Question de Mme DUMONT Françoise (Var - Les Républicains) publiée le 09/11/2023

Question posée en séance publique le 08/11/2023

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Dumont. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations amusées.)

M. Rachid Temal. Il est occupé !

Mme Françoise Dumont. Le 27 octobre dernier, les journalistes de RMC ont dévoilé des éléments du rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'inspection générale de la justice (IGJ) sur la gestion des stocks de procédures, présenté au Gouvernement en juin 2023.

Ce rapport, que j'ai demandé, à plusieurs reprises, à pouvoir consulter, tant à vos services, monsieur le ministre de l'intérieur, qu'à ceux du garde des sceaux, n'a pas été rendu public. Pourtant, des journalistes ont pu s'en procurer un exemplaire...

Dans ce document, il serait indiqué que, l'année dernière, les commissariats avaient à leur charge un stock ancien de 2,7 millions de plaintes ; un tiers d'entre elles seraient en stock depuis plus de deux ans. Il faudrait y ajouter 3,5 millions de nouvelles plaintes enregistrées dans le courant de l'année.

Il y serait aussi indiqué que, en moyenne, un policier doit traiter 180 dossiers par an. Pour les enquêteurs les plus spécialisés, on parle de 800 dossiers par an.

Le rapport préciserait que « des dossiers portant sur des faits graves dorment dans certains services sans avoir fait l'objet d'investigations alors même que les auteurs présumés ont été identifiés ». Et de conclure que, en l'absence de mesures correctrices et à délinquance équivalente, le stock de procédures pourrait continuer à augmenter d'ici à 2030 et passer à 3,5 millions de plaintes en attente.

Dans un État de droit, il n'est pas possible de laisser des coupables dehors, en toute impunité. Dans un État de droit, il n'est pas possible de ne pas répondre au devoir de justice vis-à-vis des victimes.

Aussi, monsieur le ministre de l'intérieur, pourriez-vous nous préciser si cette situation est liée à un manque d'effectifs ?

Quelles sont, en outre, les dix-sept recommandations de ce rapport ? Le Gouvernement entend-il y donner suite et, si oui, quand ?

Enfin et surtout, pouvez-vous donner l'assurance, devant la représentation nationale, que l'ensemble des dossiers seront bien traités avant la fin des délais de prescription des éventuels actes, passibles de sanctions pénales, visés par les quelque 2,7 millions de dossiers en souffrance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 09/11/2023

Réponse apportée en séance publique le 08/11/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, c'est précisément parce que M. le garde des sceaux et moi-même avons conscience des grandes difficultés rencontrées au sein des forces de l'ordre et, notamment, de la filière d'investigation que nous avons commandé aux inspections de nos deux ministères un état des lieux. Nous le rendrons naturellement public ; il sera communiqué en premier lieu à la représentation nationale.

Effectivement, un peu moins de trois millions de plaintes n'ont pas été, à ce jour, suivies d'effet. Je rappelle tout de même que, si l'on agrège police et gendarmerie, le nombre de plaintes déposées chaque année atteint cinq millions. Pour de multiples raisons, nos compatriotes déposent un nombre très élevé de plaintes. Cela peut faire suite à des actes extrêmement graves, comme les atteintes à l'intégrité physique de personnes, ou à des atteintes matérielles, qui sont certes tout aussi graves et méritent une réponse, mais ne présentent pas le même caractère d'urgence.

Le stock élevé de procédures s'explique d'abord, il est vrai, par un manque chronique de policiers et de gendarmes. Grâce à votre vote - celui, en tout cas, de la grande majorité d'entre vous -, nous avons pu renforcer les effectifs de 17 000 postes de policiers et de gendarmes.

M. Rachid Temal. Ah ! Quand même !

M. Gérald Darmanin, ministre. Il faut dire que nous avons dû réparer beaucoup d'erreurs.

M. Rachid Temal. Celles de Sarkozy ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Cependant, nous ne pouvons créer ex nihilo des officiers de police judiciaire (OPJ). Le ministre de l'intérieur ne peut pas affecter des OPJ. Ces derniers doivent d'abord être formés.

Ainsi, la dernière loi de programmation du ministère de l'intérieur permet de créer des OPJ dès l'école de police et ainsi, dès cette année, d'envoyer dans les commissariats de jeunes OPJ sans attendre qu'ils passent le concours.

Par ailleurs, nous travaillons évidemment à la simplification de la procédure pénale, que ce soit dans le cadre d'une enquête de flagrance ou dans celui d'une enquête préliminaire. Votre assemblée a ainsi récemment adopté, sur l'initiative du garde des sceaux, un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice où figure cette simplification.

Un autre chantier est la numérisation. Lorsque je suis arrivé, voilà trois ans, au ministère de l'intérieur, toutes les procédures se faisaient sur papier. Ce n'est plus le cas que pour 50 % des procédures aujourd'hui. À l'instar de l'impôt à la source, la police doit se moderniser.

Au travers du même projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, les moyens des parquets et des greffes seront renforcés, les policiers travaillant sous leur autorité.

Enfin, madame la sénatrice, il est absolument évident que nous traiterons l'ensemble des procédures. Il n'y aura pas de délai de prescription lorsque des plaintes ont été déposées.

J'ai par ailleurs donné comme consigne - et renforcé les effectifs en ce sens - que l'on traite en priorité les affaires d'atteintes aux personnes, en particulier celles dont les victimes sont des femmes ou des enfants. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)

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