Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 21/12/2023

Question posée en séance publique le 20/12/2023

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.

Récemment, la presse a fait état de l'enrichissement spectaculaire de l'ancien ministre du numérique Cédric O, entré au capital de la société Mistral AI, dans laquelle les intérêts des sociétés et fonds d'investissement américains sont largement représentés.

Cette opération financière choque au sein même du comité intergouvernemental sur l'intelligence artificielle (IA) générative que vous avez lancé, madame la Première ministre. On sait que Cédric O et Mistral AI ont pesé, au sein de ce conseil, sur la position du Gouvernement français quant au projet de régulation de l'intelligence artificielle de la Commission européenne, qu'ils ont tenté d'affaiblir - une position bien entendu en phase avec celle des géants américains qui ont trouvé là leur meilleur avocat !

Comment est-il possible qu'un ancien ministre, parti pantoufler dans une entreprise qui défend forcément ses intérêts propres et ceux de ses actionnaires, puisse siéger dans ce comité, censé éclairer l'action publique dans ce domaine stratégique pour la France ?

Avec d'autres, il y remet en cause le rôle plus que jamais essentiel de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui, protégeant nos libertés publiques, briderait prétendument l'innovation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique publiée le 21/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique. C'est la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui veille à l'absence de conflits d'intérêts des anciens membres du Gouvernement. Nous sommes tous ici soumis aux obligations déclaratives de la HATVP, et nous connaissons tous sa rigueur et sa diligence.

Madame Morin-Desailly, je ne voudrais pas que l'on puisse penser que la position de la France sur l'intelligence artificielle ait été dictée par des intérêts privés (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) d'une quelconque manière, qu'il s'agisse de ceux des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou d'autres acteurs. Nous avons écouté toutes les parties prenantes, comme il est d'usage, avec l'intérêt général pour seul guide.

Par ailleurs, sous l'impulsion du Président de la République, c'est la France qui porte avec le plus d'ardeur le principe de souveraineté numérique en Europe, auquel vous êtes si attachée. C'est la France qui a convaincu ses partenaires européens que nous ne sommes pas condamnés à être des vassaux des Gafam. C'est encore la France qui a soutenu pour le cloud, les réseaux sociaux et les places de marché l'adoption des règles les plus exigeantes de l'histoire récente pour mettre fin à la suprématie des géants du numérique.

Avec Bruno le Maire,...

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Où est-il ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. ... nous avons adopté, sur l'intelligence artificielle, une position radicalement favorable à l'innovation européenne.

Parce que nous avons pris un train de retard sur les Gafam, il nous faut désormais avoir un train d'avance sur l'intelligence artificielle afin de nous affranchir de leur emprise.

Parce que nous savons que la domination technologique précède la domination économique et politique, nous ne pouvons passer à côté de cette révolution numérique.

La meilleure protection que nous puissions offrir à nos concitoyens, à nos auteurs, à nos artistes et à nos journalistes est de concevoir en Europe des intelligences artificielles forgées au feu de nos grands principes.

Aussi, sous l'autorité de la Première ministre, nous poursuivrons les discussions dans cet esprit en veillant attentivement à préserver les capacités d'innovation européennes. Nous n'avons que faire des intérêts particuliers : seul nous importe l'intérêt national ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous défendez l'indéfendable, monsieur le ministre.

Il y a bien confusion des genres, voire conflit d'intérêts. M. O n'a pas déclaré ses investissements au sein de Mistral AI auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui l'avait déjà mis en garde ne pas se faire embaucher par Atos ou toute autre société technologique.

Les faits reprochés sont suffisamment sérieux pour que M. O ait été épinglé par le commissaire européen Thierry Breton, qui a déclaré que la start-up Mistral AI défendait tout sauf l'intérêt général !

Allez-vous donc assainir la situation ou laisser M. O continuer, comme il le faisait déjà lorsqu'il était ministre, à promouvoir les intérêts des acteurs extraeuropéens avant ceux de nos propres entreprises ?

Le meilleur exemple en est l'apologie de Microsoft, choisi pour la gestion de la plateforme de nos données de santé. Alors que l'Artificial Intelligence Act est en train d'être finalisé, prendrez-vous vos distances, monsieur le ministre, avec M. O ? Vous porterez-vous garant jusqu'au bout du juste équilibre entre soutien à l'innovation et respect de nos fondamentaux ?

Le secteur de la création et des médias notamment, très inquiet comme nous tous sur ces travées, compte sur vous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER, GEST et CRCE-K.)

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