Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 16/11/2023

Question posée en séance publique le 15/11/2023

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, le 8 novembre dernier, par la voix de sa présidente, Mme von der Leyen, la Commission européenne a recommandé officiellement l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine.

Cet avis favorable doit être approuvé à l'unanimité par les Vingt-Sept lors du prochain Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains, à Bruxelles.

Sans évoquer la question diplomatique que pose cette initiative, dans un contexte de recherche de paix et de désamorçage du conflit, je souhaite vous poser la question fondamentale de la préservation de nos intérêts agricoles.

Vous revenez d'Ukraine, où vous avez annoncé oeuvrer au « renforcement de la coopération agricole entre nos deux pays » et travailler avec cet État sur le chemin de son adhésion à l'Union européenne et invoqué la « solidarité » des agriculteurs dans le contexte de « l'ouverture du marché européen aux produits agricoles ukrainiens ».

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur vos intentions ?

Si la position favorable de la France ne fait désormais aucun doute, êtes-vous bien conscient du désarroi des agriculteurs français, pris en étau entre des normes européennes toujours plus exigeantes et complexes, une ouverture toujours plus grande à la concurrence, avec la multiplication des accords de libre-échange, et une envolée du coût des intrants et de l'énergie ?

Monsieur le ministre, quels intérêts défendez-vous ?

Votre dernière déclaration, largement relayée par vos soins sur les réseaux sociaux, sonne comme une volte-face pour de nombreux syndicats agricoles.

Nous ne pouvons prendre le risque de sacrifier nos intérêts. Comment allez-vous protéger l'agriculture française dans une telle perspective ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 16/11/2023

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question.

Il n'y a aucune volte-face. Au contraire, je suis venu en Ukraine réaffirmer plusieurs de nos positions.

À la vérité, beaucoup de ce qui se joue en Ukraine relève de l'avenir de l'Europe, de l'avenir de l'agriculture en Europe, mais également de l'avenir de l'agriculture française.

La première position que j'y ai réaffirmée, c'est le soutien indéfectible de la France et de l'Europe à l'agriculture et aux agriculteurs ukrainiens.

Les territoires de ce pays subissent les bombardements et la pollution. Je me suis rendu dans une chèvrerie qui n'était qu'à 500 mètres de la ligne de front. Voyez dans quelles conditions produisent ces agriculteurs ! Cela me paraît la moindre des choses que de dire que nous serons à leurs côtés, y compris dans la reconstruction, y compris dans la dépollution, pour que le potentiel agricole ukrainien puisse s'exprimer.

Pour autant, la solidarité n'empêche pas la lucidité sur les enjeux qui sont les nôtres.

En l'occurrence, l'Ukraine est l'une des grandes puissances agricoles mondiales. Dans la perspective des préconisations de la Commission européenne et des négociations qui pourraient s'ouvrir - attendons les décisions du Conseil du mois de décembre prochain -, nous devons être vigilants sur deux points.

Premièrement, il faut une convergence des modèles entre les vingt-sept pays membres de l'Union européenne et un accompagnement de nos amis agriculteurs ukrainiens. Il ne saurait en être autrement ; à défaut, les distorsions de concurrence seront trop importantes. C'est un élément important, comparable aux clauses miroir des accords de commerce.

Deuxièmement, il convient d'entrer dans cette logique en coopération avec les Ukrainiens.

En effet, nous avons besoin que l'Europe soit davantage encore une puissance agricole, une puissance qui garantisse sa souveraineté et sa sécurité alimentaires, y compris à ses frontières. À cet égard, je préfère travailler avec des alliés comme les Ukrainiens plutôt qu'avec d'autres, qui exerceraient sur nous une pression sur la sécurité alimentaire, comme le fait aujourd'hui M. Poutine à nos frontières extérieures.

Si nous parvenons à coopérer plutôt qu'à entrer en concurrence, si nous parvenons à faire converger les modèles, nous y gagnerons tous. Tel est l'enjeu que je suis venu réaffirmer, y compris en signalant à mes interlocuteurs les distorsions de concurrence pénalisantes qui existent aujourd'hui - je pense à la volaille, par exemple, mais aussi à d'autres domaines comme le sucre, production que votre région connaît bien, madame la sénatrice.

Il convient de tenir un discours de vérité et un discours de souveraineté collective. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Merci, monsieur le ministre, de votre réponse.

Toutefois, je veux rappeler que le poulet industriel ukrainien afflue sur le marché français, au détriment de notre filière d'excellence, depuis que l'Union européenne a suspendu les droits de douane par solidarité avec l'Ukraine.

Il est vraiment temps de défendre avec force l'agriculture française. Notre souveraineté alimentaire doit être une vraie priorité nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

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