Question de M. ROIRON Pierre-Alain (Indre-et-Loire - SER) publiée le 15/02/2024

Question posée en séance publique le 14/02/2024

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, créer un choc d'offre pour permettre à chacun d'accéder au logement, tel est votre credo. Certes, mais à quel logement faites-vous allusion ?

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, annonçait l'interdiction à la location des passoires thermiques les moins bien isolées, les habitations classées G, dès 2025.

Lundi, monsieur le ministre, vous avez annoncé qu'avec votre réforme nous sortirions « 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés de la catégorie des passoires énergétiques », soit 15 % des logements classés F et G.

Pourtant, nos concitoyens aux revenus les plus faibles souhaitent avoir un logement locatif qui ne soit pas une passoire énergétique ou financière.

Vous faites en réalité le choix de remettre des logements énergivores sur le marché locatif. Or près de 37 % de ces logements sont occupés par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, parmi lesquels on dénombre de nombreux étudiants.

Ce n'est pas parce que vous modifierez l'algorithme du diagnostic de performance énergétique (DPE) que, tel un magicien, vous modifierez la qualité énergétique du logement !

Mes questions sont simples. En abaissant les critères qualitatifs des logements, au lieu d'inciter et d'aider les propriétaires à procéder à leur rénovation, quel signal pensez-vous envoyer ? Comment parviendrons-nous à respecter les engagements climatiques de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 15/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Roiron, ne pas connaître un sujet est un privilège dont il ne faut pas abuser...

En essayant de présenter cette réforme et ce problème d'algorithme comme une remise en cause de la loi Climat et résilience, alors même que les trois fédérations de diagnostiqueurs, la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), la Fédération française du bâtiment (FFB), mais aussi la Fondation Abbé Pierre ou Leclerc, membre du Réseau Action Climat, saluent une mesure qui, d'une part, est limitée, puisqu'elle ne vise que de petites surfaces, d'autre part, contribue à corriger un biais mathématique, vous faites le jeu de ceux qui pensent qu'il faudrait revoir en totalité nos ambitions concernant les passoires énergétiques, voire le dispositif lui-même. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. De quoi parle-t-on ?

Quand 68 % des logements de moins de 10 mètres carrés sont des passoires énergétiques, alors que ce n'est le cas que de 12 % des habitations de plus de 100 mètres carrés, vous admettrez que c'est peut-être à cause d'un problème de calcul.

Quand, de surcroît, vous prenez conscience que la consommation du ballon d'eau chaude n'est pas calculée globalement, mais qu'elle est rapportée au mètre carré - alors que chacun sait que l'on ne prend pas dix fois plus de douches dans un logement de 100 mètres carrés que dans un studio de 10 mètres carrés ! -,...

Mme Audrey Linkenheld. Qui peut habiter dans 10 mètres carrés ?

M. Christophe Béchu, ministre. ... vous saisissez pourquoi il y a une forme de justice à appliquer une franchise sur les premiers mètres carrés.

C'est la raison pour laquelle les professionnels nous disent, depuis des mois, que la réforme que nous avons conduite est une réforme de bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre. Cela étant, peut-être aurez-vous des raisons valables de vous plaindre de nos propositions dans les jours qui viennent. Avec Guillaume Kasbarian, je recevrai demain matin des représentants de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la FFB.

C'est une chose de prétendre avoir l'ambition de lutter contre les passoires énergétiques, c'en est une autre de se complaire dans une complexité administrative qui, en définitive, dégoûte les artisans, voire les Français dans leur ensemble. (MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Lemoyne acquiescent.)

M. Michel Savin. Mais c'est de votre faute !

M. Christophe Béchu, ministre. Je pense à la multiplicité des labellisations, mais aussi à la complexité de dispositifs, dont la durée diffère bien souvent. (Protestations sur des travées du groupe CRCE-K.)

Depuis plus d'un an, certains d'entre vous, ici même, dans cet hémicycle, ou par courrier, m'alertent de telle ou telle situation dans leur circonscription, me signalent que leurs administrés sont confrontés à telle ou telle difficulté, et me demandent si l'on ne pourrait pas simplifier le dispositif existant ou faire évoluer les critères relatifs à la fraude.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il a raison !

M. Christophe Béchu, ministre. Nous faisons le choix de garder un cap ambitieux en matière climatique - notre pays a réduit de 4,5 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2023 - en accélérant la rénovation énergétique des logements, tout en continuant à écouter les professionnels et les Français.

Mme Françoise Gatel. Très bien !

Mme Cécile Cukierman. Vous n'écoutez pas les Français !

M. Christophe Béchu, ministre. Pour le Gouvernement, il s'agit d'être inflexible sur l'objectif, mais souple sur les moyens d'y parvenir, et cela en débureaucratisant, comme le Premier ministre s'y est engagé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Emmanuel Capus. Bravo !

Mme Cécile Cukierman. Ce sont les plus pauvres qui vont payer !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour la réplique.

M. Pierre-Alain Roiron. Agir pour résorber la précarité énergétique est une nécessité sociale et environnementale.

Nous constatons que vous préférez remettre en cause votre loi, vos mesures, et précariser les logements plutôt qu'accompagner efficacement la rénovation indispensable du parc locatif.

Hausse des coûts de l'énergie, décence des logements, leasing social : quand il s'agit de la situation des Français les plus modestes, vous ne pratiquez pas la politique que vous annoncez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

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