Question de M. BROSSAT Ian (Paris - CRCE-K) publiée le 08/02/2024

M. Ian Brossat attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la réforme des diplômes d'État de danse envisagée par le ministère de la culture, ainsi que sur les préconisations de la mission « flash » sur la politique de la danse menée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée Nationale rassemblées dans la proposition de loi n° 1149 enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale, visant à professionnaliser l'enseignement de la danse.
Elles visent à instaurer un diplôme d'État obligatoire pour les enseignants de hip-hop. Celles-ci soulèvent des inquiétudes importantes au sein du mouvement hip-hop français, emblématique des cultures urbaines et populaires, notamment à Paris et en Seine-Saint-Denis - les deux départements métropolitains avec le plus d'associations hip-hop.
Tout d'abord, la mise en place d'un diplôme d'État obligatoire soulève des préoccupations quant à son potentiel discriminatoire, notamment envers les enseignants de danse déjà en place ou les futurs professeurs. Il instaurerait une forme de sélection sociale, étant donné le coût et la durée d'une telle formation.
En outre, ce diplôme risque d'avoir un impact négatif sur la diversité et la créativité de la discipline, qui se caractérise par la place importante des danseurs autodidactes exclus par le référentiel de dispense envisagé. Les éventuelles restrictions imposées par ce diplôme contreviendraient aux engagements de la France en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
Par ailleurs, une telle réforme ne se justifie pas sur le plan pédagogique. Depuis ses débuts, la culture hip-hop s'organise de manière autonome afin de désigner danseurs et professeurs. Cette danse peut s'apprendre de mille manières, pour des finalités très diverses.
La culture hip-hop est attachée aux valeurs de l'éducation populaire. Elles ont permis le rayonnement des danses populaires françaises à l'international, sans qu'aucune étude de mauvaise qualité des enseignements ou de survenance d'accidents et de blessures physiques supérieure à la moyenne en danses contemporaine n'ait démontré la nécessité de sanctionner l'absence de diplôme des professeurs actuels, ceux-ci se formant de multiples manières.
À ce titre, le défenseur des droits a émis des recommandations sur le droit des enfants aux loisirs en novembre 2023, en soulignant les inégalités d'accès à la culture, et notamment la nécessaire prise en charge de la formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) pour les encadrants, formation bien moins lourde et coûteuse que la formation au diplôme d'État (DE) de niveau bac + 3, qui permet à des jeunes d'encadrer des enfants à temps plein.
Enfin, les réflexions autour de cette réforme des diplômes d'État de danse interrogent sur la place donnée par le ministère aux acteurs concernés. L'absence de concertation avec les représentants de la culture hip-hop est manifeste.
Ainsi, il lui demande si elle compte répondre aux préoccupations du mouvement hip-hop et revenir sur le projet de mise en place de ce diplôme d'État afin de préserver la diversité et la créativité de cette culture urbaine et populaire.

- page 397


Réponse du Ministère de la culture publiée le 09/05/2024

La réforme du cadre législatif et réglementaire de l'enseignement de la danse est un enjeu prioritaire. Le diplôme d'État de professeur de danse, établi par la loi n° 89-468 du 10 juillet 1989 relative à l'enseignement de la danse, est un diplôme obligatoire pour enseigner la danse dans les esthétiques classique, contemporaine ou jazz. L'attention principale du législateur s'est portée sur la protection de l'intégrité physique des pratiquants en danse, notamment s'agissant des enfants. Depuis sa mise en oeuvre, la reconnaissance du métier de professeur de danse s'appuie par ailleurs sur des garanties observées en termes de compétences pédagogiques et de niveau de qualification, ainsi que sur la structuration d'une profession. Toutefois, l'encadrement actuel doit être adapté à l'offre existante de l'enseignement de la danse, aux nouvelles esthétiques chorégraphiques ainsi qu'aux différentes voies d'accès à la formation : afin de prendre en compte l'évolution et la diversité des pratiques de la danse (Hip hop, danses régionales de France, danses baroques et danses anciennes, danses du monde…) ; afin de garantir pour ces esthétiques le niveau de qualification pédagogique intégrant en particulier l'attention donnée aux enjeux de santé et de sécurité ; afin d'autoriser la formation par la voie de l'alternance. Ces limites imposent de réguler autrement l'enseignement de la danse afin de renforcer la qualité de l'enseignement, de l'élargir à d'autres esthétiques et d'en ouvrir les voies d'accès. L'enjeu est de mettre à niveau un diplôme et une profession. La protection du titre de professeur de danse sera maintenue et élargie. Un nombre plus important de professionnels pourra obtenir le diplôme d'État. Ces derniers auront ainsi l'opportunité d'entrer dans une dynamique de carrière ouverte sur le privé, comme sur le public. L'intégration dans la fonction publique territoriale sera envisageable en tant qu'assistant territorial d'enseignement artistique, cadre d'emploi au sein des conservatoires. Il sera également possible d'exercer au sein de l'enseignement supérieur en fonction des parcours. Les réflexions collégiales, ainsi que les travaux participatifs, ont débuté avec les professionnels dès 2012 au sein de la commission consultative paritaire du spectacle vivant (CPC SV) et toutes les organisations soulignent désormais l'urgence d'élargir le bénéfice du diplôme à de nouvelles esthétiques chorégraphiques au-delà des danses classique, contemporaine et jazz déjà concernées, tout en renforçant le contrôle des exigences de sécurité et de santé publique afin de garantir l'intégrité physique de tous les pratiquants. Dans cet objectif, les services du ministère de la culture ont travaillé à une évolution des dispositions de la loi du 10 juillet 1989 transposées dans le code de l'éducation aux articles L. 362-1 à L. 362-5 et L. 462 1 à L. 462-6. Il s'agit d'une adaptation, concertée avec la majorité des représentants de la culture Hip hop, tenant compte des enjeux contemporains : l'élargissement à des esthétiques chorégraphiques ne bénéficiant pas de ce diplôme, le maintien des exigences de sécurité et de santé publique, la préservation des acquis des enseignants déjà diplômés, la valorisation du métier de professeur de danse par la réévaluation du diplôme au niveau 6 (Bac +3) pour le mettre en cohérence avec le dispositif LMD et l'ouvrir à d'autres modalités d'accès. Une proposition de loi (PPL) visant à professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques a été enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 avril 2023 (présentation par Mesdames Fabienne Colboc et Valérie Bazin-Malgras, députées). Cette PPL répond à une initiative parlementaire (Mission « flash » sur la répartition des compétences ministérielles pour la politique de la danse / Mesdames Valérie Bazin-Malgras et Fabienne Colboc / Juillet 2021). L'évolution du cadre législatif est fortement attendue par la communauté professionnelle, sachant que la vitrine des jeux olympiques 2024 risque d'entraîner un afflux de jeunes désirant se former au Hip hop. L'examen de la PPL a eu lieu le 7 mars dernier. Les députés ont adopté cette proposition de loi visant à professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques. La PPL a été transmise au Sénat. Le ministère de la culture est dans l'attente de son examen.

- page 2105

Page mise à jour le