Question de Mme POUMIROL Émilienne (Haute-Garonne - SER) publiée le 14/03/2024

Question posée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Les années se suivent et les pénuries de médicaments perdurent. L'an dernier, déjà, j'alertais sur cette situation. François Braun disait alors être en bonne voie pour regagner notre souveraineté sur le médicament. Il affirmait que le gouvernement d'alors faisait le maximum pour que tous les Français aient accès aux traitements qui leur sont nécessaires.

Pourtant, la situation ne s'est pas améliorée ; elle a même empiré. En 2023, près de 5 000 signalements de rupture de stock ont été recensés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en hausse de 31 % par rapport à 2022 et de 123 % par rapport à 2021. Quelque 37 % des patients ont été confrontés à au moins une pénurie de médicament.

En juillet 2023, le Sénat a adopté le rapport de nos collègues Laurence Cohen et Sonia de La Provôté, qui faisait 37 préconisations pour lutter contre ces pénuries. S'inspirant de certaines de ces propositions, votre gouvernement n'a présenté sa feuille de route qu'en février 2024, mais celle-ci ressemble davantage à une déclaration d'intention qu'à des mesures effectives et concrètes.

Monsieur le ministre, après des années d'alertes et de souffrances pour nos concitoyens, nous voulons des réponses précises. Comment allez-vous assurer que plus aucun enfant ne soit privé d'amoxicilline ? Comment comptez-vous garantir à chaque Français qu'il aura rapidement accès aux médicaments indispensables à sa santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention publiée le 14/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison de poser cette question. Je sais que ce dossier vous tient à coeur. Vous avez rappelé votre engagement, ainsi que les différentes étapes des travaux menés au Sénat.

Les tensions sur le marché des médicaments ne sont pas nouvelles. Elles se sont accrues, vous le savez, depuis la crise de la covid-19 et elles sont mondiales.

M. Bruno Belin. Deux ans qu'on en parle !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Nous suivons la situation de très près. D'ailleurs, nous observons depuis quelques semaines une détente sur les antibiotiques, le paracétamol ou les corticoïdes oraux. Il y a aussi des points de vigilance, notamment sur l'amoxicilline, que vous avez mentionnée.

Nous agissons dans deux directions. D'abord, il s'agit d'assurer la sécurisation et la fluidification de l'approvisionnement en médicaments. C'est la feuille de route que nous avons annoncée, avec Catherine Vautrin et Roland Lescure. Une liste de 450 médicaments essentiels, suivis de très près, a été établie l'été dernier. Et nous visons une transparence plus grande sur les chaînes d'approvisionnement, pour éviter les stocks indus chez les industriels, les répartiteurs ou les officines.

Nous donnons également la possibilité aux pharmacies hospitalières de produire de l'amoxicilline directement : nous verrons les effets de cette mesure très rapidement. (M. Bruno Belin s'exclame.)

Telle est l'action que nous menons avec les industriels, avec les fabricants, pour fluidifier la chaîne du médicament.

Nous avons aussi une politique de souveraineté industrielle et de retour de l'industrie du médicament dans notre territoire, illustrée par les annonces du Président de la République l'été dernier : la production de vingt-cinq médicaments essentiels sera relocalisée sur le sol français.

Il y a quelques semaines, nous avons annoncé la création de la première unité de production de paracétamol en Europe, près de Toulouse. Et les investissements de Sanofi à Lisieux, par exemple, annoncés aussi il y a quelques semaines, permettront d'étendre les capacités de production sur notre territoire. (M. Bruno Belin s'exclame de nouveau.)

Ces actions à différents niveaux nous permettront progressivement de tourner la page de la période de tensions que nous connaissons. Je répète toutefois que nous ne sommes pas seuls à connaître ces tensions, qui concernent l'ensemble du marché mondial du médicament.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, les quelques mesures que vous venez d'annoncer figurent dans votre plan et nous les connaissons. Mais dans cette feuille de route, pas une seule mesure de contrainte envers les Big Pharma mondialisées ! Ce sont pourtant leurs choix stratégiques qui sont la cause essentielle des pénuries : délocalisations pour produire à bas coût, abandon des produits matures, peu rentables, ou choix de thérapies innovantes aux coûts exorbitants.

En fait, vous laissez le marché gouverner notre accès aux médicaments, et même l'ensemble de notre politique de santé. Face à un délitement généralisé de la santé en France - difficulté d'accès aux médicaments, aux médecins traitants, déserts médicaux, problèmes des hôpitaux publics -, aucun investissement d'envergure n'est engagé par votre gouvernement.

Monsieur le ministre, à quand une politique de santé publique garantissant l'accès à la santé pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. - Mme Sylviane Noël et M. Bruno Belin applaudissent également.)

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