Question de Mme AESCHLIMANN Marie-Do (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 22/02/2024

Mme Marie-Do Aeschlimann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation financière préoccupante de l'association Point de Contact, résultant de sa perte de financement public.
Cette association assure un continuum de sécurité public-privé depuis 1998 par la qualification juridique des contenus illicites en ligne (pédocriminalité, terrorisme, incitation à la haine ou encore harcèlement) signalés par les internautes. En mettant à disposition du grand public des outils de signalement 100 % gratuits et anonymes, elle favorise un internet sans crainte. Ces signalements sont ensuite transmis à la plateforme gouvernementale PHAROS gérée par l'office anti-cybercriminalité (OFAC) à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) à Nanterre. Aussi l'association Point de Contact constitue-t-elle le premier signalant tiers de confiance.
Pour mener à bien sa mission, elle emploie des personnes chargées de qualifier les contenus, ce qui suppose de les rémunérer, de se doter de locaux ainsi que d'un logiciel de pointe à mettre à jour. Ces personnes transmettent alors les signalements, tant directement aux hébergeurs en vue d'un retrait qu'à PHAROS, qui les traite et alerte, le cas échéant, les services compétents.
Alors que l'association avait reçu des subventions publiques pour les années 2021 et 2022, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) ne lui a pas alloué de subvention en 2023. Malgré de nombreuses sollicitations de l'association, le CIPDR lui a opposé un silence, entraînant l'association vers une procédure de liquidation judiciaire au 22 février 2024.
Elle lui demande donc, au regard de l'urgence, s'il envisage la reprise du financement public pour l'association Point de Contact afin de maintenir la mission d'intérêt général qu'elle exerce, au croisement des acteurs privés et des institutions publiques. L'urgence est, du reste, d'autant plus caractérisée que Point de Contact est la seule association exerçant opérationnellement ces qualifications juridiques.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 08/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2024

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, auteure de la question n° 1109, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la ministre, premier tiers de confiance en matière de signalement de contenus en ligne illicites, l'association Point de Contact agit, depuis 1998, pour un internet sans crainte. Elle est un acteur reconnu dans la lutte contre les contenus haineux et illicites, en matière de terrorisme, de radicalisation, de harcèlement, de violences sexistes et sexuelles, de pédocriminalité.

Point de Contact analyse et qualifie les informations transmises par les internautes gratuitement et anonymement, avant de transmettre ces signalements, pour retrait et suites éventuelles, soit directement aux hébergeurs et plateformes numériques, soit à la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), le portail officiel géré par l'office anti-cybercriminalité de la direction nationale de la police judiciaire.

Point de Contact est l'une des neuf hotlines fondatrices de Inhope, le réseau international de lutte contre les contenus pédocriminels en ligne, qui regroupe aujourd'hui plus de cinquante pays.

Les signalements opérés par ce réseau alimentent la base de données d'Interpol sur l'exploitation sexuelle des enfants dans le monde.

Après leur collaboration en 2021 et 2022, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) n'a pas renouvelé en 2023 la subvention de 225 000 euros allouée à l'association, qui représente un tiers de ses financements.

S'il n'existe aucun droit acquis au maintien d'une subvention, cette rupture brutale des relations établies a précipité l'association dans une impasse financière grave.

Après un plan d'économies drastique, elle est à deux doigts de déposer le bilan. L'association, qui emploie quatre personnes pour éplucher des milliers de contenus illicites, réclame à l'État 41 000 euros pour éviter de mettre la clé sous la porte.

Alors que les menaces terroristes restent à un niveau élevé et que la France est le deuxième pays hébergeur de contenus pédocriminels en ligne au sein de l'Union européenne, comptez-vous prendre en compte ces enjeux et ces risques persistants, madame la ministre ? Estimez-vous opportun d'interrompre aujourd'hui le financement de Point de Contact ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice Marie-Do Aeschlimann, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Gérald Darmanin, qui m'a chargée de répondre à sa place à votre question.

L'association loi 1901 Point de Contact a été créée en 1998, sur une initiative des acteurs de l'industrie d'internet, afin de permettre le signalement des contenus pédopornographiques et de haine raciale.

L'association a ensuite permis à ces plateformes de répondre, pour un coût modique, aux obligations prévues par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, aux termes de laquelle les hébergeurs et les fournisseurs d'accès à internet sont désormais tenus « de mettre en place un dispositif accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance les contenus illicites », « d'informer promptement les autorités compétentes de toutes les activités illicites » qui leur seraient signalées lorsqu'elles sont hébergées sur leurs serveurs et de « rendre publics les moyens consacrés à la lutte contre ces activités illicites ».

Cette mission demeure l'objet principal de l'association Point de Contact. De nombreuses plateformes privées d'internet, comme Google, Facebook, Twitter, Tik Tok, ainsi qu'OVH, le premier hébergeur de serveurs français, sont aujourd'hui des adhérents de l'association. De grands opérateurs mondiaux occupent ainsi des fonctions éminentes au sein de l'association : un représentant d'OVH en est devenu le vice-président et un représentant de Google, son trésorier.

En 2021, une première subvention de 225 000 euros a été accordée par le CIPDR. L'association déclarait alors un financement global reposant sur une subvention de la Commission européenne et des cotisations de ses adhérents - je viens d'en citer certains -, comprises entre 2 500 euros et 25 000 euros par an.

Une seconde subvention de 225 000 euros a été accordée pour l'année 2022, son versement ayant été achevé le 30 avril 2023.

Une demande de subvention pour l'exercice 2023 a bien été effectuée le 16 mai 2023. Compte tenu du silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois, une décision implicite de rejet est née à compter du 16 juillet 2023.

Aux termes des budgets prévisionnels annexés aux conventions entre l'association et le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour les années 2021 et 2022, les crédits du FIPD ont financé à 100 % l'action de traitement des signalements répondant aux dispositions légales. Selon les budgets prévisionnels de l'association, joints à sa demande de subvention pour l'exercice 2023, aucune part des cotisations versées par les acteurs de l'internet, soit 154 000 euros au total, n'est affectée à cette action. Celle-ci est donc, de fait, supportée intégralement par le FIPD, à hauteur de 225 000 euros.

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame la ministre.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée. Je m'en tiens donc là, monsieur le président.

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