Question de M. RAPIN Jean-François (Pas-de-Calais - Les Républicains) publiée le 18/01/2024

Question posée en séance publique le 17/01/2024

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. À partir du 22 janvier et pour une durée d'un mois, des centaines de pêcheurs français seront empêchés d'exercer leur activité dans le golfe de Gascogne - 600 navires sont concernés.

Ce mois sans pêche, qui concerne les Français, mais non leurs collègues de l'Union européenne, a été proposé par le Gouvernement et durci par le Conseil d'État sous la pression des associations environnementales. Il s'agit de préserver les populations de petits cétacés des prises accidentelles.

Ce mois sans pêche, c'est un nouveau coup porté à toute une filière qui, depuis des années, tente de surmonter un à un les obstacles qui se dressent devant elle. Entre les conséquences du Brexit, notamment la mise en place d'un plan de sortie de flotte, l'envolée des prix du gazole, des quotas de plus en plus restrictifs et des importations en hausse constante, c'est bien la pêche française qui est désormais en voie de disparition.

Nos marins, leurs familles et, demain, toute la filière halieutique vont continuer de souffrir, malgré tous les efforts consentis depuis trente ans. Ils s'équipent progressivement pour pallier toutes les contraintes qu'on leur impose. L'incompréhension les gagne : ne veut-on pas valoriser le travail ? Ils sont empêchés de travailler !

Et, paradoxe naissant, en Bretagne, on réfléchit à importer par avion du poisson pêché à 8 000 kilomètres de nos côtes !

La plateforme d'indemnisation qui a été mise en place pour compenser le manque à gagner subi par les pêcheurs atténuera partiellement la douleur : elle ne concernera pas toute la filière ni ne guérira la maladie. Compenser n'est pas une perspective d'avenir.

Monsieur le Premier ministre, après l'industrie et l'agriculture, voilà encore, avec la pêche, un fleuron français - garant de notre autonomie - qui souffre. Il est grand temps de changer de cap ! Qu'avez-vous à dire aux pêcheurs et à leurs familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. - Mme Annick Girardin et M. Philippe Grosvalet applaudissent également.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 18/01/2024

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Rapin, l'émotion dont vous faites part est née d'une décision du Conseil d'État, en date du 22 décembre dernier. Vous êtes en train de commenter non pas une décision gouvernementale, mais au contraire la censure par le Conseil d'État d'une tentative du Gouvernement pour concilier la préservation de la biodiversité, d'un côté, face à un risque de disparition du dauphin et du marsouin commun et, de l'autre, la possibilité de poursuivre une activité de pêche qui fait partie intégrante de notre souveraineté.

Le compromis avait consisté à prendre un arrêté établissant des mesures de fermeture spatiotemporelles tout en prévoyant des dérogations pour certains équipements. L'impact desdits équipements a néanmoins donné lieu à une controverse scientifique, certains répulsifs sonores étant accusés d'attirer les dauphins près des bateaux équipés au lieu de les en éloigner, compte tenu de l'intelligence de l'espèce.

Les chiffres, monsieur le sénateur, sont préoccupants : plus de 1 000 échouages sont recensés chaque année et il y a consensus pour dire que les activités de pêche dans le golfe de Gascogne provoquent la mort de 5 000 à 10 000 cétacés par an. À ce niveau de mortalité, les risques sont réels et avérés pour la viabilité et tout simplement la survie d'une espèce (Mme Annick Girardin le conteste.) qui contribue à l'équilibre de cet écosystème.

Face à cette situation et compte tenu de la décision du 22 décembre, la question est de savoir comment accompagner la filière et comment, dans les semaines et les mois qui viennent, construire et trouver un équilibre : comment à la fois défendre la biodiversité et répondre à la préoccupation de ces hommes et de ces femmes dont je n'ignore pas que, pour eux, la pêche est non seulement un gagne-pain, mais une philosophie, une vocation, une façon de vivre ? C'est l'ambiance des ports qui est en jeu - je pense évidemment à tous ceux que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense à la Vendée et au golfe de Gascogne de manière générale. Ce sont des centaines de bateaux de plus de huit mètres qui sont concernés.

Nous nous battons en ce moment même et nous allons continuer de nous battre sur le volet des compensations, mais nous aurons très vite à nous retrouver avec les représentants des filières, car il est nécessaire, au-delà de ce mois de fermeture spatiotemporel, d'examiner cette question de façon plus posée et plus constructive, en vue du moyen terme. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, vous avez répondu techniquement à ma question ; je vous en remercie.

Néanmoins, au-delà de ce que vous avez exposé, reste à traiter l'enjeu des familles, sur tous les territoires littoraux. La question de la pêche se pose aujourd'hui dans le golfe de Gascogne, mais demain, Brexit oblige, elle sera de nouveau un sujet d'actualité prégnant sur la façade Manche Est-mer du Nord ainsi que sur les côtes de la Bretagne.

Monsieur le ministre, les enjeux liés à la mer n'ont-ils pas aujourd'hui valeur suffisante pour mériter un ministère de plein exercice ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Franck Montaugé et Mickaël Vallet applaudissent également.)

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