Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 15/02/2024

M. Laurent Lafon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur une problématique de première importance : le projet de construction d'une prison à Noiseau, envisagé sur des terres agricoles actuellement exploitées. Reconnaissant la nécessité de renforcer notre infrastructure carcérale, il tient néanmoins à souligner que le choix de l'emplacement appelle une réévaluation minutieuse au regard des éléments récents. Depuis plusieurs mois, des élus de toutes orientations politiques, y compris au sein de la majorité présidentielle, manifestent unanimement, et à travers de multiples délibérations, leur ferme opposition à ce projet, le jugeant inapproprié pour diverses raisons.
Premièrement, le site envisagé couvre 20 hectares de terres agricoles fertiles, à haut rendement. De plus, le projet engendrerait un morcellement dommageable, rendant l'accès aux terrains restants difficile et mettant en péril plus de 50 hectares. La disparition de ces terres fertiles enverrait un signal décourageant à nos agriculteurs, déjà confrontés à d'importants défis. Il est crucial de soutenir ces gardiens de notre souveraineté alimentaire plutôt que de leur imposer des obstacles supplémentaires. Ce projet menace non seulement des terres cultivables, mais également l'avenir d'un jeune agriculteur dont la reprise de l'exploitation familiale serait compromise. Sans oublier la destruction potentielle d'une zone humide essentielle, abritant une nappe phréatique, ainsi qu'une biodiversité riche avec des espèces rares comme celle des salamandres.
En outre, le site renferme des ouvrages de drainage historiques, certains datant du XVIIe siècle, conçus pour assécher les sols en surface et ainsi les cultiver. Ils s'étendent sur plus de 70 hectares. Leur destruction pourrait avoir de fortes conséquences négatives touchant un large périmètre comme des inondations importantes du fait du changement climatique et ses effets sur la pluviométrie.
Par ailleurs, l'implantation de la prison à Noiseau aggraverait les problèmes de mobilité, notamment les embouteillages aux heures de pointe, avec une augmentation estimée à 800 véhicules par jour. Il serait judicieux de concentrer nos efforts sur l'amélioration de la mobilité dans le plateau briard, actuellement sous-desservi en termes de transports, et dont les habitants subissent déjà les nuisances considérables liées aux effets de « shunt ».
Au regard de ces éléments, il le sollicite pour réorienter les actions de son administration judiciaire et envisager des alternatives, telles que l'aménagement de friches industrielles. De nombreux maires sont prêts, de surcroît, à accueillir de nouvelles structures carcérales, une option d'autant plus pertinente que le Val-de-Marne présente déjà une densité carcérale supérieure à la moyenne régionale et que la plupart de ses détenus ne sont pas originaires du département.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 08/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2024

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 1096, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Laurent Lafon. Madame la ministre, j'alerte de nouveau le Gouvernement sur le projet de construction d'une prison à Noiseau, dans le Val-de-Marne.

L'orientation du Gouvernement est connue : il a engagé cinq nouveaux projets pénitentiaires en Île-de-France, mais l'essentiel des nouvelles places est concentré sur le site envisagé à Noiseau - 30 % des places se trouveront dans ce village de 4 700 âmes.

Le 1er février dernier, M. Patrick Farcy, maire de Villecresnes et conseiller départemental du Plateau briard, a adressé un courrier à M. le Premier ministre dans lequel il rappelait de façon limpide l'ensemble des problèmes soulevés par ce projet, lequel rencontre, je le rappelle, l'opposition de l'ensemble des élus locaux, toutes tendances politiques confondues.

D'abord, ce projet s'insère dans un département qui est déjà fortement marqué par un site pénitentiaire, celui de Fresnes, deuxième plus grand centre pénitentiaire de France, dont les besoins de mise en conformité sont criants et pour lesquels l'État a déjà été condamné.

Ensuite, la construction éventuelle de cette prison reviendrait à remettre en cause 50 hectares de terres agricoles fertiles encore exploitées. Avec elles, je vous parle de la destruction d'une zone humide essentielle, abritant une nappe phréatique fragile, ainsi qu'une biodiversité riche accueillant des espaces rares.

En outre, ce site renferme des ouvrages de drainage historiques, certains datant du XVIIe siècle. Ceux-ci s'étendent sur plus de 70 hectares et leur destruction causerait mécaniquement des inondations sans commune mesure avec ce que nous pouvons connaître actuellement.

Enfin, bien sûr, l'accès à ce site pose question, puisque l'on constaterait une augmentation estimée à plus de 800 véhicules par jour sur une voirie qui n'est pas dimensionnée pour cela.

Madame la ministre, ma question est simple : l'État veut-il toujours mener à bien ce projet de construction d'une future prison à Noiseau ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Lafon, parmi les cinquante-cinq sites potentiels qui ont été examinés pour ce projet en Île-de-France, les études foncières menées depuis des années ont bien entendu porté d'abord sur des friches industrielles. Malheureusement, aucun autre site ne disposait d'une emprise suffisante, adaptée à un centre pénitentiaire, qui plus est sans caractère inondable, sans projet déjà enclenché, sans surplomb ou servitude alentour posant des problèmes de sécurité.

Certes, le projet engendrera une diminution de foncier agricole, mais il sera conçu pour limiter au maximum ses impacts sur le milieu agricole. L'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij), qui assure la maîtrise d'ouvrage du projet, prendra contact avec les deux exploitants agricoles concernés afin d'évaluer précisément l'impact sur le fonctionnement de leur exploitation et d'adapter si besoin le projet pour le limiter.

À ce jour, les informations obtenues sur l'exploitation de M. Naudier sont les suivantes : sur 199 hectares, seuls 13 seraient utilisés par l'établissement pénitentiaire. Une étude préalable sera lancée prochainement afin de définir les mesures compensatoires.

L'existence d'un ancien réseau de drainage sous-terrain sur le site d'implantation du projet est connue. L'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a été désigné et les dates de son intervention seront définies prochainement.

Concernant les risques d'inondation, une entreprise spécialisée a d'ores et déjà été sollicitée pour réaliser un état des lieux.

J'en viens au trafic routier. Le Gouvernement a pris note des fortes inquiétudes, notamment sur les conditions de circulation très dégradées de la route départementale 136. Une étude de mobilité et des flux sera diligentée. Elle prendra en compte le projet d'agroquartier développé par les collectivités avoisinantes.

Sans attendre ces résultats, il a d'ores et déjà été retenu la création d'un accès secondaire à l'établissement via le chemin de la croix Saint-Nicolas, dédié aux véhicules légers, afin d'éviter une concentration des flux sur la RD 136, déjà fortement encombrée.

Monsieur le sénateur Lafon, j'espère avoir répondu à vos inquiétudes.

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