Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 14/03/2024

Question posée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, rien ne va plus, mais vous continuez à jouer l'avenir budgétaire de la France à la roulette.

Le bilan de votre majorité, après sept ans au pouvoir, c'est une explosion de la dette, une dégradation probable de la notation de la France, une privation de recettes délétère aux effets récessifs et un accroissement des inégalités.

En même temps, Emmanuel Macron entrera sans conteste dans nos livres d'histoire comme le président des très riches et du CAC 40, alors que les entreprises vont distribuer cette année 68 milliards d'euros de dividendes. Un record !

En même temps, des millions de Français ont vu le montant de leur facture énergétique augmenter et leur pouvoir d'achat rogné par l'inflation.

En même temps, les associations caritatives sont aujourd'hui débordées par le nombre de demandes.

Vous demandez aux gens de traverser la rue, mais vous ne créez que des impasses et votre politique de fracture sociale entraînera un jour ou l'autre une nouvelle crise majeure.

Or vous n'avez plus de majorité. Pour conduire cette politique contraire aux intérêts du pays, il vous aura fallu actionner vingt et une fois en moins de deux ans le 49.3 pour faire adopter les textes budgétaires.

L'année 2024 ne commence guère mieux, vos choix budgétaires étant déjà caducs. Malgré cela, aucun projet de loi de finances rectificative n'est annoncé dans les mois à venir. Et que dire du coup de rabot brutal de 10 milliards d'euros que vous décrétez ?

Nous, parlementaires, n'avons aucun élément d'information. Hier, nous avons appris dans le rapport de la Cour des comptes que cette dernière n'en avait pas plus !

Monsieur le Premier ministre, cette opacité est inacceptable. Votre trajectoire budgétaire n'a plus aucune crédibilité. Aussi, face à cette urgence, et conformément à l'article 34 de la Constitution, soumettrez-vous au Parlement, dans les meilleurs délais, un projet de loi de finances rectificative, ainsi qu'une nouvelle loi de programmation des finances publiques ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 14/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, des Français traversent des difficultés, c'est vrai, notamment au regard de leur pouvoir d'achat, vous l'avez dit.

S'il est un motif de fierté pour la majorité à laquelle j'ai la chance d'appartenir, pour le Président de la République et le Gouvernement, c'est bien d'être parvenus à inverser la courbe du chômage, ce que beaucoup avant nous s'étaient engagés à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Michel Savin s'exclame.)

Deux millions d'emplois ont été créés depuis 2017. L'emploi industriel, qui a diminué pendant des décennies, revient enfin en France. Nous créons plus d'usines que nous n'en fermons. Cela n'était pas arrivé depuis des décennies.

Quant au taux de chômage, il est le plus faible depuis vingt-cinq ans,...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Depuis 2008 !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. ... celui des jeunes est au plus bas depuis quarante ans, et le taux d'emploi est au plus haut depuis qu'on le mesure. Et cela, nous le devons à une stratégie, à une ligne, à la politique économique portée depuis 2017, qui nous a permis de créer les conditions favorables à l'activité économique et à l'emploi dans notre pays.

Ce sont autant de familles qui ont pu retrouver un emploi et sortir progressivement de la précarité. C'est évidemment un motif de satisfaction.

Pour autant, tous les problèmes sont-ils réglés ? La réponse est, évidemment, non. Nous devons continuer d'agir pour atteindre le plein emploi, pour inciter toujours davantage à travailler. J'ai eu l'occasion, dans mon discours de politique générale, ici même, d'assumer la ligne qui est la mienne : continuer à réformer notre modèle social, pour qu'il soit plus efficace, moins coûteux et qu'il incite toujours davantage à l'emploi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la question !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Améliorer notre taux d'emploi et continuer à lutter contre le chômage, c'est bon pour les Français qui retrouvent un travail, mais aussi pour nos finances publiques - tel est l'objet de votre question, monsieur le président Kanner -, car si nous avions le taux d'emploi de nos voisins allemands, nous aurions beaucoup moins de difficultés à équilibrer notre budget chaque année.

M. Michel Savin. Ah !

Mme Audrey Linkenheld. Et leurs excédents commerciaux ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Mon gouvernement et moi-même allons poursuivre sur cette ligne afin de favoriser l'emploi dans notre pays.

L'Europe traverse des difficultés économiques et connaît un ralentissement de l'activité. La France est concernée, mais moins - et il faut nous en réjouir - que nos voisins italiens et allemands, mais elle l'est tout de même.

M. Olivier Paccaud. Nous sommes toujours les meilleurs...

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous avons donc actualisé la prévision de croissance pour l'année 2024.

Dans un tel contexte, monsieur le président Kanner, quand les recettes diminuent, le bon sens veut que l'on prenne des décisions pour adapter les dépenses. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

C'est ce qu'a fait le Gouvernement, c'est ce qu'annoncé Bruno Le Maire, et l'ensemble des ministres l'assument. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson. On va en parler !

M. Yannick Jadot. Rétablissez l'impôt sur la fortune !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Ce qui est certain, c'est que la solution que vous proposez, dont nous avons eu l'occasion de débattre lors de l'examen des projets de loi de finances, et qui consiste à créer des taxes et des impôts supplémentaires ou à augmenter les impôts existants, n'est pas celle qu'a retenue le Gouvernement. Ce n'est pas notre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

De telles mesures contribueraient à détruire de l'emploi dans notre pays et à aggraver les difficultés de nos finances publiques. Nous ne dévierons donc pas d'une stratégie qui consiste à tout faire - tout faire ! - pour faciliter le retour à l'emploi dans notre pays et à assumer des décisions rigoureuses, sérieuses, pour nos finances publiques. Les Français aujourd'hui ne veulent pas voir leurs impôts augmenter. Quant aux jeunes générations, elles ne veulent pas avoir à assumer le fardeau que nous leur laisserions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je l'ai bien compris : point de projet de loi de finances rectificative ! Votre politique budgétaire, qui est injuste, manque toujours de transparence.

Si vous voulez des recettes, on est capables d'en trouver : je pense à l'impôt de solidarité sur la fortune et à d'autres. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mais, et je vous le dis avec beaucoup de force, il ne nous est pas possible d'attendre le mois de juillet, comme cela a été annoncé lors d'une audition à l'Assemblée nationale, pour parler des finances de notre pays, du budget de la France et de l'intérêt des Français. Aussi, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de vous remettre officiellement une lettre dans laquelle nous vous demandons de programmer un débat, conformément à l'article 50-1 de la Constitution, pour parler des finances publiques de la France. (M. Patrick Kanner remet un pli à un huissier, que celui-ci remet à son tour à M. le Premier ministre.)

Les Français ont besoin de savoir comment vous voyez leur avenir, notre avenir, et les parlementaires dans ce pays ont le droit de le savoir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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