Question de M. BROSSAT Ian (Paris - CRCE-K) publiée le 25/01/2024

M. Ian Brossat attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le contexte alarmant de surpopulation carcérale que connait la France, soulignée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans son avis du 23 juillet 2023, qui rapporte des taux d'occupation pouvant atteindre 150, voire 200 % dans les maisons d'arrêt.
La surpopulation carcérale a des effets dévastateurs sur les conditions de détention, la santé des détenus. Cette situation entraîne une perte significative d'intimité dans les cellules surpeuplées et génère tensions et frustrations, notamment dans les anciennes maisons d'arrêt qui présentent un état d'insalubrité avancé.
Elle rend la gestion des parloirs hebdomadaires, déjà complexe, encore plus difficile et entrave le maintien des liens familiaux cruciaux pour la réinsertion.
Par ailleurs, la limitation des places disponibles pour les activités et le travail en raison de la surpopulation encourage une oisiveté préjudiciable aux perspectives de réinsertion, augmentant ainsi le risque de récidive à long terme.
En outre, elle a un impact considérable sur le travail des personnels pénitentiaires, les privant de la possibilité d'exercer pleinement leur mission et accroissant la pénibilité de leurs conditions de travail.
Enfin, d'un point de vue strictement juridique, elle constitue un obstacle majeur au respect de la loi et empêche la mise en oeuvre du principe d'encellulement individuel.
Il lui demande, conformément aux recommandations du CGLPL et au consensus exprimé en faveur de cette approche par des organisations professionnelles, des organisations non gouvernementales (ONG) et même par le Président de la République lui même en 2018, comment le Gouvernement compte t il mettre en oeuvre, de manière effective et rapide, des mécanismes de régulation carcérale.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/05/2024

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'assurer l'éffectivité de la réponse pénale, améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires et améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, souhaité par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc dès 2027. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au total, près de la moitié des établissements seront opérationnels en 2024, sur les 50 que compte le plan 15 000. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée des établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt sécurisées et à sûreté adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) sont créées. Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser, pour les infractions de faible gravité, le recours aux alternatives à l'incarcération, qui permettent également de prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice. En effet, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à un an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Plus encore, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). A cet égard, le recours à cette mesure a augmenté de manière sensible : 309 mesures en janvier 2020 et 446 en janvier 2022. La loi du 22 décembre 2021 introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit, dans le but d'éviter les sorties sèches et prévenir la récidive. Il est à noter qu'au 1er décembre 2023, 18 334 personnes écrouées ont bénéficié d'une mesure d'aménagement de peine. Depuis l'été 2022, les directeurs centraux de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires ont rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants. Aussi, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine. Les actions de pilotage mises en oeuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. Cette politique a donné des résultats significatifs puisque, si au 1er juin 2020, le taux d'occupation des quartiers centre de détention (QCD) et des centres de détention (CD) était de 84,1 %, au 1er décembre 2023, il était de 96,9 %.

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