Question de M. ROCHETTE Pierre Jean (Loire - Les Indépendants) publiée le 08/02/2024

Question posée en séance publique le 07/02/2024

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le Président, monsieur le ministre des armées, mes chers collègues, « Vous devez comprendre que si l'Europe est attaquée, nous ne viendrons jamais pour vous aider et vous soutenir » : ces propos surprenants sont ceux que le président américain Donald Trump a tenus en 2020 à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

En rappelant ces paroles, M. Thierry Breton ne pouvait inciter davantage les Européens à bâtir la défense européenne. L'une des conditions sine qua non à la réalisation de cette ambition est d'avoir une France forte et capable sur le plan militaire.

L'on dit que Poutine a ressuscité l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) en envahissant l'Ukraine. Il est vrai que deux pays scandinaves ont manifesté leur souhait de rejoindre l'organisation et qu'un effort budgétaire massif s'opère partout en Europe après des décennies de désengagement.

Toutefois, dans quelques mois, si Donald Trump gagne une nouvelle fois les élections, que vaudra encore l'Alliance atlantique ?

Au-delà des nouvelles adhésions, nous devons absolument nous pencher sur nos capacités. La question des munitions est un enjeu crucial de la guerre de haute intensité.

Chaque jour, les Ukrainiens tirent entre 5 000 et 8 000 obus, quand les Russes en tirent exactement le double. Les États européens se sont engagés à soutenir l'effort de guerre ukrainien et à livrer à Kiev 1 million d'obus, c'est-à-dire, au mieux, six mois de munitions.

Nous ne tiendrons pas cet engagement. Nous espérons tout juste pouvoir atteindre la moitié et livrer un peu plus de 500 000 obus avant la fin du mois de mars. Pourquoi ? Non parce que nous n'en produisons pas assez, mais parce que nous continuons collectivement d'en exporter au bénéfice de pays qui en ont bien moins besoin que l'Ukraine.

Monsieur le ministre, il est grand temps d'intensifier le soutien de notre pays à l'Ukraine et de nous réarmer. Où en est l'économie de guerre annoncée par le président Macron ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

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Réponse du Ministère des armées publiée le 08/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Rochette, nous aurons l'occasion de revenir sur l'Otan dans le cadre des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, puisque le président Perrin, à la suite du président Cambon, a décidé de revenir sur la question de la place de la France au sein de l'Organisation.

Il faut prendre une réalité en compte : nous devons travailler avec nos différents partenaires européens, y compris avec la Grande-Bretagne, en raison de son modèle d'armée et de son apport à la dissuasion nucléaire pour tout l'ensemble continental. Il nous faudra aussi continuer de nous réarmer - c'est le sens de la loi de programmation militaire que vous avez votée.

Sur la question de l'aide à l'Ukraine et de notre économie de guerre, nous sommes passés d'une logique de cession des stocks de nos armées à une logique de production, pour continuer de soutenir l'armée ukrainienne dans la guerre qu'elle mène à la suite de l'agression russe.

Cette remontée en puissance est indispensable, y compris pour nous-mêmes, au regard des différents conflits que nous pouvons connaître.

Cette perte de muscles industriels s'expliquait non seulement par le contexte stratégique lié à la fin de la guerre froide, mais aussi, malheureusement, par la diminution des crédits budgétaires alloués aux forces armées pendant plus de quinze ans, qui a conduit à une baisse de commandes et donc à une réorganisation dans le mauvais sens de notre industrie. Bien que les crédits augmentent depuis 2017, monter en puissance prend du temps.

Pour répondre précisément à votre question, l'économie de guerre - en tout cas la reprise de la production par nos industries - est en cours. Elle profite très directement à l'Ukraine.

Un certain nombre de résultats sont d'ores et déjà visibles : l'entreprise Thales, par exemple, produit un radar en six mois contre vingt-quatre mois auparavant ; MBDA produit les missiles Mistral, pour la défense sol-air, en quinze mois et non plus vingt-quatre ; les résultats autour du canon Caesar Nexter sont à saluer, avec un délai de production divisé par deux, soit quinze mois au lieu de quinze.

Je souhaite vivement remercier les équipes de ces entreprises : ces améliorations sont non seulement le fruit de dispositions organisationnelles, mais aussi d'une augmentation du temps de travail et des rotations en trois-huit pour des salariés, des ouvriers et des ingénieurs pleinement engagés pour relever ce défi. Concernant les munitions, les résultats sont également au rendez-vous, notamment pour les obus de 155 millimètres.

Il s'agit maintenant d'avancer sur les équipements qui ont pris du retard, notamment les missiles complexes, dont les missiles Aster 15 et Aster 30, qui sont indispensables à l'Ukraine pour protéger son ciel. J'aurai l'occasion d'y revenir devant vous prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Nous comptons sur vous pour maintenir cet effort et continuer de soutenir l'Ukraine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

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