Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 05/10/2023

Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de la proposition de règlement relatif à l'utilisation durable des pesticides (SUR) sur les vignobles français.

Ce règlement, en cours de négociation, inquiète le monde viticole depuis plusieurs mois. Il vise à imposer des mesures contraignantes aux États pour réduire de 50 % l'usage et les risques liés aux produits phytosanitaires d'ici à 2030, et réduire de 50 % l'usage des produits les plus dangereux, en prévoyant notamment une interdiction absolue de traitement dans et à proximité de « zones sensibles » (zones tampons de 3 mètres que la rapporteure de la commission ENVI du Parlement européen souhaiterait étendre à 50 mètres !).

Pour les viticulteurs du vignoble champenois, les latitudes de l'AOC Champagne rendent les vignes très sensibles aux maladies cryptogamiques comme le mildiou et l'oïdium et ne permettent pas de se dispenser de traitements pour produire du raisin qualitatif en quantités. En outre, cette proposition de règlement intervient sans prise en compte du temps de transition nécessaire aux vignerons pour trouver des alternatives aux produits de biocontrôle dont on leur interdirait l'utilisation dans certains secteurs de l'appellation.

Cette approche extensive des « zones sensibles » interdisant tout traitement phytosanitaire revient ainsi à l'abandon pur et simple de ces parcelles. En effet, rappelons que plus de 1 500 hectares de l'appellation Champagne sont classés site Natura 2 000 et que l'on estime à 1 000 hectares les surfaces concernées par les zones de non-traitement (ZNT).

Compte tenu de ces éléments, elle lui demande quelles positions le Gouvernement français entend défendre dans le cadre des discussions au sein du Conseil de l'Union européenne sur cette proposition de règlement, notamment sur les dispositions relatives aux zones sensibles, afin de préserver les intérêts de nos viticulteurs et protéger notre souveraineté alimentaire

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 01/11/2023

Réponse apportée en séance publique le 31/10/2023

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 817, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Pascale Gruny. Depuis plusieurs mois, les viticulteurs français s'inquiètent des conséquences potentielles de la proposition de règlement européen relatif à l'utilisation durable des pesticides, dit règlement SUR.

Ce règlement, en cours de négociation, vise à imposer des mesures contraignantes aux États pour réduire de 50 % l'usage des produits phytosanitaires, en prévoyant notamment une interdiction absolue de traitement dans et à proximité de zones dites sensibles.

Concrètement, il s'agirait d'une bande d'interdiction de traitement sanitaire de 3 mètres, que la rapporteure de la commission de l'environnement du Parlement européen voudrait même étendre à 50 mètres !

Si une telle approche extensive des « zones sensibles » était retenue, cela reviendrait à abandonner purement et simplement les parcelles du vignoble champenois. Plus de 1 500 hectares de l'appellation Champagne sont déjà classés site Natura 2000, et on estime à 1 000 hectares les surfaces concernées par les zones de non-traitement !

Les latitudes de l'AOC Champagne rendent par ailleurs les vignes très sensibles aux maladies et ne permettent pas de se dispenser de traitements pour produire du raisin qualitatif en quantité. Il est indispensable de laisser aux vignerons un temps de transition nécessaire pour trouver des alternatives aux produits de biocontrôle, dont on leur interdirait l'utilisation dans certains secteurs de l'appellation.

Madame la ministre, quelles positions le Gouvernement entend-il défendre à Bruxelles sur ce dossier pour préserver les intérêts de nos viticulteurs et protéger notre souveraineté alimentaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gruny, il convient de le préciser, la négociation du texte SUR est encore en cours. Cette proposition de règlement est donc encore susceptible d'évoluer, tant au niveau du Conseil que du Parlement européen, puis en trilogue.

La France soutient la proposition de la Commission d'avoir un règlement sur l'utilisation durable des produits phytopharmaceutiques.

Placée au niveau européen, une telle initiative porte cette transition à la bonne échelle. Elle assure en effet une protection commune du consommateur européen et l'absence de distorsions entre les producteurs européens. Elle permet ainsi de négocier les mêmes conditions de production sur tout le territoire de l'Union européenne.

La France soutient le principe d'un tel texte, notamment au regard d'un objectif d'harmonisation. Toutefois, des évolutions restent nécessaires pour réussir à concilier de manière réaliste protection de la santé et de l'environnement, d'une part, et production agricole et souveraineté alimentaire, d'autre part.

L'étude d'impact complémentaire de la proposition de règlement SUR ne documente pas suffisamment les baisses de rendement et de production, ainsi que les impacts attendus, en fonction des options, pour la protection des zones sensibles.

Oui, la viticulture est essentielle au développement et à l'aménagement de nombre de nos territoires. Elle est créatrice de richesses et d'emplois. Ses écosystèmes et ses paysages sont très divers et abritent une biodiversité reconnue.

Le Gouvernement est conscient de l'enjeu que représente l'utilisation de certains produits dans les zones agricoles comprises dans ces zones sensibles.

Par conséquent, le déploiement du projet SUR doit impérativement être accompagné du développement massif d'alternatives : la mise à disposition de nos agriculteurs d'outils de substitution fiables permettant le maintien d'un état sanitaire performant au sein de l'Union européenne est un enjeu essentiel, sur lequel nous travaillons.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. En la matière, madame la ministre, nous avons l'habitude que les intérêts français, loin d'être préservés, passent à la trappe... Nos voisins et néanmoins concurrents européens font souvent beaucoup mieux que nous. Nous comptons donc vraiment sur de la fermeté de la part du Gouvernement !

Les produits phytosanitaires sont aussi un médicament pour les plantes, il faut le dire et le marteler. On en a besoin pour traiter les maladies. Tant que la recherche n'a pas avancé, prenons donc garde de ne pas empêcher nos viticulteurs de continuer de les utiliser.

On estime qu'une réduction de 50 % de l'usage des produits phytosanitaires se traduirait par une perte de rendement de 28 % pour la viticulture française. Or, dans le Bordelais, on arrache des vignes...

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