Question de M. LAHELLEC Gérard (Côtes-d'Armor - CRCE-K) publiée le 29/02/2024

Question posée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Les passions populaires que suscite chaque année le salon de l'agriculture ne doivent pas nous faire perdre de vue la crise structurelle que traverse la filière.

Quelques rappels : en 1946, la France comptait 6 millions de paysans ; aujourd'hui, il reste moins de 400 000 exploitations agricoles dans notre pays, et la moitié des agricultrices et des agriculteurs actuellement actifs partiront à la retraite dans les dix ans à venir.

Par ailleurs, en moyenne, deux paysans se suicident chaque jour ; dans le même temps, les grands actionnaires des industries agroalimentaires captent la moitié de la valeur ajoutée, après paiement des salaires et des impôts de production. C'est la preuve que la valeur ajoutée, malgré les lois Égalim, a davantage été captée par l'aval, c'est-à-dire la distribution, que par la ferme, qui est pourtant la source de production de cette valeur.

Ce système a créé une pression permanente sur les prix à la production, qui touche toutes les filières à des degrés divers.

Pour m'en tenir au seul exemple de mon département d'élection, les Côtes-d'Armor, il a perdu en un an la production de 10 millions de litres de lait. Aujourd'hui, certains grands groupes industriels du secteur se livrent à un véritable chantage, allant jusqu'à menacer de refuser de collecter le lait auprès des producteurs qui n'accepteraient pas le prix qu'ils imposent.

Dans un tel contexte, comment ne pas comprendre que l'accumulation des normes et des paperasseries ajoute à l'exaspération, même si ce ne sont pas elles qui contribuent à diminuer le revenu paysan ?

Madame la ministre déléguée, le Gouvernement est-il disposé à engager un mécanisme de type coefficient multiplicateur et prix plancher, afin de mieux garantir le retour de la valeur ajoutée à la ferme...

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérard Lahellec. ... et de soutenir les expérimentations en cours, notamment avec les collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 29/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Lahellec, vous m'interrogez, comme la précédente oratrice, sur le revenu des agriculteurs, en vous intéressant plus particulièrement au territoire national et à la mise en oeuvre des prix plancher.

Vous relayez ici la colère légitime de nos agriculteurs, et vous avez raison ! Il nous faut répondre à cette colère et apporter des solutions concrètes à ces femmes et à ces hommes qui consacrent leur vie à nous nourrir, une vie d'efforts et de contraintes, qui doit être justement rémunérée.

C'est pourquoi, je le redis, nous avons, dès 2017, lancé les États généraux de l'alimentation et fait en sorte que les recommandations des filières agricoles et des agriculteurs trouvent une traduction législative dans les lois Égalim 1 et 2.

A-t-on fait des progrès ? La réponse est oui. Puisque vous avez évoqué les situations de conflit entre un industriel et ses fournisseurs de lait, je rappelle que c'est grâce aux instruments prévus par les lois Égalim que ces derniers bénéficient aujourd'hui de la médiation de l'État, à travers le médiateur des relations commerciales agricoles, dont le rôle est d'accompagner les différents acteurs de la filière. C'est aussi grâce à ces lois que nous avons mis en place un comité de règlement des différends commerciaux agricoles capable de trancher ce type de conflit et de redonner du pouvoir aux agriculteurs dans les négociations.

Comme je l'ai indiqué, nous souhaitons aller plus loin : aussi confions-nous aux députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault le soin de nous faire des propositions d'ici quatre mois, ce qui contribuera à construire « en marche avant » le prix des contrats, et ce qui me permet de répondre partiellement à votre question.

Nous retenons cette approche en concertation avec les filières, et sur la base des coûts de production qu'elles auront elles-mêmes définis. Il nous appartiendra de pousser ces filières à mieux s'organiser.

S'agissant de l'Europe, la question est tout à fait légitime : nous prenons le sujet à bras-le-corps, puisque nous l'avons abordé avec le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, et avec le commissaire à l'agriculture : nous poussons pour la mise en place d'une loi Égalim européenne, qui permette de protéger nos agriculteurs et de renforcer nos contrôles.

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