Question de M. KERROUCHE Éric (Landes - SER) publiée le 09/11/2023

M. Éric Kerrouche interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD ).

Une fraction des emplois créés dans le cadre de cette expérimentation est financée par la contribution au développement de l'emploi (CDE). L'État abondait cette CDE à hauteur de 102 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) brut jusqu'à un décret du 31 juillet 2023.

Ce financement assuré par l'État était décisif pour permettre aux travailleurs ayant retrouvé le monde professionnel de bénéficier d'un revenu décent, tout en accompagnant les territoires désireux de s'impliquer dans l'expérimentation. Le département rajoutait quant à lui 15 % de cette somme pour financer, lui aussi, la CDE.

Cet équilibre avait été trouvé suite notamment à l'adoption de deux lois, en 2016 puis en 2020. Il a cependant volé en éclat du fait de la décision du Gouvernement de changer unilatéralement et en catimini les clefs de répartition de l'effort financier en faveur de l'expérimentation.

L'arrêté publié le 31 juillet 2023 prolonge en effet le taux de contribution de l'État à la CDE à hauteur de 102 % du SMIC jusqu'au 30 septembre 2023, mais il l'a fixé à 95 % pour la période allant du 1er octobre 2023 au 30 juin 2024. Cette nouvelle a été accueillie avec stupeur par les acteurs de l'expérimentation alors que cette dernière est en plein essor.

Cette incrédulité s'est encore accrue lorsque le montant de l'enveloppe allouée à l'expérimentation dans le projet de loi de finances 2024 a été communiqué. Ce montant est de 69 millions d'euros, il manque donc 20 millions d'euros au montant nécessaire pour la mise en oeuvre du droit à l'emploi dans les territoires.

Dans ce contexte, les acteurs de l'expérimentation soulignent que pratiquement aucune embauche supplémentaire n'est possible dans aucun des 58 territoires habilités. A fortiori, sans hausse du budget, la perspective d'habilitation de territoires supplémentaires est totalement irréaliste. Et ce, alors que l'engagement avait été pris très fermement par la ministre du travail de l'époque, actuelle Première ministre, de ne laisser aucun territoire qui serait prêt au bord du chemin, et alors que plusieurs dizaines de territoires se préparent pour expérimenter la mise en oeuvre du droit à l'emploi.

C'est d'autant plus paradoxal que l'expérimentation fonctionne, que plusieurs pays européens - Belgique, Allemagne, Italie, Autriche - lancent des projets inspirés du dispositif TZCLD français, et qu'un avis du comité européen des régions prend position en faveur de son extension. Interrogé par une sénatrice au cours des questions d'actualité au Gouvernement du 25 octobre 2023 (question n° 0591G (2023-2024)), le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a expliqué le désengagement de l'État par le fait que les départements finançant la CDE à hauteur de 15 % de la contribution de l'État, il fallait protéger ces mêmes départements de dépenses excessives en réduisant ladite contribution de l'État.

Indépendamment du caractère fallacieux de cet argument, il lui demande quelles sont les solutions qu'il compte mettre en place afin de faire tomber tout obstacle qu'il identifierait au développement voulu par la loi de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et quelles sont les mesures qu'il compte prendre afin de consolider un financement pérenne de ladite expérimentation et de son extension.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 30/11/2023

La loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a prolongé, pour une durée de cinq ans l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle est mise en place dans soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi du 29 février 2016. A ce jour, 58 territoires sont habilités, La possibilité d'augmenter le nombre de territoires habilités au-delà de soixante est ouverte, à titre dérogatoire, par décret en Conseil d'État. Cette expérimentation fait l'objet d'une évaluation conduite par un comité scientifique, composé de personnalités reconnues pour leurs compétences académiques et de représentants des services des études et des statistiques des personnes publiques intéressées. Ce comité scientifique, présidé par M. Yannick L'Horty, a été installé en juin 2023. Le rapport d'évaluation sera rendu en 2025. L'expérimentation est mise en place avec le concours financier de l'Etat et des départements concernés ainsi que des autres collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au Il de l'article 9 de la loi du 14 décembre 2020 et d'organismes publics et privés volontaires, susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches. L'expérimentation a bénéficié d'un soutien conséquent et continu de l'Etat : entre 2017 et 2022, le financement de l'Etat est passé de 14,9 M€ en 2017 à 32,8 M€ en 2022. Entre 2021 et 2023 l'augmentation des crédits votés a été de 57 % pour atteindre 44,94 M€, afin de financer en prévisionnel à fin 2023, un volume de 2 276 salariés en Equivalents Temps Plein (hors financements des Conseils Départementaux et autres partenaires). L'Etat apporte son concours financier à plusieurs titres. Il finance tout d'abord une dotation d'amorçage pour chaque ETP nouvellement créé, à hauteur d'un taux plafond de 30% du SMIC horaire, mais aussi un Complément Temporaire d'Equilibre (CTE) en cas de déséquilibre financier des structures et enfin une Contribution au Développement de l'Emploi (CDE). Un décret fixe la Contribution au Développement de l'Emploi (CDE) dans une fourchette de 53 à 102 % du SMIC par emploi. Elle était à 95 % avant la crise Covid, par l'arrêté du 26 décembre 2018. Elle a été montée à 102 % durant la crise Covid, soit le maximum, par un arrêté du 12 juillet 2021. Par un arrêté du 31 juillet 2023 elle a de nouveau été fixée à 95 % à compter du 1er octobre 2023, soit le même niveau qu'en 2019. Le taux reste dans le haut de la fourchette et n'induit pas une baisse du budget de l'expérimentation. En effet pour 2024, le budget dédié à cette expérimentation est porté dans le projet de loi de finances à hauteur de 68,6 ME, représentant une augmentation de 53% des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2023, ce qui constitue la plus forte croissance du budget du ministère du travail.

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