Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 18/01/2024

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la qualification juridique d'un projet local d'ampleur à l'aune des lois mettant en oeuvre les objectifs du « zéro artificialisation nette » (ZAN).

En 2023, sur l'initiative du Sénat, le Parlement a fait évoluer le dispositif dit « ZAN » afin de concilier la sobriété foncière recherchée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, avec le développement des territoires. Le législateur a ainsi prévu que les projets d'aménagement, d'infrastructures, d'équipements d'ampleur nationale ou européenne et présentant un intérêt général majeur ne seraient pas comptabilisés, pour la première tranche de dix années, dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, imputable aux collectivités, mais bien dans un forfait national.

À cet égard, le marché d'intérêt national (MIN) se trouvant dans la commune de Châteaurenard devrait faire l'objet dans les années à venir d'importants projets de développement et de restructuration, à la fois sur les sites déjà existants et à la fois sur de nouveaux espaces. Pour rappel, selon l'article L. 761-1 du code de commerce, les MIN sont « des services publics de gestion de marche s, dont l'accès est réservé aux producteurs et aux commerçants, qui contribuent à l'organisation et à la productivité des circuits de distribution des produits agricoles et alimentaires, à l'animation de la concurrence dans ces secteurs économiques et à la sécurité alimentaire des populations ».

Le projet de développement du MIN de Châteaurenard aura pour effet de valoriser d'autant plus l'agriculture locale et le circuit court. Ce projet s'articule autour de trois axes principaux : une relocalisation des installations propice à la modernisation des infrastructures ; une refonte du modèle économique avec un site non seulement mis en adéquation avec les besoins de développement et de mise aux normes des entreprises locales mais aussi adapté pour accueillir les nombreux établissements candidats à une implantation sur le territoire ; un programme d'aménagement à forte ambition environnementale et énergétique.

Force est de constater que les MIN relèvent d'enjeux nationaux comme leur nom l'indique d'ailleurs. De surcroît, ils ont une envergure territoriale d'ampleur. La France n'en compte que 18 sur l'ensemble de son territoire, ce qui souligne d'autant plus le poids de chaque marché et son rôle dans les secteurs de l'alimentaire et de l'horticulture. Le développement à venir du MIN de Châteaurenard accentuera d'autant plus les intérêts nationaux et locaux inhérents à ces infrastructures majeures.

Considérant tout ce qui précède, il lui demande donc si le projet d'extension du MIN de Châteaurenard, consommateur de foncier, pourra être considéré comme un projet d'envergure nationale ou européenne au sens de l'article 194 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 modifiée et, si la réponse est négative, d'en préciser exhaustivement et précisément les raisons.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 08/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2024

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 1024, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, la ville de Châteaurenard, située dans l'un des plus beaux départements de France, les Bouches-du-Rhône, est une commune historiquement agricole. Elle forme le centre d'un bassin maraîcher et arboricole de Provence depuis 1867, année de création du premier marché de producteurs de fruits et légumes.

Aujourd'hui, le marché d'intérêt national (MIN) situé dans cette commune fait l'objet d'importants projets de restructuration et de développement qui devront être menés dans les années à venir, avec un objectif phare : valoriser l'agriculture locale, qui en a tant besoin aujourd'hui, et promouvoir les circuits courts. Il s'agit de produire local et de consommer local.

Cela se traduira, structurellement, par la construction d'un hub composé de trois pôles.

Le pôle logistique passe par la requalification de friches industrielles, qui permettra de concentrer dans un lieu unique l'ensemble des activités logistiques afin de rationaliser les flux et les liaisons. Ce projet est devenu réalité, puisqu'il sera inauguré dans les prochains jours. Il a bénéficié d'une enveloppe de plus de 27 millions d'euros de financements publics.

S'y ajouteront un pôle de transformation agroalimentaire de produits bio et locaux, visant notamment à satisfaire les exigences des lois Égalim - la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, la loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs -, et un carreau de producteurs locaux.

Il s'agit donc d'un projet d'intérêt majeur pour le développement de ce territoire, avec une forte ambition environnementale et énergétique.

Ma question est la suivante : à l'aune des dispositions législatives relatives à l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), ce projet d'extension du MIN de Châteaurenard, consommateur de foncier, pourra-t-il être considéré comme un projet d'envergure nationale afin de ne pas pénaliser la commune dans le bilan d'artificialisation des sols qu'elle devra mener d'ici à 2025 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Rudulier, vous avez interrogé mon collègue Christophe Béchu, qui m'a chargée de vous répondre, sur les projets d'envergure nationale et européenne d'intérêt général majeur dont la liste sera très prochainement publiée dans un arrêté ministériel.

Les projets ne seront pas retenus en fonction de leur seul intérêt, mais tiendront compte des catégories fixées par la loi, de leur envergure significative au regard de leurs implications territoriales, ainsi que des enjeux auxquels ils permettent de répondre.

Comme le prévoit la loi, le Gouvernement a porté à la connaissance des présidents de région, à la fin du mois de décembre dernier, un projet d'arrêté et une liste de projets, élaborée notamment en lien avec les préfets de région.

Nous avons reçu, en toute fin de semaine dernière, l'avis du président de votre région, M. Renaud Muselier, ainsi que celui de la conférence régionale de gouvernance. Nous adresserons prochainement à M. Muselier un retour motivé sur les suites à y donner. Il pourra ensuite saisir une commission régionale de conciliation en cas de désaccord persistant sur la liste.

En l'état des informations que vous me communiquez, le rattachement du projet de MIN de Châteaurenard à l'une des catégories de la loi paraît incertain, de même que la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers qu'il engendrerait. En tout état de cause, ce projet n'a pas fait l'objet d'une identification par le préfet de région et n'a pas été mentionné dans l'avis de la région.

Néanmoins, afin de décliner la politique de sobriété foncière au plus près des besoins, présents et à venir, des territoires, le Gouvernement a souhaité que l'arrêté offre une certaine souplesse. Il pourra être révisé pour y intégrer de nouveaux projets.

Par ailleurs, la région dispose de la faculté de mutualiser à son échelle, via le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), les projets d'aménagement ou d'activité économique répondant à des besoins et enjeux régionaux ou supradépartementaux. Ce mécanisme de mutualisation des projets d'envergure régionale (PER) pourrait ainsi être mobilisé au profit du MIN de Châteaurenard.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, les marchés d'intérêt national, comme leur nom l'indique, relèvent d'enjeux nationaux. Le MIN que j'ai évoqué a un impact territorial majeur, qui dépasse largement le cadre de la commune de Châteaurenard, dont je rappelle qu'elle est par ailleurs carencée en matière de logement. Ne pas le considérer comme un projet national d'envergure majeure remettra totalement en cause le projet d'aménagement du territoire de cette commune et pénalisera la construction de logements.

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