d'accéder à la protection la plus complète. Face à ces constats, la solidarité nationale est active et se traduit par le financement du régime des retraites agricoles, via le mécanisme de compensation démographique et l'affectation de diverses taxes, ainsi que par des mesures de revalorisation des retraites de base non-salariées agricoles et par l'attribution de droits gratuits de RCO, dont les conjointes des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ont notamment pu bénéficier. Ainsi, en retraite de base, la loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles a récemment constitué une nouvelle avancée en ciblant l'ensemble des statuts de non-salariés agricoles et notamment les anciens conjoints participant aux travaux, les collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole et les aides familiaux. La loi du 17 décembre 2021 a ainsi prévu l'alignement de la pension majorée de référence (PMR), correspondant au minimum de retraite de base non-salariée agricole (pensions de droit propre et de réversion), des trois statuts précités sur celle des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole. Elle a prévu également la revalorisation du montant de la PMR, désormais identique, quel que soit le statut, à hauteur du minimum contributif majoré des salariés relevant du régime général ou du régime des salariés agricoles, soit 747,47 euros (euros) au 1er janvier 2023 pour une carrière complète de non-salariée agricole. Enfin, le plafond d'écrêtement de la majoration de la retraite de base pouvant être accordée au titre de la PMR a été relevé à 961,08 euros au 1er janvier 2023. Ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur pour les pensions dues dès le 1er janvier 2022 et ont concerné en 2022 plus de 200 000 personnes, majoritairement des femmes, pour un montant moyen complémentaire de plus de 50 euros brut par mois (et 70 euros pour les femmes). En outre, la récente réforme des retraites relève la PMR à 847,47 euros et son plafond à 1 061,08 euros pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023. Ainsi, lorsqu'elles en remplissent les conditions d'ouverture de droit, les agricultrices ayant exercé leur activité comme conjoint participant aux travaux ou comme collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole bénéficient en retraite de base, à durée d'assurance identique, des mêmes droits qu'un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole. Elles peuvent en outre bénéficier de droits gratuits en RCO sans avoir parfois cotisé à ce régime. En effet, dans le régime de RCO, sous certaines conditions de durées d'assurance et dans certaines limites, des points gratuits de RCO peuvent être attribués pour certaines périodes antérieures à l'obligation d'affiliation à ce régime. Ainsi, depuis 2014, peuvent être attribués 66 points gratuits annuels de RCO, dans la limite maximale de 17 annuités, pour des périodes d'ancien conjoint participant aux travaux, de collaborateur d'exploitation agricole et d'aide familial, ainsi que pour les périodes de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole lorsque l'assuré justifie de moins de 17,5 années en qualité de chef. L'article 18 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a prévu, à compter du 1er septembre 2023, pour les personnes dont la pension de retraite a pris effet à compter de 1997, un assouplissement des conditions d'ouverture du droit au dispositif de points gratuits de RCO au titre des années antérieures à l'obligation d'affiliation à ce régime, en remplaçant la condition de justifier du nombre de trimestres requis pour l'obtention du taux plein par la condition de justifier d'une pension à taux plein quelle qu'en soit la raison. Cette mesure permettra notamment à des populations fragilisées par le handicap ou l'inaptitude, qui bénéficient du taux plein sans justifier de la durée d'assurance requise pour leur génération, ou aux personnes ayant atteint l'âge du taux plein (67 ans) sans pour autant disposer de cette durée d'assurance, parmi lesquelles de nombreuses femmes ayant eu des carrières « hachées », d'accéder aux dispositifs de revalorisation des retraites agricoles mis en place dans le cadre de la RCO. Cette mesure d'assouplissement des conditions d'ouverture du droit s'applique également, pour les personnes dont la pension de retraite a pris effet à compter de 1997, au complément différentiel de points gratuits de RCO (CD de RCO), qui a été mis en place pour les personnes justifiant d'au moins 17,5 années accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre exclusif ou principal et qui permet, depuis la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, de porter le minimum brut de pension de retraite de base et complémentaire de 75 % à 85 % du SMIC net pour une carrière complète en qualité de chef. Ces revalorisations successives, financées par la solidarité nationale, sont une reconnaissance du travail accompli par plusieurs générations d'agricultrices et d'agriculteurs qui ont contribué à bâtir l'agriculture française. Par ailleurs, concernant les personnes qui ont cotisé à plusieurs régimes de retraite, il convient de préciser que, de manière à assurer une équité entre assurés monopensionnés et polypensionnés, les majorations de pensions sont soumises à une condition de subsidiarité (avoir liquidé l'ensemble de ses droits à pensions de vieillesse) et à des plafonds de pensions tous régimes. Il en est ainsi notamment, depuis 2009 dans le régime de retraite de base des non-salariés agricoles pour la majoration de pension accordée au titre de la PMR, depuis 2012 dans le régime général et les régimes alignés pour la majoration de pension accordée au titre du minimum contributif ou du minimum contributif majoré et, depuis la loi du 3 juillet 2020 précitée, dans le régime de RCO des non-salariés agricoles pour le CD de RCO. Ce sont donc, non pas les droits cotisés acquis dans les différents régimes, mais les montants potentiels des majorations de pensions, prévues par ces dispositifs de revalorisation, qui peuvent être écrêtés en fonction des plafonds de pensions tous régimes auxquels ces majorations sont soumises. Enfin, la réforme du mode de calcul des cotisations sociales des non-salariés agricoles, mise en oeuvre à compter de 1990 de façon progressive, a eu pour objet de substituer au revenu cadastral, qui servait jusque-là de base à l'assiette sociale des exploitants agricoles, une assiette constituée des revenus professionnels permettant d'apprécier de façon équitable les termes de l'effort qui devait être demandé à chacun d'eux. Parallèlement, les droits à retraite des personnes non-salariées des professions agricoles ont été améliorés.

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