Question de Mme BERTHET Martine (Savoie - Les Républicains) publiée le 18/01/2024

Mme Martine Berthet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les nombreuses barrières entravant le développement de la petite hydroélectricité en France.
Alors que le développement des énergies renouvelables dans notre mix énergétique est un enjeu majeur, la France a la chance de pouvoir bénéficier d'un parc hydroélectrique performant produisant plus de 12 % de la consommation électrique du pays. Au sein de ce dispositif, la petite hydroélectricité (les centrales d'une puissance inférieure à 10 mégawatts) joue un rôle important en produisant l'équivalant d'un réacteur nucléaire grâce à près de 2 270 centrales réparties sur tout le territoire national. Plus qu'un héritage précieux, ces centrales sont aussi l'une des perspectives de croissance de cette énergie totalement décarbonée, au potentiel exploité dès le début du vingtième siècle par nos industriels.
Pourtant, les communes s'engageant en faveur de ces projets écologiques, pertinents et mesurés à l'échelle de leur territoire, se heurtent à d'innombrables obstacles règlementaires. En novembre 2023, l'association nationale des maires des élus de montagne (ANEM) et les représentants des acteurs privés des énergies renouvelables dénonçaient ainsi de concert les conséquences d'un récent décret excluant tous les projets de développement de petite hydroélectricité d'une capacité de moins de 3MW de la présomption d'intérêt public majeur.
De plus, sur le terrain, les projets se heurtent désormais à l'augmentation croissante du nombre de cours d'eau classés en très bon état écologique et ce sans étude préalable. C'est le cas, par exemple, pour le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône Méditerranée où, sur les 345 cours d'eau considérés en très bon état, 337 l'ont été sans inventaire de terrain. Malgré que cette faiblesse soit aujourd'hui bien identifiée, le dialogue se révèle pourtant parfois impossible avec certaines administrations, aboutissant à des situations ubuesques. Ainsi, en Savoie, le projet Nant Rouge, situé sur le territoire des communes de Crest-Voland et de Notre-Dame-de-Bellecombe, pourtant lauréat de l'appel d'offre de la commission de régulation de l'énergie (CRE) en 2021, est aujourd'hui bloqué par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne Rhône-Alpes sans dialogue possible, alors que des analyses de bureau d'études indépendants fondées sur le droit européen et des études de terrain aboutissent à un résultat différent de celui du classement administratif peu fiable de ce cours d'eau.
Ainsi, afin de ne pas entraver inutilement des projets concourant à la transition écologique de nos territoires, elle aurait aimé savoir quelles directives le Gouvernement compte donner aux DREAL afin d'accélérer le déploiement de cette énergie vertueuse et si, comme l'a annoncé au printemps 2023 la ministre de la transition énergétique, une circulaire sera prochainement prise afin de préciser que seul l'état initial des inventaires des cours d'eau versé au dossier des petits projets hydroélectriques fera foi.

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Réponse du Ministère auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations publiée le 07/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2024

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 1022, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Martine Berthet. Madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les nombreuses barrières qui entravent le développement de la petite hydroélectricité.

Alors que le développement des énergies renouvelables constitue un enjeu majeur pour notre souveraineté et que cet objectif est inscrit dans la loi, la petite hydroélectricité, énergie complètement décarbonée, héritage précieux déjà déployé sur l'ensemble du territoire national, dont la production représente l'équivalent de celle d'un réacteur nucléaire, a un rôle important à jouer dans la croissance de notre mix décarboné.

Pourtant, les collectivités territoriales qui s'engagent dans ces projets écologiques et mesurés à l'échelle locale se heurtent à d'innombrables obstacles réglementaires, dont celui, et il est majeur, de l'augmentation croissante du nombre de cours d'eau classés en très bon état écologique, et ce sans études préalables. Ainsi, dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du bassin Rhône-Méditerranée, sur les 345 cours d'eau classés en très bon état, 337 l'ont été sans inventaire de terrain.

En dépit du fait que cette faiblesse est bien identifiée, le dialogue se révèle encore parfois impossible avec certaines administrations. Ainsi, en Savoie, le projet de centrale hydroélectrique du Nant Rouge, qui est situé sur le territoire des communes de Crest-Voland et de Notre-Dame-de-Bellecombe, bien que lauréat de l'appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en 2021, est aujourd'hui bloqué par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes, sans dialogue possible, alors que des analyses de bureaux d'études indépendantes, fondées sur des études de terrain et le droit européen, aboutissent à un autre classement administratif de ce cours d'eau.

Aussi, madame la ministre, quelles directives le Gouvernement compte-t-il donner aux Dreal pour avoir enfin les moyens d'accélérer le déploiement de cette énergie vertueuse ? Comme l'avait annoncé la ministre de la transition énergétique, une circulaire sera-t-elle rédigée afin que soient reconnues les études de terrain des cours d'eau versées aux dossiers des projets de petite hydroélectricité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. La question que vous posez, madame la sénatrice, est importante : en 2022, les capacités de production hydroélectrique de notre pays ont permis de répondre à près de 11 % de la demande d'électricité. La production hydroélectrique ne joue donc pas du tout un rôle mineur au regard de notre souveraineté - un mot qui revient beaucoup en ce moment ! Elle constitue aussi la moitié de la production d'électricité renouvelable en France.

La production hydroélectrique est donc un enjeu en termes de souveraineté énergétique et, évidemment, de transition énergétique.

Le Gouvernement est conscient de l'attachement des élus locaux à cette énergie décarbonée. Je pense que la meilleure réponse est celle qui a été donnée par le Premier ministre lui-même, quand il a dit, ici, au Sénat, la semaine dernière, que l'ensemble des administrations déconcentrées seraient désormais placées sous la direction du préfet.

Dès lors, en effet, que les Dreal, les directions départementales des territoires (DDT), les services déconcentrés de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), tous les acteurs compétents en cette matière seront sous la direction du préfet, un certain nombre de problématiques, voire parfois de difficultés locales, telles que celles que vous évoquez, liées à des enchevêtrements de compétences, seront sans doute beaucoup plus facilement appréhendées à l'échelon départemental.

L'enjeu est donc de développer l'hydroélectricité, notamment à petite échelle, parce que c'est vertueux en termes de production d'énergie, d'électricité, mais aussi pour la transition énergétique. Plus les difficultés que vous avez évoquées pourront être résolues à l'échelon local, mieux ce sera. Le Premier ministre lui-même a donné cette consigne de manière très claire.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. J'espère, madame la ministre, que cette promesse ne restera pas au stade des paroles et qu'elle sera effective. Dans le cas d'espèce que j'ai cité, la direction départementale des territoires a validé le projet, mais la Dreal l'a refusé, aucun dialogue n'étant possible.

Nous, parlementaires, réclamons depuis longtemps que le préfet décide, car il connaît le terrain.

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