Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - Les Républicains) publiée le 29/02/2024

Question posée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, le 19 février dernier, vous avez choisi d'envoyer le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, sur un plateau de télévision pour annoncer un plan d'économie de 10 milliards d'euros. Ce faisant, il contredisait la réponse qu'il m'avait faite, le 25 janvier, à une question d'actualité que je posais au Gouvernement. Pouvez-vous me donner les raisons de cette volte-face ?

Quelle méthode et quel plan d'action allez-vous mettre en oeuvre pour réaliser ces économies budgétaires ? Comment allez-vous y associer le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 29/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Après avoir répondu au président Perrin, je vais répondre au rapporteur général Husson en souvenir des soirs, et même des nuits, que nous avons passés ici, avec le président Raynal et bien d'autres (Rires.), bien évidemment lors de l'examen du projet de loi de finances, lorsque j'étais ministre chargé des comptes publics...

Monsieur le rapporteur général, nous avons eu l'occasion de dire - Bruno Le Maire, notamment, l'a indiqué - que nous constations, partout en Europe, un ralentissement de l'activité économique. Je vous invite à regarder la réactualisation de la prévision de croissance de l'Allemagne qui a été faite voilà quelques semaines : elle est passée de 1,3 % à 0,2 % - et je le déplore. Ce ralentissement économique touche toute l'Europe, et notamment la France, mais - nous pouvons nous en réjouir - moins la France que ses voisins. Nous avons donc, en responsabilité, réactualisé notre prévision de croissance de 1,4 % à 1 % pour 2024.

M. Jean-François Husson. Ça ne suffira pas !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Le ralentissement économique a probablement démarré à la fin de l'année 2023, avec un impact sur les recettes en 2023 et donc probablement - nous le saurons à la fin du mois de mars - un impact sur le solde public de l'année 2023.

Dans ces conditions - et vous savez que telle a été la ligne que j'ai suivie lorsque j'étais ministre chargé des comptes publics, j'ai décidé en tant que Premier ministre d'ajuster nos dépenses, pour tenir compte de la diminution de nos recettes liée au ralentissement de l'activité économique. Comme je l'ai dit aux membres du Gouvernement, cela ne fait plaisir à personne de prendre de telles mesures d'économies en cours d'année. Nous l'avons fait en responsabilité, en visant des politiques publiques identifiées : l'aide publique au développement (APD) ; MaPrimeRénov', comme l'a rappelé Thomas Cazenave, mais dans un contexte où le budget qui lui est consacré a massivement augmenté.

Je serais plus disposé à accepter que l'on me donne des leçons sur le budget de la rénovation énergétique si celles et ceux qui le font avaient consacré les crédits nécessaires à la rénovation énergétique lorsqu'ils étaient aux responsabilités, ce qui n'a pas été le cas. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K. - Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) Nous sommes plus responsables qu'eux aujourd'hui !

M. Jean-François Husson. Vous les souteniez à l'époque !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Mais je n'avais pas les mêmes fonctions...

Cela étant dit, monsieur le rapporteur général, il nous faut poursuivre ce travail, notamment en prévision du projet de loi de finances pour 2025. Nous devrons dégager des économies structurelles qui sont nécessaires, non pas seulement parce que les recettes ont diminué cette année, mais parce que nous voulons financer un certain nombre de transitions absolument majeures - le réarmement de nos services publics, et en premier lieu de nos services publics régaliens ; la transition écologique ; la transition démographique -, et nous devons avoir les marges de manoeuvre pour le faire, en assumant des économies.

J'ai indiqué il y a quelques jours que je souhaitais lancer une nouvelle réforme de l'assurance chômage. Je l'assume ! Notre modèle social doit être davantage tourné vers l'incitation à l'activité. Plus les Français qui travaillent seront nombreux, plus les recettes permettant de financer nos politiques publiques seront importantes. Si notre taux d'emploi était le même que celui que l'on observe chez nos amis allemands, nous n'aurions pas de problème pour équilibrer nos politiques publiques.

Donc oui, il faut continuer à inciter au travail et assumer la recherche d'un modèle social moins coûteux et plus efficace ; cela fait partie de nos pistes de travail. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous y travaillerez avec nous lors des prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, en soixante jours, tout n'a pas changé : pas davantage la situation en Ukraine que la crise des énergies, les échanges commerciaux, les difficultés de nos relations avec la Chine ou la question des composants électroniques...

Oui, vous avez choisi de doper la croissance dans vos prévisions macroéconomiques, à hauteur de deux fois ce qu'avait prévu le consensus des économistes. Vous êtes donc, finalement, rattrapé par la patrouille et par une forme de mise en danger ou d'amateurisme.

Non, contrairement à ce que dit le ministre de l'économie et des finances, le Gouvernement ne se serre pas la ceinture ! Dois-je rappeler qu'avant 2020 le déficit de l'État était inférieur à 90 milliards d'euros par an, et qu'il est de manière continue depuis 2020 supérieur à 150 milliards d'euros par an ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous m'avez reproché en novembre dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances, la brutalité des mesures d'économies que nous proposions et dont le montant, adopté par la majorité sénatoriale, était de 7 milliards d'euros.

Or les mesures d'économies que vous proposez aujourd'hui sont extrêmement brutales, puisqu'elles atteignent 10 milliards d'euros ; et dans le même temps que vous faites cette annonce, vous lâchez 5 milliards de dépenses supplémentaires. On n'y comprend plus rien ! Comme l'ont dit les agriculteurs, le Gouvernement marche sur la tête...

Vous dites que vous augmentez le fonds vert, que vous avez beaucoup peint et dépeint l'an dernier lors de la discussion budgétaire. Mais, en fait, vous en réduisez la portée. Et c'est la même chose pour MaPrimeRénov'.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-François Husson. Ne perdons pas la mémoire ! Vous avez reproché à la gauche, à juste titre, d'avoir oublié qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires lorsqu'elle était aux affaires. Mais, à l'époque, vous souteniez ce gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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