Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 15/02/2024

M. Guislain Cambier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant l'usage de produits phytosanitaires dans la filière de production de l'endive, qui n'auraient toujours pas d'alternative.
Ces dernières années, avec la flambée des prix de l'énergie, la filière de production de l'endive s'était déjà interrogée sur sa survie. Au-delà du coût de l'électricité, indispensable à la production industrielle du végétal, c'est sur l'usage de produits phytosanitaires (notamment un désherbant interdit à partir de mai 2024) que le secteur veut mettre l'accent.
Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre, l'association des producteurs d'endives de France, l'APEF (comptant 300 producteurs, 5 000 salariés, 130 000 tonnes de légumes par an et 240 millions d'euros de chiffre d'affaires) pose clairement la question de savoir si nous devons renoncer à la production d'endives en France.
Lors de ses annonces le 1er février 2024, le Premier ministre a suscité l'espoir chez les endiviers en indiquant « vouloir être souverain, souverain pour cultiver, souverain pour récolter, souverain pour nous alimenter, avec deux mots d'ordre pour l'agriculture tels que produire et protéger ».
Or l'APEF souligne, qu'à ce jour, la filière endive n'a aucune visibilité sur sa capacité à produire après 2024, suite au retrait annoncé de plusieurs substances actives clés permettant de garantir la pérennité technique et économique de cette culture traditionnelle des Hauts-de-France (90 % de la production française). Ce manque de visibilité a stoppé tous les projets d'investissement ou d'installation/reprise de jeunes endiviers, freinant d'autant l'évolution des pratiques agroécologiques.
Cette association travaille notamment « sur des alternatives aux trois matières actives prochainement interdites (benfluraline, triflusulfuron-méthyle, spirotétramate) mais aucune n'a, à ce jour, permis de rassurer les endiviers et leurs conseillers techniques.
Les producteurs d'endives ne s'arc-boutent pas sur l'usage de la chimie. L'objectif de faire évoluer nos pratiques et limiter leur impact sur l'environnement est partagé par tous, mais les cycles de la nature et la complexité du métier ne permettent pas de trouver des réponses dans le laps de temps aussi court que prévoit la réglementation.
L'APEF rappelle qu'alors que 40 % des légumes consommés en France proviennent de l'import, l'endive présente dans les rayons est française à près de 100 %. Elle est une des solutions pour atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire du pays. Reste à savoir encore la produire demain...
Il lui demande des éléments concrets sur cette question, très attendus par cette filière qui a besoin d'un signal fort du Gouvernement tout comme d'une visibilité sur plusieurs années, et ce afin de reprendre confiance.

- page 492

Transmise au Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 09/05/2024

Les producteurs d'endives et de chicorées sont directement confrontés à une impasse technique potentielle pour le désherbage à la suite de l'interdiction européenne de la benfluraline, commercialisée en France via le produit phytopharmaceutique appelé Bonalan. Avant de statuer, toutes les voies ont été explorées, à la demande de la France notamment, pour maintenir une approbation européenne permettant certaines utilisations de la benfluraline, même restreintes. L'autorité européenne de sécurité des aliments avait été mandatée pour évaluer l'effet de diverses méthodes d'atténuation des risques. Néanmoins, les analyses ont clairement permis d'identifier des risques écotoxicologiques, ainsi qu'une double suspicion d'un caractère cancérigène et reprotoxique de catégorie 2 (CMR2). En tant que substance fluorée, la benfluraline a été listée par l'agence européenne des produits chimiques parmi les 30 substances actives phytopharmaceutiques de la famille des per- et polyfluoroalkylées (PFAS). L'interdiction de la substance a néanmoins été accompagnée d'un délai de grâce de 15 mois, porté par la France, permettant ainsi une utilisation des stocks de produits pendant une partie de la campagne, soit jusqu'au 12 mai 2024. La poursuite de la campagne 2024 d'endives et de chicorées pourra être conduite avec les autorisations existantes. S'agissant de la campagne 2025, les filières ont engagé des travaux d'identification d'autres solutions de désherbage, et le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement mobilisé pour permettre que des herbicides adaptés puissent être disponibles lors de cette campagne, en complément des herbicides déjà autorisés. C'est d'ailleurs l'objectif du cycle de réunion sur les alternatives de courts termes aux produits phytosanitaires interdits lancé le 15 mars 2024. Ce travail permet notamment d'objectiver les distorsions de concurrence liées à des différences d'autorisations de mise sur le marché (AMM) entre la France et les autres États membres de l'Union européenne. Une réunion dédiée à l'endive a eu lieu le 19 avril 2024 et de premiers éléments devraient être présentés le 24 mai 2024. Par ailleurs, dans le cadre du programme national d'expérimentation (PNE), deux substances d'intérêt sont actuellement à l'étude et dans l'attente de données complémentaires : l'halauxifène-méthyl et la pendiméthaline. Ces données pourront être générées en 2024 par des essais via une convention sur le budget du PNE. Un permis d'expérimentation a d'ores et déjà été déposé à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour un produit à base d'halauxifène-méthyl. Selon les éléments qui pourront être générés sur ces substances, des dérogations d'urgence pourraient être déposées par les filières endivière et de chicorée afin d'utiliser de tels produits pour la campagne 2025. En tout état de cause, ces substances présentent un profil toxicologique et écotoxicologique plus favorable que la benfluraline. Néanmoins, afin d'apporter un maximum de visibilité et de pérenniser les solutions de protection, il sera demandé à ce que les détenteurs de ces produits s'engagent à déposer auprès de l'Anses une demande d'AMM, en parallèle des demandes de dérogations. Concernant les méthodes non chimiques, les filières travaillent sur le désherbage mécanique automatisé et la pulvérisation intelligente ultra-localisée. Le désherbage des chicorées en particulier, a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté alimentaire pour la filière fruits et légumes. Les travaux futurs devront être de nature à pallier les conséquences de l'interdiction du Bonalan pour les filières endivière et de chicorée. À ce titre, le Gouvernement mettra à disposition tous les outils jugés nécessaires afin d'accélérer le développement et l'adoption d'alternatives. C'est tout le sens du travail mené au sein du plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, dit PARSADA. Les filières pourront ainsi certainement profiter des avancées agronomiques et techniques prévues par l'appel à projets dédié à la gestion de l'enherbement dans les cultures légumières, qui a été ouvert en janvier 2024 dans le cadre du PARSADA.

- page 2098

Page mise à jour le