Question de M. GOLD Éric (Puy-de-Dôme - RDSE) publiée le 22/02/2024

M. Éric Gold attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le traitement du contentieux lié au droit des étrangers par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). L'ordre du barreau s'inquiète de l'explosion des rejets : selon les chiffres du Conseil d'État, les rejets des référés-suspension ont augmenté de 315 % et les rejets des référés mesures utiles de 186 %. Ces décisions concernent l'ensemble des personnes étrangères, quelle que soit leur situation. Cela conduit de nombreux étrangers titulaires de contrat à durée indéterminée à se faire licencier, faute de réaction en temps voulu des services de la préfecture, et de considération du critère d'urgence par le tribunal administratif, y compris lorsque les emplois sont particulièrement qualifiés et indispensables, comme ceux des médecins du centre hospitalier universitaire. L'ordre des avocats regrette également que les dossiers d'aide juridictionnelle déposés par les personnes de nationalité étrangère soient quasi systématiquement rejetés, notamment au motif que l'urgence invoquée n'est pas justifiée, alors même que, par définition, le contentieux relatif au droit des étrangers suppose l'urgence, avec une obligation de quitter le territoire sous 48 heures. Certains avocats vont jusqu'à intervenir bénévolement pour assister les clients les plus démunis. Aussi, il lui demande quelles sont ses intentions pour garantir aux justiciables de nationalité étrangère un accès effectif au juge administratif, ainsi que le respect du droit à un procès équitable et à bénéficier de l'assistance d'un avocat.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/05/2024

Les magistrats du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, comme l'ensemble des magistrats administratifs, « exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard » (article L. 231-1 du code de justice administrative). Le contentieux des étrangers occupe une place centrale dans l'activité du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Il représentait 38 % des affaires jugées en 2022, soit une augmentation de 15,4 % par rapport à 2021. Les magistrats qui composent cette juridiction déploient des efforts soutenus pour faire face à cette augmentation du contentieux, et garantir des délais de jugement raisonnables tout en conciliant l'exigence de célérité de la justice avec le droit au recours et à un procès équitable. Le juge des référés statue selon les règles prévues par le code de justice administrative. Ainsi, le prononcé d'une mesure de suspension est soumis à des conditions d'urgence et de doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. L'article L. 511-1 du code de justice administrative impose au juge des référés de ne pas se saisir du principal et de statuer dans les meilleurs délais, tandis que l'article L. 522-1 du même code garantit le caractère contradictoire de la procédure. Toutefois, « lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée » (article L. 522-3 du code de justice administrative). Lorsqu'il fait usage de cette procédure dite « de tri », le juge des référés est dispensé de l'obligation de mener une procédure contradictoire. C'est dans ce cadre que les juges des référés des tribunaux administratifs sont amenés à exercer leur office, et ce, en toute indépendance. En cas de rejet de sa demande, le requérant a toujours la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat (article L. 523-1 du code de justice administrative). S'agissant de l'aide juridictionnelle, qui est le concours financier accordé par l'État aux personnes « dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice » (article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique), le Conseil d'Etat juge qu'il a « pour objet de rendre effectif le principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours » (CE, 10 janvier 2001, n° 211878). Cependant, l'accès à l'aide juridictionnelle ne constitue pas un droit absolu. La loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique conditionne le bénéfice de cette aide à des critères de résidence et de ressources financières. Ainsi, si les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement et régulièrement en France peuvent être admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle, celle-ci ne peut être accordée qu'à titre exceptionnel aux personnes de nationalité étrangère qui ne résident pas habituellement et régulièrement sur le territoire national. Par ailleurs, l'aide juridictionnelle ne peut être accordée à la personne dont l'action apparaît manifestement irrecevable, dénuée de fondement ou abusive en raison notamment du nombre des demandes, de leur caractère répétitif ou systématique. Selon un courant jurisprudentiel bien établi, le Conseil d'Etat juge qu'en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la personne à laquelle le bénéfice de l'aide juridictionnelle n'a pas été accordé dispose d'une voie de recours contre la décision de refus de cette aide. En outre, elle conserve le droit d'agir devant une juridiction pour soutenir sa réclamation et le refus de l'aide juridictionnelle ne préjuge pas de la décision qui sera rendue par cette juridiction. Enfin, il ressort du dernier alinéa de l'article 7 de cette loi que la même personne peut, si le juge fait droit à son action, obtenir le remboursement des frais qu'elle a engagés (CE, 11 février 2022, n° 456823). Ainsi, les décisions par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle refuse le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux ressortissants étrangers ne les prive pas d'un accès effectif au juge administratif, ni du droit à un procès équitable ou du droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat. Elles relèvent en revanche du contrôle exercé en la matière par la Cour administrative d'appel de Lyon.

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