Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 12/10/2023

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur la mise en oeuvre des plans de protection des risques technologiques.
Vingt ans après l'adoption de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, l'association des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs dresse un bilan contrasté de la mise en oeuvre des plans de protection des risques technologiques (PPRT).
Globalement, les collectivités locales estiment que l'État s'est désengagé dans la phase de mise en oeuvre qui a suivi l'élaboration des PPRT, laissant la charge financière et le pilotage de leur application aux collectivités. Elles ont manqué de soutien financier, technique et juridique, ne permettant ni la mise en oeuvre suffisante des mesures prescrites, ni l'association et l'information nécessaires des populations concernées, ni la transition des quartiers frappés par les mesures foncières...
Le bilan relève d'importants retards dans la protection des populations concernées par les PPRT. 75 % des logements privés n'auraient pas fait l'objet de travaux de mise en sécurité, avec pour conséquences l'exposition de 30 000 personnes aux risques industriels dans leurs habitations.
Cette situation est le résultat de dispositifs complexes assortis de soutiens de l'État insuffisants, et notamment des aides non revalorisées depuis 20 ans, qui laissent un reste à charge important pour les habitants.
Les collectivités locales indiquent avoir notamment manqué d'appui dans la mise en oeuvre des mesures foncières (expropriation, délaissement) alors que celles-ci font l'objet d'une mauvaise appréciation par les populations concernées et ont des conséquences particulièrement lourdes.
Elles regrettent que les déplacements des équipements publics les plus exposés aient été prescrits sans évoquer au préalable les conditions financières et foncières de leur reconstruction. Elles ont dû ainsi souvent assurer à leur charge leur relocalisation.
Les entreprises à proximité des sites dangereux ont également manqué d'accompagnement avec pour conséquence l'absence de mise en oeuvre de 60 % des mesures foncières impactant des entreprises. Certaines entreprises ont dû mettre fin à leurs activités en l'absence d'aide à la relocalisation. Les mesures alternatives aux dispositions foncières ouvertes en 2015 seraient trop complexes et coûteuses à mettre en oeuvre.
Ces difficultés avaient déjà été pointées par le rapport intitulé « Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir » publié le 2 juin 2020, dont l'auteur de la question a présidé la commission d'enquête à l'origine de celui-ci.
Aussi, il souhaiterait connaître les enseignements qu'il tire de ce bilan et des différentes alertes sur le sujet, et les mesures qu'il compte prendre en conséquence.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 11/01/2024

Le Gouvernement tient avant tout à réaffirmer l'importance et son attachement à la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), qui représentent l'un des principaux outils assurant la protection des populations exposées au risque industriel sur le territoire national. Si le bilan chiffré de la mise en oeuvre des PPRT de l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (AMARIS) est partagé par le Gouvernement, tel n'est pas le cas du reste de l'analyse proposée dans son bilan par l'association, qui privilégie un bilan à charge contre l'action de l'Etat dans un domaine partagé avec les collectivités qui ont un rôle clé dans la mise en oeuvre des PPRT. En premier lieu, il doit être rappelé que les collectivités territoriales, qui perçoivent les taxes professionnelles de ces activités à risques, disposent d'un financement des mesures et de l'accompagnement de leur mise en oeuvre dna sun dispositif établi dès la création du dispositif. Aussi, une insuffisance d'actions locales peut porter atteinte à la bonne mise en oeuvre des PPRT et de tels situations ont effectivement été constatés sur le terrain. Contrairement aux allégations formulées par l'association, l'État s'est fortement impliqué sur l'ensemble du territoire, pour l'élaboration des PPRT en premier lieu, mais également pour accompagner les collectivités dans la mise en oeuvre des PPRT. Cet accompagnement s'est notamment traduit par la mise en place de programmes d'accompagnement, de marchés à bon de commande et de nombreuses réunions de travail. S'il est avéré qu'au 1er novembre 2023 seulement 26 % des logements privés soumis à prescriptions avaient réalisé leurs travaux de mise en sécurité, il convient de rappeler que ces derniers font l'objet d'une obligation qui incombe aux particuliers et que leur bonne réalisation dépend de la volonté de ce dernier de s'y conformer. L'État engage chaque année des moyens conséquents en finançant, outre les différents programmes d'accompagnement, les travaux à hauteur de 40 % de leur montant par crédit d'impôt. De plus 25 % du montant de ces travaux sont financés par les collectivités auxquels s'ajoutent 25 % financés par l'industriel de sorte que le reste à charge n'est que de 10 % du coût des travaux pour le particulier. Par ailleurs, une nouvelle prolongation de trois ans des délais pour la réalisation des travaux et du crédit d'impôt est inscrite au PLF 2024 en cours d'examen au parlement. Concernant la mise en oeuvre des mesures foncières impactant les logements au 1er novembre 2023, 83 % des expropriations prescrites ont été réalisées et 59 % des délaissements. En ce qui concerne les activités économiques, 49% des expropriations prescrites ont été réalisées et 36% des délaissements à la même date. La bonne mise en oeuvre des expropriations nécessite l'initiative des collectivités par la demande de déclaration d'utilité publique, alors que le délaissement est laissé à la libre appréciation des propriétaires ou entreprises concernées. Le seul indicateur relatif au délaissement ne peut donc être utilisé pour apprécier la bonne mise en oeuvre des PPRT, contrairement à l'expropriation. Des mesures alternatives aux mesures foncières peuvent également être mises en oeuvre, en faisant l'objet de conventions tripartites de financement entre l'État, les collectivités et l'exploitant à l'origine du risque, et dont la complexité demeure moindre en regard de la mise en oeuvre d'un déménagement de l'activité. Enfin, un travail considérable mené par les DREAL concernant la réduction du risque à la source, imposée aux exploitants dans le cadre de la mise en place de cette démarche. Un volume important d'investissements en a découlé, mis en oeuvre par les exploitants à hauteur de 200 à 300 Meuros/an, qui ont permis de réduire de manière significative les risques à la source des établissements (réduction globale des zones d'effet de plus de 250 km2) et de ce fait, les zones soumises à mesures foncières. Ainsi, 90 % des PPRT ont fait l'objet d'une réduction du risque à la source. A titre d'illustration, peut être cité le démantèlement de deux cuves de GPL présentes sur l'établissement Lubrizol de Rouen, prescrit par arrêté préfectoral du 25 novembre 2010. Ces cuves de GPL auraient été situées au centre de l'incendie de 2019, si le PPRT n'avait pas été mis en oeuvre. En outre, un cumul de 364 Meuros ont été co-financés par les exploitants, les collectivités et l'Etat dans le cadre de mesures supplémentaires. Ces mesures, dont le financement est partagé, permettent de mettre en oeuvre des investissements au-delà des montants économiquement acceptables pour le seul exploitant, dans un objectif de réduction du risque et d'éviter des mesures foncières, comme notamment la mise sous-talus de stockage de gaz ou le déménagement d'activités à risques.

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