Question de M. OMAR OILI Saïd (Mayotte - RDPI) publiée le 25/01/2024

Question posée en séance publique le 24/01/2024

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Saïd Omar Oili. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Avec mon collègue Thani Mohamed Soilihi, j'ai déjà eu l'occasion dans cet hémicycle d'alerter le Gouvernement sur le climat social fortement dégradé de Mayotte. Nous voulons aujourd'hui, solennellement, tirer la sonnette d'alarme sur ce qui se passe dans notre île.

À Mayotte, nous subissons depuis plusieurs années des vagues d'immigration venant des pays voisins, les Comores et Madagascar, dans un territoire de 374 kilomètres carrés qui connaît une augmentation de près de 5 % de la population par an et dont la densité est de 2 500 habitants au kilomètre carré.

Un nouveau flux de migrants venant de l'Afrique des Grands Lacs et de la Somalie est venu s'y ajouter ces dernières années. Un camp s'est installé dans le stade de la capitale, Mamoudzou, où séjournent plus de 700 personnes, dont des familles avec des enfants.

Ce camp, où vivent des Africains dans des conditions indignes, cristallise le désarroi de la population mahoraise, qui subit crise sur crise : crise de la ressource en eau, crise de l'insécurité, crise liée aux intempéries ces derniers jours... Sur les réseaux sociaux, certains évoquent des risques de guerre civile et d'affrontements entre la population et les migrants.

Nous ne faisons pas partie des gens qui soufflent sur les braises, mais il est de notre responsabilité de vous alerter sur une situation dramatique qui peut dégénérer.

Depuis lundi dernier, les services publics sont fermés, des barrages sur les routes bloquent l'accès au travail des Mahorais et perturbent les établissements scolaires. Mayotte sera au bord du chaos si des initiatives fortes ne sont pas prises très rapidement.

Monsieur le Premier ministre, face à cette situation explosive au coeur d'un territoire de la République, quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp qui s'est formé au coeur de Mamoudzou et enrayer ces flux migratoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Jean-François Longeot applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 25/01/2024

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2024

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le sénateur, Mayotte est une terre de défis, où la jeunesse a envie de prendre son destin en main et où la biodiversité est exceptionnelle. Elle rencontre aussi des difficultés immenses en termes de sécurité, d'accès à l'eau, de services publics, d'école et d'immigration.

Je vous le dis de manière extrêmement claire et forte, mon gouvernement et moi-même sommes déterminés à continuer à agir pour Mayotte, à oeuvrer avec vous, avec l'ensemble des élus et avec les Mahorais pour l'avenir de cette île.

Mayotte connaît une immigration forte, source de tensions très graves ; nous avons régulièrement eu l'occasion d'en parler dans cet hémicycle.

Notre premier objectif reste de prévenir les arrivées irrégulières à Mayotte en luttant contre les filières de l'immigration illégale. Vous le savez, une antenne de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) y a été créée au début de l'année dernière, afin de renforcer la lutte contre les filières de passeurs, et en priorité les filières africaines. Les premiers résultats sont là. En 2023, six filières ont été démantelées et de lourdes condamnations, allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement, ont été prononcées.

Notre deuxième objectif est de traiter beaucoup plus rapidement les demandes d'asile des migrants qui arrivent à Mayotte. En effet, on le sait, durant le délai nécessaire pour obtenir une réponse, des installations ont lieu. Nous avons renforcé les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui dispose désormais d'une antenne à Mayotte. Nous avons également accru les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile.

Notre troisième objectif est d'expulser plus rapidement ceux qui n'obtiennent pas le statut de réfugié et qui n'ont plus rien à faire sur notre sol. Les déboutés de l'asile font systématiquement l'objet d'une décision d'éloignement, qu'il faut exécuter dans les meilleurs délais. Nous savons que l'enjeu est là.

Pleinement mobilisés sur ce sujet, nous obtenons, là aussi, de premiers résultats encourageants, mais il faut aller plus loin. Les échanges internationaux que nous avons nous permettent d'être plus efficaces en la matière.

L'ensemble de ces mesures seront renforcées dans le cadre du plan interministériel Shikandra de lutte contre l'immigration irrégulière, qui est en cours de refonte.

Vous avez décrit, monsieur le sénateur, une situation spécifique : le campement informel de migrants dans le stade de Cavani, à Mamoudzou. Là encore, je vous le dis de manière très claire, l'État est déterminé à évacuer ce camp, en lien étroit avec les élus concernés. Les premières démolitions, qui commenceront dès demain, se poursuivront les jours suivants, jusqu'à la disparition complète de ce campement.

Nous apporterons une réponse adaptée à chacune des personnes présentes sur le campement. J'ai bien conscience que des mouvements sont nés en réaction à l'installation de celui-ci, sous forme de manifestations, de blocages de route et de services publics.

Je le dis clairement, le démantèlement de ce camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l'ensemble des activités ; c'est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons.

Je tiens aussi à dire que les violences à l'encontre des migrants ne sont pas acceptables. Onze auteurs de violences ont été interpellés et seront jugés.

Monsieur le sénateur, Mayotte, c'est la République. Avec mon gouvernement, avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer, je suis déterminé à agir pour les Mahorais et pour Mayotte, et j'aurai l'occasion de me rendre prochainement sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

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