Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Indépendants) publiée le 19/10/2023

Mme Laure Darcos attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels sur la situation dans laquelle se trouve un certain nombre d'apprentis. Les entreprises recourent massivement à l'apprentissage pour former des jeunes et il importe de se réjouir du succès de cette formule particulièrement pertinente pour leur permettre d'acquérir des compétences professionnelles et de s'insérer rapidement dans la vie active. Toutefois, il est avéré que certains d'entre eux renoncent à suivre les enseignements dispensés en centre de formation d'apprentis (CFA) et accordent la priorité à la formation pratique chez l'employeur. La raison de cette renonciation est le plus souvent un manque de motivation ou un niveau scolaire insuffisant. Les jeunes quittent aussi l'alternance pour un contrat à durée indéterminée dans le but de pallier la pénurie de main d'oeuvre dans des secteurs d'activité déterminés ou pour obtenir une rémunération complète. Cette situation s'avère finalement pénalisante pour les jeunes concernés, qui perdent le bénéfice de leur formation et se retrouvent sans diplôme au terme de leur parcours en CFA. En outre, l'absence de diplôme leur interdit d'évoluer rapidement sur le plan professionnel. Dans ce contexte, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'elle entend prendre afin de permettre le maintien des élèves dans la formation et souhaite notamment savoir si elle envisage de réformer le dispositif de prévention du décrochage afin de le rendre plus opérationnel.

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Transmise au Ministère du travail, de la santé et des solidarités


Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 19/01/2024

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2024

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 854, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur une situation préoccupante dont j'ai été informée par plusieurs élus et responsables de centres de formation d'apprentis (CFA) de l'Essonne : certains jeunes en alternance renoncent à suivre leur formation théorique en CFA et se consacrent uniquement à l'acquisition des savoir-faire en entreprise.

Ce renoncement peut être lié à un manque de motivation pour la formation dans laquelle ils se sont engagés. Il peut également être la conséquence de difficultés particulières en matière d'acquisition des connaissances : le jeune estime ne pas avoir le niveau scolaire suffisant et baisse rapidement les bras.

En entreprise, en revanche, ces jeunes sont souvent appréciés pour leur motivation et la qualité de leur travail et peuvent être incités à quitter l'alternance pour conclure un CDI. Chacun est a priori gagnant dans cette relation : l'entreprise, d'une part, qui attire une main-d'oeuvre parfois excellente dans des secteurs d'activité faisant face à de sérieuses difficultés de recrutement ; le jeune, d'autre part, qui perçoit une rémunération et ne reste pas inactif.

Pourtant, cette situation se révèle finalement pénalisante pour les jeunes concernés, qui perdent le bénéfice de leur formation et se retrouvent sans diplôme au terme de leur parcours en CFA. En outre, l'absence de diplôme leur interdira d'évoluer ultérieurement dans le domaine professionnel.

J'ajoute que le CFA ne dispose d'aucun moyen d'action propre permettant d'influer sur la décision des alternants de céder à une proposition d'embauche avant d'avoir finalisé leur cursus.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître vos propositions en faveur du renforcement des dispositifs d'accompagnement des élèves et de la prévention du décrochage.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Darcos, je ne suis pas surpris que vous interveniez sur ce sujet. Je sais en effet l'attention que vous portez aux politiques consacrées à la jeunesse et je connais en particulier votre soutien à l'apprentissage.

Personne ne pourra nier ici que, depuis quelques années, la politique de l'apprentissage a connu un succès spectaculaire du fait, à la fois, des mesures qui ont été prises et de l'adhésion des jeunes et de leurs familles. Le nombre d'apprentis a ainsi atteint le million, un horizon qui paraissait inatteignable voilà quelques années, lorsque l'on en comptait environ 300 000.

Pour autant, vous avez raison, il convient d'être extrêmement attentif aux signaux qui pourraient entraver cette dynamique, laquelle est de nature à renforcer la confiance en eux des jeunes et permet d'avoir un modèle plébiscité par les entreprises ainsi que des taux d'employabilité absolument exceptionnels.

Nous constatons, en effet, que certains jeunes qui se forment dans les métiers en tension rompent leur contrat de formation et trouvent immédiatement un contrat de travail, tant les besoins en personnels sont importants dans certains domaines ; ils peuvent aussi rechercher des niveaux de rémunération supérieurs à ceux de l'apprentissage.

À notre connaissance - je parle au nom du Gouvernement puisque ce sujet ne concerne pas directement le champ de mon ministère -, ce phénomène reste marginal. Néanmoins, à la suite notamment de l'interpellation que vous avez adressée, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a été officiellement missionnée pour objectiver le phénomène.

De quoi parlons-nous ? S'agit-il de la somme de bruits individuels ou d'un phénomène qui s'accentue dans le contexte d'accroissement des tensions dans un certain nombre de métiers ? Nous avons d'abord besoin de disposer de chiffres pour savoir quel type de « filet » prévoir.

Nous avons pris sans attendre nos responsabilités pour sécuriser les parcours en apprentissage des jeunes les plus fragiles avec le dispositif prépa-apprentissage, qui vise à souligner et à faire reconnaître l'importance du diplôme, lequel protège pour l'avenir. Il s'agit de permettre aux jeunes peu ou pas qualifiés de renforcer leurs savoirs fondamentaux et de mieux appréhender les codes de l'entreprise, afin de préparer efficacement l'entrée en apprentissage et de sécuriser un contrat. C'est aussi un moyen de leur faire savoir exactement à quoi ils doivent s'attendre et de leur éviter de bifurquer.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Je souhaite aussi vous alerter sur les niveaux de financement nécessaires à chaque CFA. Le Gouvernement a reconnu que la méthode de détermination des niveaux de prise en charge (NPEC) devait être modifiée. Cet objectif fera a priori l'objet de travaux auxquels sera conviée notamment la Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis (Fnadir), qui veillera à ce que le mode de calcul des NPEC aboutisse à un juste prix pour chaque CFA.

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