Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE-K) publiée le 26/10/2023

Question posée en séance publique le 25/10/2023

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Éric Bocquet. Mille milliards de dollars ! Ce n'est pas une exclamation du capitaine Haddock (Mme Nathalie Goulet applaudit.) : cette somme vertigineuse, 950 milliards d'euros, équivaut aux PIB cumulés du Danemark et de la Belgique, ou encore à trois fois les recettes du budget de notre pays. (M. Didier Marie approuve.)

Cette somme, surtout, correspond aux profits que les grandes entreprises de la planète ont transférés vers les paradis fiscaux sur la seule année 2022, selon le bilan établi par l'Observatoire européen de la fiscalité rendu public lundi matin. Nous apprenons par ailleurs, dans ce rapport, que le taux effectif d'imposition des milliardaires du monde est compris entre 0 % et 0,5 %.

À force de baisser constamment l'impôt sur les sociétés et sur les grands patrimoines, les gouvernements, dont le vôtre, mesdames, messieurs les ministres, rognent eux-mêmes leurs propres recettes.

L'argument libéral - s'il y a évasion fiscale, c'est parce que les impôts sont trop élevés - ne résiste pas à l'examen : malgré la baisse constante des prélèvements sur les entreprises, la fuite des profits ne cesse d'augmenter. Pis encore, elle a lieu au coeur de l'Union européenne, dans des pays comme l'Irlande ou les Pays-Bas.

N'est-il pas temps pour le Gouvernement de mettre un terme décisif à cette concurrence fiscale dévastatrice et d'ouvrir enfin le chantier de l'harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. - Mme Nathalie Goulet et M. André Guiol applaudissent également.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 26/10/2023

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2023

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Bocquet, vous m'interrogez sur l'action du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude. Je vais donc porter à votre connaissance les éléments transmis par le ministre délégué chargé des comptes publics, M. Thomas Cazenave, qui est retenu en ce moment même à l'Assemblée nationale et vous prie de l'en excuser.

Le Gouvernement a présenté au printemps dernier, sur un sujet que vous connaissez bien, monsieur le sénateur Bocquet, un plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Vous l'avez dit avec force : lutter contre la fraude, c'est d'abord, évidemment, s'assurer que chacun s'acquitte de sa contribution, mais c'est aussi un enjeu de cohésion sociale et un enjeu de finances publiques.

Ce plan prévoit que 1 500 emplois supplémentaires soient consacrés directement à la lutte contre la fraude fiscale au sein même de la direction générale des finances publiques d'ici à 2027. Mais ce n'est pas tout. Vous le savez, un nouvel arsenal juridique est également prévu, c'est-à-dire une vingtaine de dispositifs supplémentaires qui seront soumis à votre examen - je citerai, par exemple, le renforcement de la lutte contre les prix de transfert abusifs.

Nous avançons : les résultats du contrôle fiscal l'attestent. En 2022, ce sont près de 15 milliards d'euros d'impôts éludés qui ont été mis en recouvrement, un montant en hausse de plus de 25 % par rapport à 2018.

Mme Cécile Cukierman. La France est sauvée !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. S'en féliciter, oui ; s'en satisfaire, non.

Le Conseil d'évaluation des fraudes s'est réuni pour la première fois le 10 octobre dernier sous la présidence du ministre Cazenave. Il est composé d'une trentaine de membres, directeurs d'administration, experts internationaux, mais aussi parlementaires. À l'occasion de cette réunion, un programme de travail a été arrêté. L'objectif est de produire un rapport d'ici à l'été prochain.

M. Philippe Bas. Encore ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Les représentants parlementaires ont été désignés par les présidents des commissions des finances et des affaires sociales de chaque chambre.

Des propositions complémentaires sont envisagées, comme la création d'un cadastre financier mondial ou la conduite de travaux pour une imposition minimale des particuliers les plus fortunés à l'échelle internationale.

Dotés de ces nouveaux outils, nous serons en mesure d'atteindre un objectif que nous partageons : nous montrer intraitables contre les écornifleurs qui pratiquent la fraude fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Cécile Cukierman. Il y a de la marge !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Des paroles aux actes... Je crains, madame la ministre, que notre pays ne soit une partie du problème du fait des choix de votre majorité.

En faisant adopter dernièrement, à l'Assemblée nationale, un amendement dont l'objet est d'exonérer les fédérations sportives internationales d'impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afin de les attirer en France, votre majorité alimente cette course folle au moins-disant fiscal, si dommageable pour nos finances publiques et pour la capacité de notre société à relever les grands défis qui sont devant elle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. - Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

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