Question de Mme NARASSIGUIN Corinne (Seine-Saint-Denis - SER) publiée le 15/02/2024

Question posée en séance publique le 14/02/2024

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer.

Madame la ministre, Mayotte connaît un nouveau pic de tensions. Des barrages routiers perturbent la circulation et l'économie de ce département, le plus pauvre de France, où la violence est quotidienne depuis des années. Ses habitants sont exaspérés. De nombreux jeunes, exclus du système scolaire et vivant dans une grande pauvreté, sont livrés à la délinquance. Beaucoup d'entre eux sont des mineurs isolés, sans parents ni repères.

En 2018, en violation du principe d'indivisibilité de la République, votre gouvernement a durci le droit du sol à Mayotte. Pour autant, cette mesure n'a divisé que par deux l'accès à la nationalité française dans le département et n'a pas eu d'effet sur le nombre d'arrivées d'étrangers.

Pis, elle a accru la grande précarité de nombreuses familles et de jeunes gens, privés d'accès à la nationalité française et contraints de survivre sur le territoire. Les visas territorialisés n'ont fait qu'aggraver cette situation.

Aujourd'hui, de manière cynique et démagogique, vous vous entêtez dans cette impasse. À rebours du choix constant des Mahorais d'une plus grande intégration dans la République par la départementalisation, vous leur promettez de différencier encore davantage le droit de la nationalité, comme à l'époque coloniale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Stéphane Ravier s'exclame également.)

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi la suppression du droit du sol à Mayotte améliorera la situation sociale, sanitaire, économique et sécuritaire du département ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 15/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice, je ne peux pas vous laisser dire cela. La Constitution prévoit déjà la possibilité d'adapter nos lois et règlements aux spécificités de nos territoires, notamment ultramarins, y compris en ce qui concerne l'immigration.

Vous m'interrogez sur les raisons qui nous ont conduits à annoncer la fin du droit du sol à Mayotte.

Actuellement, 90 % des titres de séjour délivrés à Mayotte sont liés à la vie familiale. À notre sens, cette mesure aura un effet dissuasif sur les femmes qui quittent les Comores, parfois au péril de leur vie, pour venir accoucher à Mayotte, devenir parent d'un enfant français et, ainsi, obtenir un titre de séjour. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Bien sûr, nous envoyons un signal difficile, mais cette situation unique appelle une réponse unique.

Mme Cécile Cukierman. Le RN n'aura pas à le faire, grâce à vous !

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée. Je tiens par ailleurs à rappeler nos autres engagements pour Mayotte.

Nous avons prolongé notre action en mettant en place l'opération Wuambushu 2, qui se traduit par le déploiement d'importants moyens de sécurité. Nous menons des actions de décasage qui ont permis la libération de 700 habitations. De plus, des opérations contre les gangs ont permis l'arrestation de soixante chefs de bande.

Concernant la crise de l'eau, 100 millions d'euros ont été engagés pour faire face à l'urgence depuis l'été 2023. En matière d'éducation, 190 millions d'euros supplémentaires seront alloués aux établissements scolaires d'ici à 2027. Enfin, les crédits consacrés aux routes seront doublés pendant la même période.

Vous le voyez, madame la sénatrice, la réponse du Gouvernement est beaucoup plus complète que la caricature que vous entendiez en faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Cécile Cukierman. Mme Le Pen vous dit merci !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.

Mme Corinne Narassiguin. Madame la ministre, vous mentez aux Mahorais et ils le savent. Les Comoriennes n'arrivent pas à Mayotte pour accoucher, mais pour fuir la misère et parfois la répression. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. - M. Stéphane Ravier s'exclame également.)

Résoudre la crise migratoire à Mayotte, c'est d'abord s'attaquer aux causes de l'immigration : anticiper pour mieux prévenir les déstabilisations politiques, économiques, sociales et bientôt climatiques dans l'archipel des Comores comme dans la région des Grands Lacs.

Il faut mener une politique ambitieuse de coopération et de codéveloppement dans la zone du canal du Mozambique, en particulier avec les Comores. Au lieu d'apporter des réponses à cette crise structurelle, vous fracturez encore les principes républicains les plus fondamentaux.

Avec cette attaque contre le droit du sol, vous choisissez, une fois de plus, de faire triompher les obsessions xénophobes et racistes de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. - Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. - M. Stéphane Ravier s'exclame.)

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