Question de M. TABAROT Philippe (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 14/12/2023

M. Philippe Tabarot attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation des infirmières libérales de la vallée de la Roya et de la Bevera dans le département des Alpes-Maritimes.

En effet, ces dernières sont confrontées à un noeud problématique de difficultés, symptôme plus large du malaise des infirmières en milieu rural

Depuis le 1er septembre 2023, les infirmiers libéraux exerçant dans les vallées de la Roya et de la Bévéra, dans l'arrière-pays niçois, ont cessé d'assurer les prises de sang de leurs patients. En effet, ils percevaient jusque-là 3 euros par prise de sang, par le biais d'accords financiers avec des laboratoires d'analyse azuréens. Or, l'État et la sécurité sociale ont mis un coup d'arrêt au système en place, ne reconnaissant plus le travail de nuit en zone de montagne à ces professionnels de santé. Leurs conditions de travail en milieu rural sont pourtant difficiles, entre le kilométrage effectué, associé à la hausse du prix du carburant, et l'usure rapide de leurs véhicules sur des routes dégradées. Les habitants de ces vallées sont dorénavant contraints de se rendre dans des laboratoires, les plus proches se situant sur le littoral, et les patients les plus fragiles qui en sont dans l'incapacité subissent des retards de diagnostics entraînant des complications pour leur état de santé.

À s'ajoute la non-revalorisation des indemnités kilométriques. Les infirmiers et infirmières libérales se déplacent constamment pour aller de visites en visites. Cela les conduits à parcourir un nombre considérable de kilomètres, avec des frais inhérents à ceux ci. Le montant des indemnités kilométriques résulte d'une convention signée entre les syndicats représentatifs de la profession et l'assurance maladie. Ce dispositif crée de profondes inégalités de traitements. Ainsi, pour une indemnité kilométrique, un médecin libéral touche 61 centimes par kilomètre en plaine et 91 centimes en montagne lorsqu'un infirmier libéral touche pour la même distance 35 centimes seulement pour la plaine et 50 centimes pour la montagne.

Enfin, à cela s'ajoute la non-prise en compte des indemnités kilométriques entre hameaux séparés de plusieurs kilomètres à l'intérieur d'une même ville. En effet, il ne serait pas permis aux infirmières de percevoir des indemnités kilométriques alors qu'elles parcourent plusieurs kilomètres entre différents hameaux de montagne, parce que ces derniers sont affiliés à la même commune.

Aussi, alors que l'accès aux soins doit demeurer une priorité dans notre pays et en relais des maires, il souhaite savoir s'il entend permettre le rétablissement des accords financiers entre ces infirmiers libéraux et les laboratoires d'analyse, entamer enfin la revalorisation des indemnités kilométriques et prendre en compte cette réalité du terrain vécue par les infirmiers et infirmières.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargé des personnes handicapées publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 988, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation des infirmières libérales dans les vallées de la Roya, de la Bévéra et de la Tinée-Vésubie de mon département des Alpes-Maritimes. Elles sont confrontées à un noeud de difficultés, symptôme du malaise des infirmières en milieu rural sur l'ensemble du territoire national.

Depuis le 1er septembre 2023, les infirmières de ces vallées ont cessé d'assurer les prises de sang de leurs patients. En effet, elles percevaient jusque-là 3 euros par prise de sang par le biais d'accords financiers avec des laboratoires d'analyse. Or l'État et la sécurité sociale ont mis un coup d'arrêt au système en place.

Leurs conditions de travail en milieu rural sont pourtant difficiles, eu égard au nombre de kilomètres effectués et à la hausse du prix du carburant.

Les habitants sont dorénavant contraints de se rendre dans des laboratoires plus proches du littoral et les patients qui sont dans l'incapacité de se déplacer subissent des retards.

À cela s'ajoute le nombre considérable de kilomètres parcourus en voiture par les infirmières pour les visites. Or le montant des indemnités kilométriques est profondément inégalitaire en montagne, si on le compare à celui d'autres professions, notamment les médecins.

Enfin, il faut considérer la non-prise en compte des indemnités kilométriques entre hameaux séparés à l'intérieur d'une même commune.

Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour répondre à cette situation intenable.

En particulier, quand allez-vous enfin revaloriser les indemnités kilométriques ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Tabarot, vous l'avez dit, les infirmières et les infirmiers jouent un rôle essentiel dans notre système de soins, notamment auprès des populations les plus fragiles et en matière de prise en charge à domicile. Aussi, les indemnités relatives à leurs déplacements représentent en effet un enjeu majeur.

C'est pourquoi le ministère de la santé et de la prévention, en lien avec l'assurance maladie, a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter leurs modalités de facturation aux spécificités locales, et notamment aux différences d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, qui prévoit la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques.

Par ailleurs, les négociations engagées en mai dernier entre l'assurance maladie et les infirmiers ont abouti, le 16 juin 2023, à la signature d'un accord qui renforce la prise en charge des patients à domicile, donc le rôle des infirmiers.

Ce texte acte des évolutions importantes : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement et généralisation, à partir d'octobre 2023 - c'est tout récent -, du déploiement du bilan de soins infirmiers pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit là de la dernière étape du déploiement de ce bilan, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile.

Concernant plus particulièrement les accords financiers entre les infirmiers libéraux et les laboratoires d'analyse, l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ARS Paca) et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes ont engagé un travail qui les a conduits, entre autres, à étudier la possibilité d'une adaptation des horaires de ramassage par coursier des échantillons ou encore d'une subvention institutionnelle pour prise en compte de la pénibilité et des contraintes spécifiques aux zones de montagne.

Le ministre ne manquera pas de vous informer des suites qui seront données à ce travail.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.

M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, je vous entends, mais ce n'est pas suffisant. Ces problèmes et ces différences sans fondement alimentent la précarité des infirmiers libéraux, dont l'activité est pourtant essentielle au bon fonctionnement de notre système de soins, et portent un coup à des patients qui souffrent déjà très fortement.

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