Question de M. ZIANE Adel (Seine-Saint-Denis - SER) publiée le 08/02/2024

Question posée en séance publique le 07/02/2024

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Adel Ziane. Depuis 2017, les crises se multiplient dans notre pays : « gilets jaunes », retraites, émeutes urbaines, monde agricole... Toutefois, une crise a atteint un point de non-retour : celle du logement, et en particulier du logement social.

Soixante-dix ans après l'appel de l'abbé Pierre que vous évoquiez à l'instant, votre responsabilité est immense et vos réponses ne sont pas à la hauteur.

Pas à la hauteur, au moment où le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre a présenté des chiffres dramatiques : 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, 4 millions de personnes mal ou non logées, 1 million de personnes dans un habitat indigne et plus de 300 000 personnes sans domicile en France.

Pas à la hauteur, au moment où nous n'avons toujours pas de ministre du logement - peut-être prochainement ?

Pas à la hauteur, enfin, quand M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, aura à peine consacré trois minutes à ce sujet extrêmement important, pour nous proposer finalement - suscitant une consternation partagée par l'ensemble des acteurs concernés, à savoir les maires des plus grandes villes de France, qui vous ont adressé une lettre ouverte, les associations de locataires et de solidarité ou les spécialistes de l'immobilier - de modifier le calcul de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) pour y intégrer les logements locatifs intermédiaires (LLI), tour de passe-passe statistique qui cassera le thermomètre de la mixité sociale et dont l'incidence sera quasiment nulle, voire négative, sur la production de logements sociaux dans notre pays.

Ma question est simple : comptez-vous abandonner cette proposition et enfin mettre en oeuvre une politique volontariste et ambitieuse en matière de logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

M. Rachid Temal. Bravo !

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 08/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question n'est pas tout à fait à la hauteur du moment. (Protestations et marques d'ironie sur les travées du groupe SER.) Elle ne l'est pas, car, à vous entendre...

M. Rachid Temal. Et la démocratie ?

M. Christophe Béchu, ministre. La démocratie, c'est le respect !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas à l'Assemblée, ici !

M. Christophe Béchu, ministre. À vous entendre, une crise frapperait notre pays, nous serions sur un îlot de déstabilisation et de difficultés, quand dans tous les pays, aujourd'hui, la hausse des taux d'intérêt et l'augmentation des coûts de construction et des matériaux ont entraîné une baisse de la production.

M. Rachid Temal. Et la loi SRU !

M. Christophe Béchu, ministre. En Allemagne, où vos amis sont en responsabilité, la baisse des mises en chantier est comparable à celle de la France. Idem en Chine ou aux États-Unis ! Partout !

Mme Audrey Linkenheld. La loi SRU !

M. Christophe Béchu, ministre. Alors dire que nous aurions un problème français, sincèrement, c'est passer à côté d'une forme de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - Protestations sur les travées du groupe SER.)

De plus, vous pointez du doigt le Gouvernement dont la réponse ne serait pas à la hauteur ! Monsieur le sénateur, les mesures que nous avons prises, si elles n'ont pas enrayé la crise, ont permis de la juguler dans un domaine où le recul est moins important qu'ailleurs, précisément le logement social. La baisse de la construction dans le logement social est deux fois moins importante, et c'est le secteur du très social qui a le moins reculé. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'exclame.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Formidable ! Tout va bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Avec le plafonnement du taux du livret A à 3 % et avec les programmes de rachat décidés par CDC Habitat - pour le compte du Gouvernement - et par Action Logement, nous avons limité cette baisse.

Ensuite, à vous entendre, il y aurait une forme de ségrégation sociale conduisant à considérer que tout ce qui n'entre pas dans le périmètre SRU n'est pas digne d'intérêt.

Plusieurs sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Mais non !

M. Rachid Temal. Démagogie !

M. Christophe Béchu, ministre. Or la moitié des logements locatifs intermédiaires (LLI) attribués l'année dernière ont bénéficié à des personnes sous les plafonds de ressources applicables aux logements locatifs sociaux (LLS).

En région parisienne, sur 4 500 attributions, le revenu mensuel moyen pour un couple avec deux enfants était de 3 600 euros : à un tel niveau, on ne se situe pas dans les classes supérieures et on a le droit de se voir proposer une solution de logement. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et la loi SRU ?

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons la volonté de construire des parcours résidentiels, de trouver comment soutenir au mieux les maires bâtisseurs et de reconstituer un continuum d'offres. Telle est la solution à laquelle nous devons aboutir, en nous y attelant tous ensemble, au-delà des anathèmes, au-delà des chiffres. Il importe de prendre la mesure du problème, qui est plus large : pour le résoudre, il faut l'État, il faut les collectivités locales et il faut les banques ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Didier Marie. L'État est absent !

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.

M. Adel Ziane. Pas de gêne, pas de réponse alambiquée, mais surtout pas de déni, monsieur le ministre ! Voilà un point extrêmement important, puisque, depuis le début du précédent quinquennat, donc depuis 2017, nous assistons à la baisse des aides aux locataires, aux bailleurs sociaux, à l'accession à la propriété. La production de logements sociaux est en chute libre : elle a été divisée par deux entre 2023 et 2024. Il n'y a ni soutien financier de l'État, ni objectifs de construction.

Mme Audrey Linkenheld. Absolument !

M. Rachid Temal. C'est vrai !

M. Adel Ziane. Les réponses existent : relance de la production de logements sociaux, accession à la propriété. Ces réponses, urgentes, vous ont été soumises par tous les acteurs du secteur que vous avez convoqués lors du Conseil national de la refondation Logement.

Monsieur le ministre, il faut enfin prendre à bras-le-corps la question du logement, coeur de la cohésion sociale de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

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