Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 21/12/2023

M. Guislain Cambier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées concernant le plan de transformation des établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

Les dirigeants des ESAT souhaitent défendre un accompagnement par le travail adapté qui bénéficie chaque jour à plus de 350 adultes en situation de handicap ainsi qu'à 120 000 de leurs salariés sur l'ensemble du territoire national.

Un plan de transformation des ESAT est actuellement à l'oeuvre au niveau national. En juillet dernier, plusieurs ministres (travail, comptes publics et personnes handicapées) ont confié une mission à l'inspection générale des finances (IGF) et à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), avec pour objet de favoriser la convergence des droits des travailleurs handicapés en établissements et services d'aide par le travail vers un statut de quasi-salarié.

L'avancée des droits des personnes en situation de handicap ne saurait souffrir la moindre contestation de la part des dirigeants des établissements concernés. Néanmoins, la réforme en cours comporte des orientations aux enjeux économiques tels qu'elles pourraient remettre en question la viabilité de ces structures. Trois volets composent cette menace, avec la mise en place d'un régime de complémentarité santé obligatoire pour tous les travailleurs à compter du 1er juillet 2024, le remboursement des abonnements de transport collectif et une augmentation de la part financée par l'ESAT quant à la rémunération des travailleurs qui serait fixée à 15 % du SMIC (fixée actuellement à moins de 7% au sein de leur ESAT).

Ces trois volets représentent à eux-seuls un réel surcoût que les responsables des ESAT ont évalué à 1,1 million d'euros par an alors que leur activité commerciale (c'est-à-dire celle accomplie par les travailleurs d'ESAT dans les différents métiers qu'ils exercent) dégage un résultat à peine positif.

Les conclusions du rapport conjoint entre l'IGF et l'IGAS sont attendues pour le mois de janvier 2024, mais d'ici cette échéance, les différents échelons de leur mouvement se mobilisent pour défendre un modèle médico-social mettant véritablement la dimension économique au service de l'épanouissement des personnes en situation de handicap.

Il lui demande des éclaircissements sur les conséquences d'une entrée en vigueur des différents volets évoqués de cette réforme initiée, sans aucune compensation de la part de l'État car les dirigeants concernés ne peuvent se résoudre à faire des choix qu'ils ont toujours écartés tels qu'une sélection des travailleurs à l'admission à partir du seul critère de leur productivité, un risque d'abandon des personnes les plus éloignées du travail adapté, une perte de la vocation médico-sociale originelle attribuée aux ESAT.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 25/04/2024

Le plan de transformation des Etablissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT) impulsé en 2021 par les pouvoirs publics en concertation avec les représentants du secteur vise à créer les conditions d'une dynamique de parcours au bénéfice des personnes en situation de handicap orientées et accueillies en ESAT et à renforcer les droits sociaux de ces travailleurs. La mise en oeuvre du plan a donné lieu depuis 2022 à l'adoption de plusieurs dispositions législatives et réglementaires, à savoir : - la loi 3DS du 21 février 2022 et les décrets des 13 et 22 décembre 2022 modifiant le Code de l'action sociale et des familles (CASF) ainsi que le code du travail et consistant notamment à permettre aux travailleurs d'exercer simultanément une activité à temps partiel en milieu protégé et une activité salariée à temps partiel, à leur ouvrir de nouveaux droits individuels et collectifs et à faire bénéficier les travailleurs sortant d'ESAT d'un parcours renforcé en emploi ; - l'article 1er de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui ouvre la possibilité aux ESAT de faire bénéficier leurs travailleurs d'une prime de partage de la valeur avec une exonération associée ; - l'article 14 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi dont l'objectif est de permettre aux 120 000 travailleurs handicapés accompagnés par environ 1 400 ESAT de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés tout en restant usagers d'une structure médico-sociale et titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail et qui leur offre en réalité une protection renforcée puisque l'ESAT ne peut exercer de pouvoir disciplinaire à leur encontre ou les licencier. Le renvoi aux articles du code du travail permettra d'assurer une évolution parallèle des droits, sans qu'il soit besoin de repasser par un décret. Sur un strict plan juridique, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de l'application de la convention de l'Organisation des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et contribuent également à la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne ainsi qu'à la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les personnes handicapées accueillies en ESAT. Les nouveaux droits reconnus aux travailleurs d'ESAT par l'article 14 précité de la loi du 18 décembre 2023 couvrent un large champ : - l'inscription de « droits collectifs fondamentaux » dans le CASF : le droit syndical et le droit de grève, le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ; - le renforcement de l'association aux travaux du comité social et économique de l'ESAT de représentants de l'instance mixte usagers-salariés spécifique aux ESAT ; - la prise en charge des frais de transports domicile-travail ; - l'extension du bénéfice des titres-restaurant et des chèques-vacances ; - le bénéfice d'une complémentaire santé. Ces nouveaux droits sont en vigueur depuis le 1er janvier 2024, à l'exception de la prise en charge des frais de transport domicile-travail, du bénéfice des titres-restaurant et des chèques vacances, ainsi que de la complémentaire santé, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2024. Par ailleurs, les modalités de mise en oeuvre de certains des droits prévus par l'article 14 devront être précisées par décret, en particulier pour ce qui concerne la participation de représentants de l'instance spécifique aux réunions du comité social et économique de l'établissement ou du service et la complémentaire santé. Le Gouvernement porte une attention particulière à ce que ces nouveaux droits ne mettent pas en difficulté les ESAT et leurs missions d'accompagnement. Il en évaluera à ce titre les impacts économiques dans la suite de la mission menée par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales sur les ESAT. Il est essentiel que les ESAT continuent de contribuer à l'autonomie et à l'inclusion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés les plus éloignés de l'emploi, et de leur offrir des opportunités d'évolutions de parcours et de statut, via une employabilité et des compétences et qualifications accrues. Pour cela, ils doivent continuer à se transformer, dans la continuité des travaux engagés depuis plusieurs années. La modernisation de leur outil de production, les partenariats avec le milieu ordinaire, le développement d'activités pérennes, vont dans le sens à la fois d'un meilleur accompagnement des travailleurs et d'une plus grande adaptation des ESAT au tissu économique.

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