Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 12/10/2023

M. Jean Hingray attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité sur les difficultés rencontrées par les élus locaux face aux conséquences du réchauffement climatique.
Le 21 aout 2023, l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publiait dans un communiqué que « les journées et les nuits estivales trop chaudes se multiplieraient considérablement dans le Grand Est » ajoutant que « des journées « anormalement chaudes » en été seraient de plus en plus nombreuses dans les Vosges ». Ces dernières années ont été marquées par un réchauffement climatique devenu incontestable. Les périodes de forte chaleur sont devenues courantes, les périodes de canicules et les « dômes de chaleur » se multipliant à des rythmes effrénés. Les effets dits traditionnels de la canicule sont désormais parfaitement connus : maladie chronique, dénutrition, infections survenant au moment de la vague de chaleur, troubles mentaux, désorientation.
Certains effets sont moins connus du grand public mais ont des conséquences tout autant dramatiques. Notamment, selon une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Northwestern : « l'augmentation de la température des sols, liée au changement climatique, pourrait exercer un impact sur les infrastructures ». En France, des cellules de crise ont été constituées au sein de la SCNF et de la RATP pour permettre d'anticiper et de résoudre les problèmes de caténaire et d'incendies au bord des voies, lesquels entrainent des coupures de circulation des trains.
Dans le département des Vosges, la conjugaison des fortes chaleurs et des passages de véhicules conduits par des agriculteurs a entrainé des dégradations importantes de chemins communaux. L'entretien de ces éléments de voiries représente des budgets conséquents pour les municipalités. Or ces dernières ne peuvent prétendre à une quelconque indemnisation émanant de leurs assureurs. En effet, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, qui permet pourtant l'indemnisation, même sans faute du conducteur, ne peut s'appliquer dans cette hypothèse, faute de survenance d'un « accident de la circulation ».
De surcroit, l'article R.141-3 du code de la voirie routière dispose que «le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ».
Ainsi, les assureurs font valoir que l'absence de prise d'un arrêté d'interdiction temporaire d'usage d'une voie communale par un maire constitue une faute de sa part, excluant de facto son droit à indemnisation.
Par conséquent, les maires soumis aux effets du dérèglement climatiques se retrouvent dans l'obligation de faire un choix entre la restriction d'accès de chemins stratégiques pour leurs administrés, pouvant générer d'évidentes tensions, et le risque de ne pas recevoir d'indemnisation pour les dégradations subies si aucun arrêté n'est pris.
Face à ces nouvelles difficultés, et rappelant les engagements du Gouvernement qui déclarait que « les maires et les élus locaux sont les premiers maillons de la chaine républicaine », il lui demande quelles actions elle envisage de mettre en oeuvre.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/04/2024

Du fait de la sinistralité croissante liée notamment à la recrudescence des aléas climatiques et l'apparition de risques nouveaux (cyber-risques par exemple), certains assureurs ont quitté le marché de l'assurance des collectivités dans un contexte d'offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontre aujourd'hui de plus en plus de difficultés à s'assurer. Cette raréfaction de l'offre assurantielle pour les acheteurs publics se traduit par une pression à la hausse des primes, voire par l'absence de réponse à certains appels d'offre. En outre, pour les contrats existants, certains assureurs font application des dispositions législatives du code des assurances pour résilier les contrats ou imposer des conditions tarifaires qui peuvent être difficilement soutenables. Les dispositions législatives du code des assurances – qui priment sur les normes de nature réglementaire du code de la commande publique – autorisent en effet les assureurs à résilier de façon anticipée et unilatérale leurs contrats en cas d'aggravation du risque au titre de l'article L.113-4 du code des assurances. Face à ces difficultés assurantielles, l'évaluation du risque et de la valeur assurée avec le plus haut degré de précision possible est, pour les collectivités, une conditionindispensablepour faciliter le dialogue avec les assureurs et accroître leurs chances d'obtenir des réponses aux appels d'offres. Par ailleurs, plutôt que de chercher une couverture totale du risque, une évaluation préalable détaillée permet d'accepter des franchises et primes en adéquation avec les réalités économiques de la collectivité et d'envisager l'auto-assurance dans certains cas. La mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est en outre fondamentale pour réduire le coût de l'assurance. Il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28% du coût des sinistres. A ce titre, il existe des dispositifs permettant d'accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L'Etat a ainsi porté à 225 M€, dans la loi de finances pour 2024, le budget pour 2024 alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier »), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d'investissement afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Face aux difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats d'assurance et en particulier la crainte de la résiliation unilatérale par l'assureur, les collectivités doivent s'assurer de délimiter le plus précisément possible la notion d'« aggravation du risque » dans le contrat afin que l'assureur soit limité dans son droit à résiliation unilatérale. Elles peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix. En vue de se prémunir d'une résiliation unilatérale, les collectivités peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix. Dans le but d'éviter une éventuelle augmentation excessive du montant des primes en cours d'exécution du contrat, les collectivités peuvent prévoir une clause permettant de réduire les risques à garantir en cas de hausse anormale de la sinistralité ou bien encore une clause de sauvegarde permettant de résilier le contrat sans indemnité si l'augmentation de la prime dépasse un certain montant ou pourcentage. En outre, le Gouvernement a lancé à l'automne une mission pilotée par Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dagès, ancien assureur, afin de définir des solutions de long terme pour faciliter l'assurance des collectivités territoriales. Cette mission devra rendre son rapport avant l'été 2024. Sans préjuger des conclusions de cette mission, un certain nombre de pistes peuvent en effet être d'ores-et-déjà dessinées afin d'améliorer l'assurabilité des collectivités : - une meilleure prévention, notamment s'agissant des risques climatiques. On estime ainsi que la fréquence des sinistres en matière d'inondations baisse de 40 % pour les communes dotées d'un plan de prévention des risques d'inondation. Une réflexion sur l'articulation entre les initiatives publiques et les actions des assureurs sera également indispensable ; - une meilleure connaissance de la valeur assurée des biens des collectivités permettant d'améliorer l'appréhension et l'évaluation du risque auquel elles s'exposent ; - une réflexion autour du code de la commande publique, afin de rendre le recours à des services d'assurance plus souple qu'actuellement.

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