Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 21/03/2024

Question posée en séance publique le 20/03/2024

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)

M. Jean Hingray. Cher conclave de décideurs, champions du statu quo, gardiens du temple éducatif, je me tourne vers la flamboyante ministre de l'alma mater, pour éclaircir un spectacle plus troublant que la pièce de théâtre d'un cabaret surréaliste : que se trame-t-il dans les couloirs étouffants de Sciences Po ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Où est passée l'auguste sagesse de l'institution séculaire de la rue Saint-Guillaume ?

Avec la vague wokiste (Protestations sur les travées du groupe GEST.) qui déferle comme une série hollywoodienne, un capitaine abandonnant le navire pour tempête conjugale peu après une autre tempête incestueuse, et des rumeurs d'antisémitisme ébruitées comme un vaudeville, on se croirait dans une mauvaise série B...

C'est cette dernière cacophonie qui interpelle ma curiosité. Récemment, une étudiante s'est vu refuser l'entrée à une « fête intellectuelle » propalestinienne, sous prétexte qu'elle était juive. La tache d'huile se répand, comme en témoigne notre collègue Pierre-Antoine Levi. Elle s'étale jusque dans les couloirs de l'université du Mirail à Toulouse, où, sous l'ombre pesante de la peur, les étudiants juifs hésitent à fouler le pavé académique.

Et que fait-on ? Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, vous avez joint les actes au discours en vous infiltrant dans le conseil d'administration de la vénérable fondation, pour un petit remontage de bretelles bien mérité ; mais voilà que les dignitaires académiques se cabrent et crient à l'attentat contre leur sacro-sainte indépendance !

Tenez-vous bien : le citoyen-roi, grand dispensateur des deniers publics, ne veut plus financer la diffusion de cet évangile woke. (Protestations et marques d'ironie sur les travées du groupe SER.) Sciences Po, sirotant avec une paille 35 % de fonds publics, peut-elle vraiment jouer les divas intouchables ? Le totem de l'autonomie pédagogique ne demande-t-il pas, à l'instar d'un scénario usé, une petite retouche créative ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 21/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Hingray, oui, vous l'avez dit, et il faut le répéter haut et fort, l'antisémitisme, quel que soit le masque qu'il revêt, est un fléau et en la matière la tolérance zéro est notre ligne.

L'université et l'école font partie intégrante de la société. Si elles partagent des forces et des lumières, elles doivent aussi affronter les tensions et les sombres maux qui les parcourent.

Vous m'interrogez sur les événements récents qui se sont déroulés à Sciences Po. Comme à chaque fois, nous appliquons une méthode d'objectivation des faits, que vous avez rappelés. C'est la raison pour laquelle, conformément à nos annonces, le Premier ministre et moi-même avons transmis un signalement à la procureure au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Nous nous sommes rendus sur place, je n'y reviens pas. Il y a eu, je le confirme, un envahissement sauvage de l'amphithéâtre et une absence manifeste de respect du cadre permettant un débat serein, débat qui doit pouvoir se tenir dans nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Les témoignages sont clairs, l'étudiante de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été empêchée par deux étudiants d'accéder à la conférence. On nous a rapporté des propos antisémites gravissimes. Des signalements sont donc transmis à la justice, parce que, oui, nous sommes dans un État de droit.

Mon ministère est pleinement engagé dans la lutte contre l'antisémitisme et contre toute forme de discrimination. Dès les attaques terroristes du 7 octobre 2023, j'ai écrit aux chefs d'établissement pour leur demander d'accroître la mobilisation de chacun. Dans mon courrier, je leur demandais d'abord de prévenir les actes, puis, le cas échéant, de les repérer et d'accompagner les victimes, qui doivent pouvoir être en sécurité. Je demandais qu'ils signalent ces actes, qu'ils engagent une réponse à la fois disciplinaire et judiciaire et qu'ils agissent pour réparer et effacer les traces de haine.

C'est un travail que nous menons en lien avec chaque acteur, notamment avec les représentants étudiants. Des actions sont déployées dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations, plan que nous continuons à mettre en oeuvre année après année.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nous ne baisserons jamais la garde face au poison de l'antisémitisme. Vous pouvez compter sur notre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Bernard Fialaire applaudit également.)

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